Travailler dans une multinationale de la mode éphémère au Chili et en France : une sociologie des qualités professionnelles des salariés
Auteur / Autrice : | Rodolfo Martinic Lenta |
Direction : | Bénédicte Zimmermann, Alvaro Soto Roy |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Sociologie |
Date : | Soutenance le 17/03/2025 |
Etablissement(s) : | Paris, EHESS |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Centre Georg Simmel. Recherches franco-allemandes en sciences sociales (Paris) |
Jury : | Président / Présidente : Sophie Bernard |
Examinateurs / Examinatrices : Sophie Bernard, Sylvie Monchatre, Pascal Ughetto, Danilo Martuccelli | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Sylvie Monchatre, Pascal Ughetto |
Résumé
Cette thèse examine le travail de vente dans une multinationale de la mode éphémère (fast fashion) en France et au Chili, à travers une problématique qui se déploie en deux axes. D’une part, elle interroge le processus de déqualification, comparable à celui induit par l’organisation scientifique du travail dans l’industrie, qui toucherait désormais les métiers de la vente. Le récit de la déqualification dans ces derniers est devenu presque canonique : l’art de vendre, tel qu’il était pratiqué dans les grands magasins du XIXe siècle, avec une courtoisie irréprochable et une connaissance approfondie des produits, aurait progressivement laissé place à des tâches logistiques dans des espaces en libre-service, marquées par des activités prescrites, routinières et simplifiées, où le service client se résumerait à une simple mise en relation entre la marchandise et la clientèle. Cette approche repose sur l’idée que la qualification d’un travail découle essentiellement de la connaissance et de l’autonomie du travailleur, ce qui conduit à considérer de nombreux métiers contemporains comme « non qualifiés », en oubliant que tout travail, même le plus simple et routinier, requiert certaines habiletés. D’autre part, cette thèse étudie la manière dont les contextes sociohistoriques façonnent un même type de travail et le rapport que les individus des sociétés différentes entretiennent avec celui-ci, grâce aux conditions de comparabilité qu’assure l’implantation globale d’une multinationale. S’inspirant de l’histoire croisée, elle compare le travail de vente dans une entreprise dans deux pays aux forts contrastes comme le Chili et la France. Ces contrastes tiennent notamment à la place différenciée du travail dans la manière de faire société qui s’exprime aussi bien dans les cadres institutionnels des pays que dans la manière dont les personnes conçoivent leur activité productive. Fondée sur deux enquêtes ethnographiques menées au sein de la même multinationale au Chili et en France, la thèse répond à cette double problématique en introduisant la notion de « qualités professionnelles des salariés ». Cette notion consiste en une méta-catégorie permettant à la fois de dépasser l’approche de la déqualification et d’analyser comment les attributs des travailleurs sont mis à profit par l’entreprise. À la croisée de la sociologie des parcours de vie et de l’activité, ainsi que de la Labor Process Theory, la thèse étudie d’abord la mise en marché des qualités professionnelles des salariés (première partie), pour examiner ensuite les modalités selon lesquelles celles-ci sont déployées dans le processus de travail de vente (deuxième partie), et enfin s’intéresser à leur lien avec la mobilité professionnelle et sociale des salariés (troisième partie).