Gilets jaunes : chocs, vulnérabilités et résistances.Chronique de colosses aux pieds d'argiles dans des «capitales aux minuscules décapitées »
Auteur / Autrice : | Maxime Piccolo |
Direction : | Thierry Blin |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Sociologie |
Date : | Inscription en doctorat le 01/09/2019 |
Etablissement(s) : | Montpellier 3 |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale 60, Territoires, Temps, Sociétés et Développement |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : LEIRIS - Laboratoire d'Études Interdisciplinaires sur le Réel et les Imaginaires Sociaux |
Mots clés
Mots clés libres
Résumé
Devenu un véritable « petit champ scientifique » (Ravelli, 2020), le mouvement des gilets jaunes par son caractère inédit en termes de forme et de résonance a conduit de nombreux chercheurs à étudier cette « révolte des budgets contraints » (Blavier, 2021). Dans le cadre de cette thèse, nous proposons à notre tour d'y contribuer en analysant les formes de solidarité qui se sont constituées dans des « grappes giratoires » (Ravelli, 2020) situées dans des « capitales aux minuscules décapitées » (Fabre, 2016). Fin 2018, dans les friches industrielles de la Haute-Vallée de l'Aude, ce ne sont plus de simples banderoles affichées qui marquent un « Territoire en résistance ! », mais des individus vêtus de gilets à haute visibilité qui occupent les ronds-points de la « truite » à Quillan et de celui de « l'âne » à Limoux. Jadis fleuron industriel, le territoire connaît un déclassement sans précédent. Les chants qui sortaient des usines de la Chapellerie racontant la gloire du territoire (Amaouche-Antoine, 1984) ont laissé leurs places au silence d'un territoire qui ne se raconte plus (Fabre, 2016). Après les fermetures des fabriques de chapeaux et de chaussures (Paugam, 2000), le dernier symbole de l'industrie, symbole d'une transition industrielle réussie (Moscovici, 1961), l'usine Formica, a fermé ses portes en 2004 après de nombreux plans de restructuration. Ces catastrophes sociales (Lazarsfeld, 1971) successives participent à fragiliser le territoire et ses liens dans son ensemble. Si le début du XXème siècle a marqué l'exode vers ces « capitales aux minuscules », la fin de ce siècle est marquée par l'exode des nouvelles générations vers un ailleurs plus florissant (Coquard, 2022). Ces grands changements économiques ont transformé durablement la morphologie sociale de ces territoires affectant les structures régulatrices de l'attachement social. En effet, les supports fondamentaux des individus, qui agissent comme des formes de résistances, se sont détériorés et fragilisés fabriquant structurellement des « individus par défaut » (Castel, 2003). Cette vulnérabilité des territoires éloigne certains espaces de ce que Halbwachs nomme le « feu de camp ». En ce sens, si le concept de « France périphérique » (Guilluy, 2016) prête à débat dans le champ scientifique, l'expression d'intégration périphérique, proposée ici, permet d'analyser les Gilets jaunes en tant qu'« exclus de l'intérieur », situé dans en deçà d'une intégration assurée mais dans un au-delà de l'action sociale (Paugam, 2019). Ainsi dans cette thèse, nous rendrons compte de ces actes de résistance qui s'inscrivent dans une volonté, pour les acteurs, de reprendre le fil de leur histoire personnelle et collective afin de supporter les chocs subis. C'est cette histoire d'homme désintégré (Gaulejac,1994) que nous relatons à travers les trajectoires, les épreuves et les blessures biographiques de ces individus aux pieds d'argiles.