Thèse soutenue

Capacité fiscale et construction de l'Etat Afrique Subsaharienne

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Auteur / Autrice : Justine Knebelmann
Direction : Denis Cogneau
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Analyse et politique économiques
Date : Soutenance le 15/11/2021
Etablissement(s) : Paris, EHESS
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale d'Économie (Paris)
Jury : Président / Présidente : Elise Huillery
Examinateurs / Examinatrices : Elise Huillery, Antoine Bozio, Pascaline Dupas, François Gerard

Résumé

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Les recettes fiscales sont essentielles au développement, au financement des services publics et au renforcement des institutions. Cette thèse fournit de nouveaux résultats sur la capacité fiscale en Afrique subsaharienne. Le premier chapitre est un aperçu historique des recettes publiques dans les anciennes colonies françaises en Afrique entre 1900 et 2018. La nouvelle série de données que nous créons permet pour la première fois d’étudier la composition des recettes dans ces pays de manière continue au long des périodes coloniales et post-coloniales. Nous comblons le manque entre les séries de recettes publiques coloniales et les données postérieures à 1980 en utilisant des informations provenant d’archives historiques numérisées. Nous constatons que très peu de pays ont réalisé des progrès significatifs en termes de capacité fiscale entre la fin de la période coloniale et aujourd’hui. Notre deuxième constat principal est la relative stabilité des niveaux de revenus dans les années qui ont immédiatement suivi la décolonisation. Troisièmement, de 1960 à aujourd’hui, la dépendance vis-à-vis des revenus tirés des ressources minérales s’est accrue et la dépendance vis-à-vis des prix internationaux des matières premières a persisté. Après les ajustements structurels, la perte de recettes commerciales n’a pas été compensée par une augmentation suffisante des taxes domestiques. On note une amélioration de la collecte des impôts domestiques à partir de 2000. Le deuxième chapitre se concentre sur un instrument fiscal largement adopté dans les pays africains depuis les années 1990 : la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). En utilisant des données détaillées au niveau des transactions pour toutes les entreprises immatriculées à la TVA en Ouganda entre 2013 et 2016, nous documentons les écarts importants dans ce que les vendeurs et les acheteurs déclarent pour les mêmes transactions, suggérant que les traces générées par la TVA ne sont pas exploitées à des fins de contrôle fiscal. Nous développons un modèle à effets fixes permettant de déterminer quelles entreprises font en moyenne des déclarations erronées d’une manière qui leur est favorable (impôt à payer moins élevé, 75 pour cent des entreprises) et lesquelles déclarent d’une manière contraire aux modèles standards d’évasion fiscale (impôt à payer plus élevé, 25 pour cent des entreprises). De nombreuses entreprises, en particulier celles qui déclarent de façon désavantageuse, ne déclarent pas les crédits sur les imports qu’elles ont elles-mêmes déclarés à la douane, ce qui augmente leur TVA due. L’évasion fiscale unilatérale à la TVA coûte à l’Ouganda environ 384 millions de USD, ou 4 pour cent des recettes fiscales, en 2013-2016. Dans le troisième chapitre, j’étudie une taxe qui devrait en théorie être facile à appliquer en raison de son assiette fiscale visible: la taxe foncière. Ces recettes reviennent généralement aux gouvernements locaux. Face à l’urbanisation rapide, elles sont indispensables pour les villes africaines. Leur potentiel est en grande partie inexploité, comme je le documente dans le cas de Dakar, au Sénégal. J’utilise des données administratives, d’enquête, de sources cadastrales et d’images satellites pour mesurer le manque à gagner de la région en impôts fonciers. J’estime que moins de 20 pour cent des propriétaires sont dans l’assiette fiscale, et seulement 9 pour cent du potentiel est collecté. Je mets cette performance en perspective historique à l’aide d’archives coloniales. Je compare la distribution observée de la charge fiscale avec celle théorique si tous les contribuables étaient conformes, et constate qu’une faible application conduit à un profil fiscal plus régressif que ce qui est prévu dans le cadre juridique. Ces résultats renforcent la justification pour une réforme et une modernisation.