Equilibrer les besoins matières avec l’atténuation de l’empreinte carbone : une prospective intégrée climat-matières-économie pour la France.
Auteur / Autrice : | Antoine Teixeira |
Direction : | Frédéric Ghersi, Julien Lefèvre |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Territoires, sociétés et développement |
Date : | Inscription en doctorat le 14/10/2019 |
Etablissement(s) : | Paris, EHESS |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Centre international de recherche sur l'environnement et le développement |
Organisme public : ADEME (Agence de la transition écologique ) - CGDD (Commissariat général au développement durable) | |
Entreprise : Fonds-SMASH (Société de Mathématiques Appliquées et de Sciences Humaines) - Groupe Eiffage - Imerys |
Résumé
Les émissions mondiales de Gaz à Effet de Serre (GES) liées à la production des matériaux de base connaissent une croissance rapide, stimulées par le développement industriel et économique mondiale. Représentant près d’un quart des émissions mondiales, ces émissions posent un défi majeur dans la lutte contre le changement climatique. En particulier, les Stratégies Nationales Bas-Carbone (SNBC) existantes ne couvrent que les émissions territoriales et sont incompatibles avec la nature mondialisée des chaînes de valeur matérielles. Dans ce contexte, il est urgent d'identifier des stratégies nationales plus adéquates permettant d’équilibrer les besoins matériels avec la réduction de l'empreinte carbone. Cette thèse explore divers aspects de cette question par le développement d’exercices de modélisation intégrées sur le cas de la France. La première partie analyse l'influence des besoins en matériaux sur l'empreinte carbone actuelle et future en France. Via une analyse Multi-Régionale Input-Output (MRIO), un chapitre introductif expose la disparité Nord-Sud vis-à-vis de l'Empreinte Carbone de la production de Matériaux (ECM). Il montre que le Sud supporte l’essentiel des impacts générés par la consommation finale du Nord. L’absence d’outils adaptés pour évaluer et cartographier l’ECM de scénarios nationaux a motivé le développement du modèle Hybride Input-Output (HIO) MatMat. Détaillé dans un second chapitre, cet outil supporte l’ensemble des applications de la thèse sur le cas de la France. Le troisième chapitre démontre que les SNBC négligent l'ECM, qui en 2015 représentait environ 3 tCO2eq par habitant, et qui n’est pas réduite par la SNBC officielle de 2018. La cartographie de l'ECM le long des chaînes de valeur et du commerce international révèle des stratégies potentielles pour atténuer ces émissions. La seconde partie de la thèse évalue le potentiel de deux stratégies alternatives pour équilibrer les besoins en matériaux avec la réduction de l'empreinte carbone en France : la sobriété énergétique et le recyclage des matériaux. Basé sur les scénarios "Transition(s) 2050" de l'ADEME, le quatrième chapitre montre que s'orienter vers une plus grande sobriété énergétique permet de réduire plus efficacement les empreintes carbone et matières de la France à horizon 2050, améliorant ainsi la durabilité des modes de consommation et de production. Le cinquième chapitre explore le recyclage des matériaux comme une stratégie complémentaire pour renforcer la durabilité des SNBC. Il démontre que déployer le recyclage pour réduire les importations plutôt que la production de matériaux primaires est plus efficace pour diminuer les empreintes matières et carbone. En parallèle, cette stratégie permet générer des co-bénéfices socio-économiques en termes de création d'emplois et de réduction du déficit commercial, tout en renforçant la résilience face aux incertitudes des prix internationaux. Ce chapitre propose également un cadre de modélisation innovant : en mettant en relation les résultats des modèles MatMat et en Équilibre Général Calculable (EGC) Imaclim-S France, il illustre la valeur ajoutée des modèles EGC par rapport aux analyses IO traditionnelles pour informer des impacts économiques induits. Cette thèse souligne la nécessité d'améliorer et d'étendre les outils existants, actuellement limités aux analyses intégrées énergie-matière dans le domaine de l'écologie industrielle, afin de mieux représenter les mécanismes économiques clés qui influencent significativement les résultats prospectifs. Elle appelle à repenser les politiques publiques et les stratégies nationales bas-carbone pour intégrer l’empreinte carbone ainsi que les impacts environnementaux plus largement. Elle propose notamment d’améliorer l’intégration des pratiques d’économie circulaire dans les scénarios de transition, au-delà du levier recyclage qui devrait être mobilisé en dernier recours dans une logique de durabilité forte.