Thèse en cours

Page à la main ː : lucinda Childs et les pratiques de danse lettrée
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Auteur / Autrice : Lou Forster
Direction : Béatrice FraenkelCarrie Lambert-Beatty
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Arts : histoire et théorie
Date : Inscription en doctorat le 15/01/2018
Etablissement(s) : Paris, EHESS
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales

Résumé

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Lucinda Childs est une figure majeure de la danse au XXe siècle. Au début des années 1960, elle participe à la fondation du Judson Dance Theater, un collectif de danseurs, danseuses, chorégraphes, artistes et compositeurs qui renouvellent à New York les formes et les pratiques de la danse. Avec sa compagnie crée en 1973, elle devient l’une des cheffes de file de la danse minimale et de la danse postmoderne américaines, tout en collaborant à partir des années 1980 avec les plus importantes compagnies de ballet en Europe et aux États-Unis. Dans le processus de création, répétition et représentation que Childs met en œuvre seule, avec sa compagnie, ou des compagnies de répertoire, l’écriture et la lecture jouent un rôle déterminant pour concevoir et incorporer ses danses. Grâce à une enquête anthropologique au cœur des studios de danse, Lou Forster montre que le geste technique consistant à danser page à la main se construit à l’intersection de deux histoires parallèles. Au cours des années 1950, John Cage et Merce Cunningham inventent un ensemble de pratiques de lecture et d’écriture afin de s’opposer, détourner et reconfigurer des approches académiques dans lesquelles l’écrit constitue un support pour assoir des partages disciplinaires et des hiérarchies. Cette approche néo-avant-gardiste joue un rôle primordial au Judson ; et parmi les membres de ce groupe, Childs est l’une des chorégraphes qui se montrent la plus attentive à ces pratiques lettrées car elles rejoignent un aspect méconnu de sa formation de danseuse. En effet, elle étudie la danse moderne de 1955 à 1962 au sein de l’important réseau de la diaspora allemande de New York. Elle suit en particulier la formation dispensée dans l’école de la chorégraphe Hanya Holm (1893-1992) où est enseignée une forme américanisée de danse d’expression (Ausdruckstanz). Childs y découvre la cinétographie Laban ou Labanotation, le système d’analyse et d’écriture du mouvement développé par le chorégraphe austro-hongrois Rudolf Laban (1879-1958), dans lequel les danseurs et danseuses répètent page à la main. C’est vers cet événement de lecture atypique pour le monde de la danse que Childs se tourne quinze ans plus tard pour travailler avec sa compagnie. L’histoire de l’art et l’histoire de la danse ont dissocié ces deux versants des modernités chorégraphiques lorsqu’à partir de 1933 une partie de la danse d’expression se compromet avec le régime nazi. Aux États-Unis se construit alors le mythe d’une originalité de la danse moderne américaine, qui s’accentue encore dans le cadre de la guerre froide. La position privilégiée que Childs occupe dans cette histoire connectée la conduit à faire des pratiques graphiques une matrice du postmodernisme. À partir de 1973, elle aborde l’ensemble des techniques canoniques de la danse occidentale, passant au fil des années de la danse d’expression aux activités piétonnières, au ballet néoclassique puis baroque. Se positionnant comme une appropriationiste, elle développe une perspective historique et critique sur ces techniques d’emprunt. Dans ses pièces, elle tend ainsi à rassembler des genres et des histoires de la danse qui ont été séparées et disjointes, élaborant une véritable poétique de la relation.