Thèse soutenue

Produire le vrai sur le faux : sociologie politique des discours et pratiques de lutte contre les fake news

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Auteur / Autrice : Ysé Vauchez
Direction : Nicolas Hubé
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Science politique
Date : Soutenance le 04/10/2024
Etablissement(s) : Paris 1
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de science politique (Paris ; 1992-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre européen de sociologie et de science politique (Paris ; 2010-....)
Jury : Président / Présidente : Érik Neveu
Examinateurs / Examinatrices : Nicolas Hubé, Laurent Jeanpierre, Sylvain Parasie
Rapporteurs / Rapporteuses : Sandrine Lévêque, Anne Cordier

Résumé

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À la fin de l’année 2016 naît dans l’espace médiatique l’expression « fake news », présentée comme de « fausses nouvelles, souvent sensationnelles, déguisées en vraies informations ». Avec la diffusion de cette expression, se développe une panique qui la constitue en parangon des « désordres informationnels » créés par l’information en ligne. Par ce terme est construit un problème public : la diffusion massive et récente du faux en ligne, sa réception crédule par des publics internautes, et par là, une mise en péril du débat public, de la démocratie et de la rationalité. Contrairement à ses avatars précédents – rumeurs, bobards, propagande, la diffusion du faux, problématisée sous le terme de fake news, génère un impératif à agir, une injonction à lutter contre un problème construit comme grave et imminent pour la démocratie. Cet impératif donne lieu à ce que l’on peut qualifier de nébuleuse anti-fake news, un ensemble d’acteur·ices appartenant à différents champs professionnels – journalistes, universitaires, scientifiques, enseignant·es du secondaire, saisi·es par cet impératif à agir contre les fake news, et réunis momentanément autour d’un même objectif de lutte. À l’appui d’une enquête par entretiens, observations, analyse de corpus de documents et d’archives audiovisuelles, cette thèse restitue les vecteurs par lesquels cette formule politique est devenue un mot d’ordre d’action publique, ainsi qu’un levier d’engagement pour des acteur·ices aux profils différenciés. Comment s’est constituée autour de ce terme une injonction à la rationalité individuelle ? En quoi l’engagement dans la lutte contre les fake news s’inscrit-il pour ses acteur·ices comme une défense de l’intérêt général ? La démonstration se développe en trois temps. Il s’agit tout d’abord d’étayer empiriquement la naissance de ce mot d’ordre rationaliste sur les fake news, constitué de schèmes interprétatifs stabilisés dans l’arène médiatique. Après avoir identifié les formes prises par cette problématisation, ainsi que ses ressorts, on cherche à comprendre comment ce cadrage est devenu un mot d’ordre dominant, à la fois pérennisé dans le temps et diffusé dans l’espace social. Pour ce faire, on porte le regard sur les membres de la nébuleuse appelé·es et consacré·es par l’État à dire « le vrai sur le faux ». Les ressorts de la force sociale du cadrage étant désormais établis, un dernier mouvement de la démonstration interroge son influence sur les pratiques des acteur·ices de la nébuleuse. L’étude de deux domaines de lutte contre les fake news – la vérification d’information et l’éducation aux médias – illustre les variations prises par la promotion d’une figure du citoyen idéal, acteur informationnel rationnel et nuancé.