Vers un renouvellement des formes d'attention : regard et écoute dans les dispositifs scéniques de Philippe Quesne.
Auteur / Autrice : | Zoé Mary |
Direction : | Julia Gros de Gasquet, Jeanne Bovet |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Études théâtrales |
Date : | Inscription en doctorat le 15/11/2019 |
Etablissement(s) : | Paris 3 en cotutelle avec Université de Montréal (1978-....) |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Arts et médias (Paris) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Laboratoire International de Recherches en Arts (Paris) |
Résumé
À travers la pratique du metteur en scène français Philippe Quesne, cette recherche explore la façon dont certaines dramaturgies contemporaines travaillent et reconfigurent la question de l’attention, à l’heure même de sa potentielle mise en crise. Dans des pièces comme La Mélancolie des dragons, Swamp Club ou La Nuit des taupes, la mise en scène soustrait d’abord quelque chose aux attributs traditionnels de la représentation théâtrale (la dextérité vocale, l’aisance corporelle, l’individualisation des interprètes, et parfois l’usage du langage articulé), redistribuant l’écoute et le regard du public entre les différents éléments du dispositif scénique. Le conflit dramatique fait place à une mise en scène de l’entente (aux sens propre et figuré) qui privilégie la cohabitation à la confrontation : les interactions entre les communautés humaines, non-humaines et l’écosystème qu’elles habitent constituent le moteur et le sujet des spectacles. Ces petits mondes évoluent par ailleurs dans des topoï donnés (grottes, parcs et vivariums), dispositifs dans le dispositif qui orientent et interrogent notre attention sur ses propres mécanismes. Espaces d’hypervisibilité et d’hyperauditivité pour les uns, lieux de mirages sonores et d’apparitions pour les autres, tous offrent la possibilité de jouer de frictions et disjonctions entre le son et l’image, le vu et l’entendu, encourageant le public à exercer son écoute et son aptitude au montage. Dans les créations du Vivarium Studio, l’attention oscille entre des dynamiques de grossissement et de prise de recul. Le public aux aguets adopte une posture à la fois ouverte et investigatrice qu’incarne le modèle du spectateur entomologiste. Parfois prise au piège par la profusion de détails, de micro- évènements visuels et sonores, l’attention montre une tendance à la défocalisation et à l’acentrement qui correspond aussi bien aux dynamiques de la composition paysagère qu’à celles des peintures de la renaissance flamande dont Philippe Quesne fait l’une de ses sources d’inspiration. Cette recherche invite donc à considérer la manière dont certains·es artistes contemporains·es utilisent la dispersion de l’attention comme moyen de performer la complexité d’un monde fragmenté, produisant ce que Jonathan Crary désigne sous le terme de « contre-formes » d’attention. La mise en regard de ces pratiques et de certains concepts et modèles attentionnels historiques comme la dispersion (opposée par William James à la concentration), l’attention flottante freudienne, la réception en état de distraction chez Walter Benjamin, ou plus récemment encore, l’inattention sélective définie par Richard Schechner, nous aide à appréhender l’originalité de ces démarches dans leur capacité à réinventer les modes d’attention du public.