Thèse soutenue

Paul Iribe, une figure controversée dans l’émergence de l’Art déco

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Auteur / Autrice : Lucie Virginie Bariset
Direction : Stéphane Laurent
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Histoire de l'art
Date : Soutenance le 18/12/2024
Etablissement(s) : Paris 1
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Histoire de l'art (Paris ; 2000-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Histoire culturelle et sociale de l'art (Paris ; 2006-....)
Jury : Président / Présidente : Jérémie Cerman
Examinateurs / Examinatrices : Stéphane Laurent
Rapporteurs / Rapporteuses : Roxane Hamery, Claire Maingon

Résumé

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Créateur insatiable à la personnalité complexe, il n’est pas aisé de fixer la physionomie artistique de Paul Iribe. Tour à tour, caricaturiste, journaliste, décorateur, créateur de bijoux, scénographe, styliste, photographe, éditeur, scénariste, metteur en scène, costumier… Iribe, à l’image de Cocteau, avec lequel il partage les premières années de sa vie de créateur, touche à tout avec une facilité et un talent peu communs, défiant ainsi tous ceux qui seraient tenter de l’enfermer dans un domaine artistique. Un constat s’impose. Si Iribe, en ce début des années 1910, est omniprésent dans tous les champs des arts décoratifs, ses créations mobilières semblent peu susciter l’attention de la presse spécialisée française. Ce manque d’intérêt des périodiques français s’explique, en outre, par le choix du jeune créateur de se tenir en dehors de tous circuits commerciaux. Tout en étant très sollicité par une clientèle cossue et « très imité » par ses confrères, Iribe reste en retrait des manifestations officielles. Snobisme à la des Esseintes ou juge-t-il la démarche peu fructueuse en termes de visibilité et donc de rentabilité ? Il y a un certain paradoxe à considérer qu’Iribe fait « tout » pour sortir de l’anonymat et devenir une figure artistique importante de ces années 1910, mais ne fait rien pour soigner sa popularité. Les quelques articles qui lui rendent hommage témoignent de cette effervescence créatrice qui procède à la fois du prodige et de l’art de la dispersion. Pour certains, Iribe est le précurseur de l’Art décoratif moderne, celui « qui montra la voix », pour d’autres, il est davantage l’homme des révolutions avortées, n’exploitant jamais jusqu’au bout ses intuitions géniales. Suivre l’itinéraire artistique de Paul Iribe, c’est à la fois suivre la voie d’un artiste original, farouchement attaché à sa liberté, mais aussi les problématiques esthétiques auxquelles se confrontent les artistes décorateurs modernes en ces années d’avant-guerre où la « querelle du cosmopolitisme » bat son plein. Suivre le parcours de Paul Iribe, c’est appréhender la complexité de cette période charnière, passage d’un style à un autre, de l’Art nouveau à l’Art déco. Ce « nouveau style », qui s’élabore dans les années 1910 doit, en effet, au moins autant à Paul Iribe qu’à des figures aujourd’hui emblématiques de cette transition, tel André Groult. La rose et le galuchat, si caractéristiques de cette période doivent à Iribe ; pour la première son statut iconique, pour le second, sa remise au goût du jour - jusqu’à devenir le symbole de l’Art déco. Exilé aux États-Unis, où il met son talent au service du producteur metteur en scène Cecil DeMille, il passe à côté de l’effervescence des années 1920 et disparait totalement de l’actualité parisienne. Mais, plus pénible encore est l’indifférence dans laquelle les organisateurs de l’Exposition internationale des Arts décoratifs de 1925, le tiennent. Aucun rappel n’est fait de ce style « à la rose ». C’est un oublié. En s’exilant Iribe s’est mis à l’index de toutes les tendances nouvelles - dont il fut l’un des précurseurs - et dont la guerre a accouché. L’aigreur pointe. Le décorateur audacieux des années d’avant-guerre laisse place à un virulent pamphlétaire. Il se lance dans une cabale contre l’art de son temps, et met toute sa fougue au service de la défense des industries du luxe et de l’artisanat. Mais, sont-ce là vraiment ses convictions ? Sa conquête de Gabrielle Chanel et ses talents de publiciste laissent toutefois présager de nouvelles perspectives pour son œuvre. Leur complicité affective, mais aussi artistique, lui est profitable. Auprès de cette dernière compagne, son talent, intact, s’exprime à nouveau sans retenue.