Former l’État par sa privatisation. Le recours au secteur privé dans les prisons françaises

Privatization as State Formation. Exploring the Role of Private Companies in the French Prisons

• Auteur / Autrice : Nathan Rivet
• Direction : Jérôme Pélisse
• Type : Projet de thèse
• Discipline(s) : Sociologie
• Date : Inscription en doctorat le 01/10/2019
• Etablissement(s) : Paris, Institut d'études politiques
• Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de Sciences Po (Paris ; 1995-....)

Mots clés

Mots clés libres

Institution carcérale

Partenariat public-privé

Gestion déléguée

Contractualisation

Administration pénitentiaire

Sous-traitance

Ethnographie

Carceral Institution

Public-private partnership

Outsourcing

Contracting

Prison administration

Delegation

Ethnography

Résumé

Depuis 1987, diverses entreprises privées interviennent dans les prisons françaises et assurent des missions telles que la maintenance, la restauration, la buanderie, le travail pénal, la cantine, le transport des détenu·es, les soins de santé et l'accueil des familles. En étudiant la gestion déléguée et les partenariats public-privé pénitentiaires, cette thèse met en lumière un paradoxe : alors que le secteur privé se développe, l'État ne se retire pas, bien au contraire. Cette énigme constitue le point de départ d’une enquête multi-située s’appuyant sur trois mois d’observation en prison, plus d'une centaine d'entretiens ainsi que l’analyse d'archives. Des coursives de Fleury aux couloirs de Bercy, la thèse démontre que la privatisation à l’œuvre forme l'État sous différentes coutures. En plus de servir l’extension de l’infrastructure carcérale, la sous-traitance y redéfinit la division du travail et modifie en profondeur les hiérarchies professionnelles et morales qui structurent cet univers. Les incertitudes et les tensions qui jalonnent les relations entre le public et le privé impliquent alors une bureaucratisation de l’administration pour contrôler les entreprises. Cette dynamique, qui participe à la rationalisation et la formalisation du quotidien carcéral, illustre l’ambivalence dans la régulation du marché dont le secteur public est à la fois captif et architecte. En réformant, déformant, informant et transformant l’action publique, l’administration et les frontières étatiques, le recours au secteur privé redéfinit la perception et la compréhension de l'État par celles et ceux qui le côtoient et le font exister.

Since 1987, various private companies have been involved in the operation of French prisons, providing services such as maintenance, catering, laundry, penal labor, canteen management, prisoner transport, healthcare, and family services. By examining public-private partnerships within carceral facilities, this thesis highlights a paradox: while the private sector is expanding, the State is not retreating - quite the contrary. This enigma is the starting point for a multi-site investigation based on three months of observation, over a hundred interviews and analysis of archives. From prison yards to the minister of finance, the thesis shows that privatization at work shapes the State in different ways. Beyond expanding prison infrastructure, subcontracting redefines the division of labor and profoundly alters the professional and moral hierarchies that define this universe. The uncertainties and tensions that punctuate relations between the public and private sectors lead to the bureaucratization of prison administration as a means to control these companies. This dynamic, which contributes to the rationalization and formalization of daily prison life, illustrates the ambivalence of market regulation, in which the public sector is both captive and architect.