Thèse soutenue

L'imitation d'autrui et l'invention de soi : le concept d'ingenium chez Spinoza

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Auteur / Autrice : Mélanie Zappulla
Direction : Chantal Jaquet
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Philosophie
Date : Soutenance le 18/11/2023
Etablissement(s) : Paris 1
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Philosophie (Paris)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre d'histoire des philosophies modernes de la Sorbonne (Paris ; 1983-....)
Jury : Examinateurs / Examinatrices : Chantal Jaquet, Pierre-François Moreau, Pascal Sévérac, Daniel Garber

Résumé

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Ce travail porte sur le concept d’ingenium dans la philosophie de Spinoza, qui désigne la complexion affective singulière d’un homme ou d’un peuple. En raison de son univocité, il constitue un concept-pivot du système, soulevant des enjeux éthiques et politiques, mais aussi physiques, ontologiques et épistémologiques. Il s’agit d’abord d’analyser les rapports entre l’ingenium d’un homme et la notion d’individu, l’essence singulière d’un homme, et les genres de connaissance. L’objectif est de montrer le concept d’ingenium permet de penser l’individualisation des hommes à partir des affects, ainsi que leur identité affective, la notion d’identité subissant plusieurs décentrements. Il s’agit ensuite de traiter la question de l’unité et de l’individualité du peuple à l’aune du concept d’ingenium. Cette thèse soutient qu’un peuple n’est pas un individu au sens d’Éthique II, bien qu’il tende à s’en approcher. L’ingenium du peuple définit néanmoins l’identité affective d’un peuple, en interrogeant de nouveau la notion d’identité. Cette thèse s’attache aussi à déterminer la part d’imitation d’autrui et d’invention de soi dans la constitution de l’ingenium. Si l’imitation d’autrui renvoie d’abord à l’imitation des affects, l’invention de soi peut s’entendre au sens d’une découverte, mais aussi au sens d’un art qui procède à l’invention de règles pour la conduite de la vie. L’imitation d’autrui apparaît la plus déterminante dans la genèse de l’ingenium passionnel, mais l’ingenium de l’homme libre et du sage procèdent davantage de l’invention de soi. L’homme libre découvre sa propre nature et se ressaisit lui-même comme une partie dans le tout, mais il s’exerce aussi à appliquer la règle de vie droite. Le sage apprend à connaître son essence, mais il fait aussi la découverte de ce qui, en lui, dépasse son individualité, l’entendement, qui constitue, avec les autres modeséternels du penser, l’entendement de Dieu. La découverte de soi conduit ainsi à la découverte d’un nous. À l’échelle d’un peuple, l’imitation des affects assure un rôle décisif dans la constitution de la complexion d’un peuple. Les gouvernants doivent aussi inventer des institutions adéquates à l’ingenium du peuple. Cette invention est d’abord comprise comme la découverte d’un nous à travers l’histoire. Elle prend aussi la forme d’un art qui procède à l’invention de règles pour la vie en commun. Spinoza formule en effet l’exigence normative de créer des institutions adaptées à la complexion du peuple. Il importe de recueillir le consentement du peuple aux lois pour que l’exercice de l’imperium soit légitime.