Du goût comme esthétique sociale: essai de comparaison entre "l'honnête homme" en France et le Lettré en Chine au XVIIème siècle
Auteur / Autrice : | Yue Hu |
Direction : | Jean-Charles Darmon, Charlotte Guichard |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Langues et littératures |
Date : | Inscription en doctorat le Soutenance le 16/11/2023 |
Etablissement(s) : | Université Paris sciences et lettres |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale École transdisciplinaire Lettres/Sciences |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : La République des Savoirs : Lettres, Sciences, Philosophie |
établissement opérateur d'inscription : École normale supérieure (Paris ; 1985-....) | |
Jury : | Président / Présidente : Emmanuel Bury |
Examinateurs / Examinatrices : Jean-Charles Darmon, Charlotte Guichard, Barbara Carnevali, Pierre Kaser, Yolaine Escande, Cédric Laurent | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Barbara Carnevali, Pierre Kaser |
Mots clés
Mots clés libres
Résumé
Notre étude porte sur le goût au XVIIe siècle en France et en Chine, avec une approche de lesthétique sociale. Dans la première partie, nous nous concentrons sur la question de la traduction : le manque dun équivalent parfait du mot « goût » en chinois classique nous conduit à explorer la traduisiblité et lintraduisibilité de notions relevant de l'idée de « goût ». Nous nous focalisons sur quatre paires de notions, le « bon goût » et le « "ya" 雅 », le « mauvais goût » et le « "su" 俗 », la « grâce » et le « "ya" 韵 », et la « nature » et le « naturel » avec le « "ziran" 自然 ». Nous analysons leurs étymologies et leur utilisation dans les jugements éthiques et esthétiques. Dans la deuxième partie de notre travail, nous étudions le Chevalier de Méré, Gao Lian et Zhang Dai. À la lumière des théories de lesthétique sociale (B. Carnevali), notamment en ce qui concerne limpact immédiat des « manifestations sensibles » de la représentation sociale dun individu sur ses rapports sociaux, nous analysons les questions du plaisir, de la raison et de lhonnêteté dans les discours relatifs au « goût » chez Méré. Nous démontrons que le jugement du goût ne se restreint pas à la raison logico-discursive, et que le plaisir constitue lenjeu central de la sociabilité. Quant à la question de lhonnêteté, nous explorons la places du corps et celle de lesprit dans la formation de lhonnête homme, les notions de « je-ne-sais-quoi », de « subtil » et de « délicat », ainsi que la socio-esthétique du « naturel ». Le chapitre V porte sur les "Zunshengbajian 遵生八箋" ("Huit traités sur la bonne observance des lois de la vie", 1591) de Gao Lian, dont nous proposons une traduction française inédite de certains extraits. Les "Huit traités" nous offre une abondance de textes pour travailler sur lart de lencens, lart du thé et la dimension rituelle dans les discours et les pratiques relatifs au goût des lettrés chinois. Nous nous efforçons dappliquer lapproche de lesthétique sociale à létude de lart de lencens chinois. Quant à notre étude de lart du thé, elle demeure à ce stade une étude onomastique des noms de thé. Afin détudier laspect rituel des pratiques du goût des lettrés, nous introduisons les travaux de Durkheim et de Goffman et leur empruntons les idées de « culte négatif » et de « mise en scène » dans les interactions sociales de la vie quotidienne. À partir de textes représentatifs du goût des lettrés, nous travaillons sur le rapport entre le rite et lordre du temps ; sur le geste répété et esthétisé ; et sur la théâtralisation et la sacralisation dune pratique particulière se retirer à lécart du monde ("yin" 隱). Le chapitre VI est dédié à Zhang Dai, à la question du "yimin" 遺民 (les loyalistes) et à la formation dune « communauté imaginaire du goût » durant la transition dynastique Ming-Qing. Nous analysons d'abord trois catégories de lettrés chinois en fonction de leurs réactions face à la chute de lempire Ming : les martyrs ("xun" 殉), les « doubles serviteurs » ("erchen" 貳臣), et les loyalistes ("yimin" 遺民). Nous analysons aussi le regard coréen sur les changements radicaux du « goût » en Chine suite à larrivée des Mandchous. Nous abordons la tension entre laspiration à luniversalisme au nom du « bon goût » et la relativité des goûts, le rapport complexe entre les Chinois et les Mandchous ainsi que la notion de Chine. En outre, nous introduisons lidée de crise identitaire et lidée de « communauté imaginaire du goût ». Nous empruntons à F. Tönnies la distinction entre communauté et société et explorons le rapport entre la mémoire et les sens (Bergson). Ensuite, nous nous focalisons sur Zhang Dai et intéressons à la thématique du « rêve ». Nous mettons en comparaison Zhang Dai et Gao Lian pour lart du thé, et ensuite Zhang et Méré pour la retraite à lécart du monde. In fine, un essai sur deux peintres chinois, Zhu Da et Hongren, clôture notre étude.