Micro-organismes en vie latente : collectionner le vivant microscopique à l’Institut Pasteur et au Muséum national d’histoire naturelle, entre biosécurité et biodiversité
Auteur / Autrice : | Mathilde Gallay Keller |
Direction : | Frédéric Keck, Mélanie Roustan |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Anthropologie sociale et ethnologie |
Date : | Inscription en doctorat le 08/11/2008 |
Etablissement(s) : | Paris, EHESS |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales |
Partenaire(s) de recherche : | : DIM Matériaux anciens et Patrimoniaux |
Mots clés
Résumé
En France, deux institutions de renommée internationale dans leurs domaines respectifs de la microbiologie et de l’histoire naturelle, l’Institut Pasteur (IP) et le Muséum national d’histoire naturelle (MNHN), conservent des collections de vivant microscopique constituées d’éléments variés : (cyano)bactéries, microalgues, microchampignons, cellules et tissus animaux ou humains, ADN. À la croisée de l’histoire des sciences et de l’anthropologie, cette thèse reconsidère l’entreprise paradoxale de faire collection du vivant depuis que des techniques de vie latente (lyophilisation, cryoconservation) neutralisent « microbes » et fragments dans un état à mi-chemin entre inerte et vivant, permettant leur conservation sur le long terme et leur remobilisation à l’état fonctionnel. La recherche débute par une enquête historique sur la manière dont les pastorien.ne.s ont rendu visibles les microbes au laboratoire de photomicrographie de l’IP puis les ont conservés au sein d’une collection microbienne pionnière, dont il s’agit d’exposer l’économie morale et la gestion biotechnologique au tournant du 20e siècle. Retracer une généalogie des techniques de vie latente appliquées aux micro-organismes permet de mettre en lumière la contribution de la microbiologie pastorienne à la classification des espèces – projet généralement dévolu au naturalistes – aussi bien qu’au « tournant microbien » actuel, parfois qualifié de post-pastorien. Cette étude aboutit à réhabiliter l’importance de la collection en microbiologie, souvent évincée au profit du seul laboratoire. Au-delà de ses usages scientifiques, cette collection est décrite comme partie prenante d’une dynamique patrimoniale à l’œuvre au sein de la communauté pastorienne, où la sacralisation des premiers pastoriens passe par la matérialité des échantillons et par l’exposition novatrice des microbes au public. L’enquête ethnographique montre ensuite qu’une hybridation est également en cours dans les collections de vivant microscopique du MNHN entre des pratiques, des valeurs et des modèles scientifiques a priori naturalistes ou expérimentaux. À l’heure où la préservation de la biodiversité s’impose comme une mission majeure du MNHN, la thèse met aussi au jour la participation, tout en nuance, des curateur.rice.s des collections de micro-organismes et de tissus et cellules cryoconservées d’animaux au paradigme conservationniste. Allant d’une ethnographie des collections à une anthropologie des catastrophes, l’ultime volet de la thèse contribue à une réflexion sur le contrôle exercé sur la vie en analysant, depuis les collections de vivant microscopique de l’IP et du MNHN, les liens qui se tissent entre biosécurité et (micro)biodiversité au 21e siècle. Au temps des catastrophes écologiques et sanitaires, les curateur.rice.s se lient, par des projets de recherche et grâce aux techniques de collection, avec des instances européennes pour se préparer au surgissement de la viralité – qu’il s’agisse d’attaques bioterroristes ou de prolifération de cyanobactéries toxiques. Ils/elles portent aussi un regard réflexif sur le travail de leurs prédécesseur.e.s, revenant sur des modes de contrôle antibiotiques élaborés au 20e siècle. Se dessine alors un nouvel usage des échantillons microscopiques en collection, mémoires du contrôle biotique passé et potentiels de réparation, pour l’avenir.