Thèse soutenue

Réenchanter le salariat ? : les inégalités du télétravail des cadres dans le secteur bancaire

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Auteur / Autrice : Marianne Le Gagneur
Direction : Marc BessinNadège Vezinat
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sociologie
Date : Soutenance le 04/12/2023
Etablissement(s) : Paris, EHESS
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales
Jury : Président / Présidente : François Sarfati
Examinateurs / Examinatrices : François Sarfati, Nicky Le Feuvre, Clotilde Lemarchant, Michel Grossetti, Sylvie Monchatre
Rapporteurs / Rapporteuses : Nicky Le Feuvre, Clotilde Lemarchant

Résumé

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Cette thèse propose d’analyser les logiques guidant la mise en œuvre du télétravail – réalisé quelques jours par semaine à domicile via des outils de travail numériques – l’engagement dans cette pratique et son expérience. Au coeur de cette recherche, la question est de savoir si le télétravail parviendrait à réenchanter un emploi salarié critiqué pour son caractère aliénant, par les libertés nouvelles qu’il permettrait. À partir d’un contrat Cifre (2018-2021), l’analyse est basée sur une enquête monographique de trois années dans le secteur de la banque institutionnelle et d’entreprise ayant permis d’approcher des cadres aux caractéristiques variées et de recueillir des données sur la structure étudiée, dont trois principaux résultats peuvent être tirés. Premièrement, examinant sa mise en place, il est possible de constater que si des risques financiers propres au secteur bancaire pourraient découler de cette pratique, elle est également un levier productif. Si ce champ d’activité semble particulièrement attentif aux enjeux d’articulation, les employeurs ont des intérêts productifs et financiers à sa mise en œuvre. Deuxièmement, dans la continuité de dispositions inégales à poser des limites à l’activité professionnelle, le télétravail provoque des effets différenciés du point de vue du genre. À partir de 2020 et des confinements successifs, lorsque cette pratique se fait intensive, les hommes sont plus à même de tirer des bénéfices du télétravail, accroissant leur disponibilité à l’activité professionnelle. Hors de ce contexte de crise, les journées à domicile réassignent à l’inverse les femmes aux tâches domestiques, entraînant un accroissement des inégalités de genre. Troisièmement, le télétravail reste à la main des organisations employeuses, ces dernières continuant à assurer leur domination dans un capitalisme dont le contrôle ne s’atténue pas, mais change seulement de forme. L’étude de l’accès à cette pratique permet d’analyser les caractéristiques sociales de la confiance organisationnelle : elles façonnent la figure d’un télétravailleur idéal au masculin neutre, mais aussi l’éclatement du groupe des cadres. Loin d’un réenchantement, le télétravail s’accompagne de fragilisations pour les personnes salariées, dans des altérations de l’emploi et des conditions de travail liées à des logiques de financiarisation. Ainsi, travailler à domicile devient paradoxalement une ressource pour se mettre à distance de l’organisation employeuse, dans un repli sur soi individualiste.