Thèse en cours

La transformation industrielle du thé taïwanais sous la colonisation japonaise (1895-1945) : un assemblage transnational sous influence sud-asiatique et son patrimoine

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Auteur / Autrice : Jun-Fa Wong
Direction : Florence Hachez-Leroy
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Histoire et civilisations
Date : Inscription en doctorat le 20/10/2017
Etablissement(s) : Paris, EHESS
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales

Résumé

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Cette étude historique, initiée par les pratiques muséales de conservation du patrimoine industriel, vise à explorer le processus de transplantation du système sud-asiatique pour réformer l'industrie du thé taïwanais. Menée par les Japonais pendant leur colonisation (1895-1945), cette transformation a conduit à un système d'assemblage transnational. A partir de 1903, le gouvernement colonial a mis en place une usine officielle en calquant le modèle d’Asie du Sud, en réponse au défi de leurs rivaux (Inde, Ceylan et Java) sur le marché occidental. Néanmoins, cette usine mécanisée, conçue à l'origine par les Britanniques pour le thé noir dans leurs colonies, différait du système de thé Wulong (Oolong tea)et du thé Pouchong hérité de la Chine à Taïwan. Son opération et sa diffusion ont été contraintes par l'environnement local (sol, variétés de théiers, organisation commerciale, technique de production) et les besoins du marché mondial. La Grande Dépression des années 1930, avec le rétrécissement rapide des marchés et l'évolution vers le thé noir et le thé de Mandchourie, a porté à son paroxysme la convergence technologique à multiples facettes de ce nouveau système de production : l'importation de technologies de l'extérieur de l'île (Asie du Sud, Japon et Chine), s’est doublée d’une action de recherche et développement officielle à partir des éléments endogènes, avec le maintien des traditions locales. Grâce à des sources de première main et au travail de terrain, cette étude reconstruit une histoire globale des pratiques techniques appliquées dans l'industrie : l'introduction, la modification, l’invention et l'assemblage. Cette histoire de croisement transnational interroge les récits historiographiques qui considéraient les colonisateurs comme puissants et les colonisés comme passifs. Elle montre les frustrations et les stratégies des colonisateurs dans cette transformation, ainsi que l'implication des cultivateurs de thé et des marchands locaux dans les réformes. Ce cas de restructuration industrielle pendant la colonisation est une étude de cas précieuse dans le processus d'industrialisation mondiale, montrant la voie particulière de l'industrialisation dans les pays colonisés. Cette thèse questionne in fine le processus de patrimonialisation de l'industrie du thé, commencée dans les années 1990, dans le cadre du mouvement de la localisation de Taïwan et de la vague de mouvement ethnique des Hakkas après 2001. Ses valeurs sont associées à l'honneur de la famille, des villages et du groupe ethnique (Hakka) ainsi qu'aux objets existants. Cette étude reconstruit une historiographie globale qui a découvert des objets et des usines disparus ainsi que la circulation des techniques auparavant peu étudiées. En effet, si les récits précédents sur l’héritage industriel mettaient l'accent sur une orientation locale, cette étude éclaire l'interaction des pratiques agricoles, techniques et commerciales des acteurs avec les marchés mondiaux. L'analyse typologique des lieux de production explique l'évolution de la production des thés dans différentes régions productrices. Ceux-ci ont coexisté pour former un système de production flexible qui répondait rapidement aux changements du marché. Cette histoire encore méconnue de rencontres transnationales enrichit non seulement l’interprétation des patrimoines existants, mais suggère aussi d’élargir les cibles de la patrimonialisation à l'avenir.