Thèse en cours

Sexus obstat"? Devenir docteure de l'Eglise au XXe siècle (1923-1997) : les cas de Thérèse d'Avila, Catherine de Sienne et Thérèse de Lisieux.

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Triangle exclamation pleinLa soutenance a eu lieu le 13/09/2022. Le document qui a justifié du diplôme est en cours de traitement par l'établissement de soutenance.
Auteur / Autrice : Clarisse Tesson
Direction : Guillaume Cuchet
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Histoire
Date : Inscription en doctorat le
Soutenance le 13/09/2022
Etablissement(s) : Paris 12
Ecole(s) doctorale(s) : Ecole doctorale Cultures et Sociétés
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre de recherche en histoire européenne comparée (Créteil)
Jury : Président / Présidente : Christian Sorrel
Examinateurs / Examinatrices : Guillaume Cuchet, Rebecca Rogers, Bruno Dumons, Claude Langlois, Céline Beraud
Rapporteurs / Rapporteuses : Rebecca Rogers, Bruno Dumons

Résumé

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Le titre de « docteur de l’Église » est donné à quelques saints par l’Église catholique, à qui elle reconnaît, par un culte spécial, une contribution importante à la compréhension et au développement de sa doctrine. D’origine médiévale, il connaît de nombreuses évolutions au fil des siècles, la dernière étant son ouverture aux femmes en 1970. L’idée de le conférer à une femme a été posée dès l’entre-deux-guerres, pour Thérèse d’Avila en 1923, puis pour Thérèse de Lisieux en 1932, dans un contexte de renouveau et de débats autour de la mystique, qui voyait la théologie spirituelle réintégrer le champ de la théologie universitaire. Pie XI repoussa cependant les deux causes par une formule abrupte, « sexus obstat ». Si rien n’indiquait, dans les sources normatives, que le titre soit réservé aux hommes, le pape n’a pas voulu rompre avec la tradition qui, depuis saint Paul en passant par Thomas d’Aquin, excluait les femmes de l’enseignement doctrinal. Bien que le titre ne confère aucune fonction hiérarchique mais vienne seulement reconnaître l’influence posthume des écrits d’un saint, Pie XI voulait sans doute éviter toute confusion possible avec le magistère ecclésiastique auquel les femmes ne pouvaient prétendre par leur statut de laïc. Tandis que Gustave Desbuquois, promoteur du doctorat de Thérèse de Lisieux, voyait une opportunité à proclamer une docteure de l’Église au vu de l’essor de la promotion féminine dans la sphère civile, le pape pouvait au contraire craindre d’avoir l’air de baptiser un mouvement dont il avait régulièrement souligné les dangers. L’idée d’un doctorat féminin trouve une issue favorable à la fin du concile Vatican II (1962-1965), Paul VI acceptant de proclamer Thérèse d’Avila docteure de l’Église, en même temps que Catherine de Sienne. Après que la Curie romaine a donné son aval à l’ouverture du doctorat d’Église aux femmes, jugée pertinente au regard d’un concile qui venait de consacrer l’apostolat des laïcs, une ecclésiologie renouvelée, mais aussi le principe de l’aggiornamento qui voulait faire le tri entre l’accessoire et l’essentiel dans la tradition de l’Église, les deux saintes furent proclamées en 1970. Présenté comme un geste de reconnaissance envers les femmes, l’événement survient en pleine « crise catholique » (Denis Pelletier), marquée par la chute de la pratique religieuse mais aussi de nombreuses divisions et contestations. À bien des égards, la promotion de deux nouvelles docteures a pu être mise au service d’une réaffirmation des fondamentaux de la foi catholique et d’un effort de recadrage de l’interprétation du Concile. Le projet du doctorat de Thérèse de Lisieux, apparu en 1932, n’aboutit pas avant 1997, tant en raison de réformes internes à la Curie romaine que du statut doctrinal incertain de ses écrits. Jean-Paul II lui donne une signification particulière en annonçant sa proclamation au cours de la Journée mondiale de la jeunesse (JMJ) de Paris, comme « cadeau théologique » à la France. Notre étude retrace cette histoire méconnue du doctorat féminin dans l’Église catholique, des premières demandes dans l’entre-deux-guerres jusqu’à la proclamation de Thérèse de Lisieux en 1997. Il s’agit de comprendre comment sont nées ces premières demandes et pourquoi ce que Pie XI ne jugeait pas possible le devient dans l’après-concile. Ce déblocage peut s’expliquer par plusieurs facteurs, qu’il s’agisse de l’évolution des relations entre femmes et catholicisme, de celle de la théologie au XXe siècle, mais aussi du nouvel accès des femmes au savoir théologique universitaire et du changement dans la façon dont l’Église catholique se conçoit du fait de l’aggiornamento conciliaire. Le doctorat féminin, a priori anecdotique dans l’histoire mouvementée des relations entre les femmes et l’Église au XXe siècle, permet d’y porter un autre regard, par le croisement de l’histoire intellectuelle, de l’histoire des femmes et du genre et de l’histoire religieuse.