Thèse en cours

La politique de sécurité de l’Allemagne depuis 1990 et les perspectives de la coopération franco-allemande en matière d’une politique de sécurité européenne

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Auteur / Autrice : Amélie Jaques-Apke
Direction : Stephan Martens
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Sciences politiques - Cergy
Date : Inscription en doctorat le 01/11/2017
Etablissement(s) : CY Cergy Paris Université
Ecole(s) doctorale(s) : ED DSH - Droit et Sciences Humaines
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : AGORA

Résumé

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La politique de sécurité de l’Allemagne depuis 1990 et les perspectives de la coopération franco-allemande en matière d’une politique de sécurité européenne Sommaire : I./ La politique de sécurité allemande depuis 1990 A. L’enjeu du concept de la sécurité B. La culture de la réticence C. Le départ: Sur le chemin vers une nouvelle culture stratégique? II./ La coopération franco-allemande en matière de la sécurité européenne A. Les relations franco-allemandes depuis 1990 B. La nécessité d’une nouvelle politique européenne C. Les enjeux de la coopération franco-allemande „ … Notamment parce qu’on est partenaire et modèle. Parce qu’on construit l’Europe des peuples et qu’on sécurise et protège la paix et les droits humains. Et parce qu’ainsi, on ne doit pas cacher nos intérêts nationaux. Ceci est la voie allemande. Je me bats et je travaille pour cette vision. “ „ On ne doit surtout pas dramatiser ces divergences actuelles et regretter un passé tant rêvé qui n’a jamais existé. Les relations franco-allemandes sont certainement indispensables, mais elles n’ont jamais été évidentes. “ I./ La politique de sécurité allemande depuis 1990 Vingt ans après la réunification, l’Allemagne paraît toujours en recherche de son rôle politique au sein de la structure mondialisée des relations internationales. Le terrorisme transnational, les guerres à l’âge du numérique, les défis du multilatéralisme illustrent légèrement la problématique éternelle des priorités sécuritaires. L’intérêt d’apporter une nouvelle définition à la dualité bipolaire séparant ‘sécurité sociétale’ et ‘sécurité étatique’ réside dans la dimension identitaire du concept de sécurité. Le concept de sécurité devient défi central : Un bien étatique, collectif, privé et public. Les sociétés et individus deviennent simultanément objets et enjeux essentiels. A. L’enjeu du concept de sécurité La notion de sécurité connaît à la fin des années 1990 une redéfinition considérable : Le nouveau dynamisme des dimensions sécuritaires et politiques a permis d’élargir la signification véritable de la notion. Le « concept de sécurité élargi » reflète les interactions constantes entre conditions sociétales, économiques, écologiques, politiques et culturelles, qui font naitre une nouvelle sensibilité dans ce monde ‘déterritorialisé’. Klaus Kinkel, qui introduit le concept élargi en tant que filtrage analytique dans le débat scientifique, observe les problèmes politiques et sécuritaires de l’Allemagne dans une optique dynamique, historique et stratégique. Dans le cadre des débats sur l’agrandissement du risque global et mondialisé, sur les conséquences de la crise migratoire, la pauvreté, les catastrophes ou le terrorisme international, le potentiel du risque gagne constamment en importance. Le principe de l’action préventive introduit simultanément de nouvelles cultures sécuritaires : Le paradigme transnational de la société mondiale du risque produit une confusion perceptible entre sécurité intérieure et extérieure. La redéfinition politique du concept de sécurité devient aujourd’hui fondamental : La « sécurité connectée » caractérise le contexte de la gestion de conflits, les mesures organisationnelles des institutions ainsi que l’approche internationale de l’Etat. Pourtant, les parties constitutives des risques sécuritaires se sont aussi ‘démocratisées’, du à la logique renouvelé rattachée à la « sécurité humaine ». Peter Struck rappelle au sein du Bundestag allemand en 2002 que le concept de sécurité élargi contenait des éléments durables, socioculturels et militaires : Dans une perspective stratégique, la prévention et les risques omniprésents prennent la place centrale de la politique extérieure, sécuritaire, économique et du développement. L’intervention au Kosovo prouve entre autre qu’un changement de politique extérieure ne signifie pas nécessairement la militarisation. La prévention de crises, la participation aux conflits au sein « d’un ordre mondial coopératif » - ainsi le chancelier Schröder – ainsi que l’usage de moyen civils apparaît au centre de la stratégie politique extérieure allemande. L’importance fondamentale de la valeur humanitaire et du pouvoir civil (d’après le concept défini par Hans W. Maull, ‘Zivilmacht’) reflète la culture politique de l’Allemagne : Les principes fondamentaux de sa politique extérieure et sécuritaire sont aujourd’hui officiellement préventif, multilatéral et globaux. En période de crises des structures du pouvoir, il est nécessaire que l’Etat révise stratégiquement sa politique sécuritaire. Au vu du développement historique de la souveraineté allemande, on pourrait pourtant considérer la souveraineté allemande plutôt comme évolutive que révolutionnaire (S. Hamisch/H. Maull). Or, par rapport à la remise en contexte du concept de la sécurité contemporaine, il se pose la question de limites entre la gestion civile et militaire de conflits. Sachant que l’émancipation politique sur la scène internationale n’implique pas forcément d’automatisme militaire, la réticence historique allemande dans la politique extérieure se laisse logiquement décrypter face aux conditions-cadres du XX siècle. Les transformations culturelles du concept de sécurité, aussi bien que les possibilités et limites de la notion élargie du terme doivent être examinés afin de retracer l’évolution des représentations de l’ordre socio-politique depuis la chute du mur. B. La culture de la réticence Tandis que la ‘réticence allemande’ ou ‘la tendance de nanisation de la politique extérieure allemande’ (G. Hellmann) est souvent considérée passée, il semble important que le sentiment de responsabilité internationale s’est construit au fur et à mesure et principalement en rapport avec les circonstances politiques extérieures. Dans le contexte de l’invention au Kosovo et lors d’une visite à Auschwitz note le ministre de la défense Scharping „La Bundeswehr opère au Kosovo afin d’éviter un nouveau Auschwitz“. Dans ce sens remarque le ministre des Affaires étrangère Fischer: „J’ai non seulement appris: Plus jamais la guerre. J’ai aussi appris: Plus jamais Auschwitz.“ La signification et l’opportunisme de l’interventionnisme militaire ont radicalement changé après l’intervention au Kosovo. Le traité CE, l’OTAN et les Nations Unies représentent le cadre institutionnel de la politique extérieure avant la réunification allemande ; pendant les années 90 le pays se voit pourtant extrêmement confronté avec l’obligation de se profiler. L’histoire de la Bundeswehr est donc stigmatisée à cause d’une multitude de contradictions : Alors que la Bundeswehr soutient la recherche de Saddam Hussein en Iraq déjà en 1991, l’interventionnisme allemand dans des pays tiers reste pendant longtemps exclu du débat public ; aussi bien que l’invention la plus chère des Nations Unies au Cambodge (1991-1993). L’Allemagne intervient au nom des Nations Unies, de l’Union Européenne et de l’OTAN au nom de la paix mondiale. Alors que ses voisins - la France et le Royaume-Uni – adaptent les forces armées aux nouveaux défis sécuritaires grâce aux réformes, l’Allemagne ne suit que partiellement ce développement. Déjà à la fin des années 50 pressent chancelier Adenauer et le ministre de la défense Strauss de réformer l’armée et sa capacité nucléaire et d’éviter ainsi ce complexe d’infériorité à l’égard des autres. Il est caractéristique pour la pensée politique allemande, que Helmut Schmidt et Helmut Kohl, Gerhard Schröder et Angela Merkel – qui se définissent certainement pas en tant qu’héritiers du ministre Strauss – ont agit d’une manière similaire (Schöllgen, 2013). Schmidt et Kohl poursuivent encore jusqu’en 1991 une capacité réduite de mobilisation. Seulement en 1994 autorise la Cour constitutionnelle fédérale à Karlsruhe l’intervention internationale de soldats allemands ; la Bundeswehr intervient pourtant déjà depuis trente ans à l’extérieur des frontières de l’OTAN – toutefois dans un cadre humanitaire dans des régions stables. La Bundeswehr, l’instrument de la politique extérieure de l’Allemagne, illustre l’ancrage solide de la culture politique allemande au sein du système sécuritaire collectif. La décision de la Cour constitutionnelle honore le primat absolu donné au Parlement et rend toute décision militaire dépendante d’une majorité simple et de l’autorisation du Bundestag. La demande du secrétaire général des Nations Unies Boutros-Boutros Ghali d’exiger une Allemagne plus forte au sein de la communauté internationale renforce la pression internationale : Les négociations par rapport à l’intervention allemande en Somalie transforme radicalement le rôle sécuritaire de l’Allemagne. Le rôle de la Bundeswehr est en outre directement lié à la définition du pacifisme. Le ministre de la défense Volker Rühe (1992 – 98) et Rudolf Scharping (1998 – 2002) encourageaient surtout une adaptation graduelle de l’armée allemande, et non l’avancement des intérêts de la République. L’action isolée de l’Allemagne au Kosovo en 1999 qui avait eu lieu sans accord des Nations Unies démontre toutefois un tournant sécuritaire significatif: Surtout Helmut Kohl, Volker Rühe, Rudolf Scharping et Joschka Fischer défendent finalement une extension de la politique sécuritaire. Les ‘lignes directrices de défense’ du ministère de la défense sous Struck (2002 – 2005) présente plusieurs étapes afin de restructurer et développer l’armée, pour que l’Allemagne puisse renforcer ses engagements aux côtés des Nations Unies, l’OTAN et l’UE. Schröder et Merkel changent le cadre du rang politique du pays et transfèrent le centre politique à Berlin, surtout pour que l’OTAN redevienne un lieu entre partenaires égalitaires. L’autodétermination de l’Allemagne au sein de la communauté internationale paraît aujourd’hui une évidence. Cependant, l’obtention de sa capacité d’agir souveraine dans le domaine de la politique extérieure figure une conséquence du déploiement historique. Les chanceliers Schröder et Merkel n’ont pas laissé de doute par rapport au nouvel ancrage de la politique sécuritaire. Ainsi démontre la crise en Iraq une nouvelle étape pour la République fédérale : « On n’a pas seulement hérité des devoirs, mais surtout ce droit de dire non. » Enfin, le Bundestag adopte le 18 mars 2005 la base juridique des interventions militaires de l’armée et le principe de l’armée parlementaire. Tandis que certains qualifient la voie empruntée par l’Allemagne en tant qu’„évident et normal“ (E. Bahr), on a pourtant très souvent l’impression que la République se heurte à une „crise de la politique extérieure“ (G. Hellmann), à une „érosion de son pouvoir d’organisation“ (‘Gestaltungsmacht’ ; H. Maull), éventuellement de plus en plus à l’écart. La question très concrète qui se pose toujours est de savoir de quelle manière un équilibre réel entre pouvoir civil, prévention de conflits et gestion militaire sera mis en œuvre. C. Le départ: Sur le chemin vers une nouvelle culture stratégique? „ L’Allemagne ne peut et ne veut pas s’engager dans une voie particulière. On a grandi en faisant partie d’une alliance… Et nous comptons bien le rester. Pour cela nous sommes bien prêts à assurer la responsabilité en tant qu’alliés à égalité, au sein de l’UE ou de l’OTAN. “ Une nouvelle discussion stratégique se déclenche au moment quand chancelier Schröder autorise l’intervention à Belgrade en 1999. “ ‚La voie particulière’ - une métaphore avec une connotation historique de pouvoir politique non négligeable qui invite aux interprétations erronées. La démonstration de solidarité vis-à-vis des Etats-Unis après les attaques en 2001 et la mise à disposition de 3 900 soldats dans le cadre de la coalition anti-terroriste font preuve d’un processus politique de normalisation et d’une nouvelle culture stratégique. Les années d’après guerre – quand l’Allemagne ne figure qu’une force d’assistance secondaire pour les Alliés – se trouve en contraste avec sa politique d’interventionnisme d’aujourd’hui, laquelle considère les forces armées comme ultima ratio quand il s’agit de stabilité et de défense. Dans le contexte du terrorisme international, les propositions du Parlement Européen (Helsinki en 1999 ; Nice en 2000) d’établir une force d’intervention rapide – avec un cinquième de participation allemande – et les tâches convenues à Petersberg ne laisse plus de doutes que l’armée devra être restructurée régulièrement. En outre, l’intervention ISAF en Afghanistan (10 000 soldats allemands) représente une rupture totale avec la vision traditionnelle et presque utopique du pacifisme du bon vieux temps. L’engagement financier allemand au sein des Nations Unies pour le financement de son budget et des missions de paix se trouve à la troisième place après des Etats-Unis et le Japon. La candidature allemande pour un siège permanent en 2019/2020 poursuit plusieurs objectifs fondamentaux dans le domaine du peacekeeping et peacebuilding : La prévention de conflits, la stabilisation, le suivi post-conflit et le contrôle d’armement. Depuis plus que trente ans s’engage la République pour la communauté internationale afin de prévenir des scénarios de menace. Est-elle devenue réellement ‘un membre égal’ au sein de la communauté occidentale, comme l’avait annoncé la politique du chancelier Adenauer (Schöllgen, 2013)? Finalement plusieurs facteurs témoignent que la République traverse une nouvelle étape historique: Chancelier Kohl déclare en 1989 que l’Allemagne devra agir au nom de la communauté européenne afin d’éviter des catastrophes humaines. De nos jours, Angela Merkel agit dans la certitude de stabilité de l’UE et aux fins de prévention des crises. D’un côté le pays semble se retrouver dans une perspective de leadership politique presque forcé, avec des responsabilités fragiles. De l’autre, un renouveau de culture politique ouvre le potentiel de confrontations sociétales profondes. II./ La coopération franco-allemande en matière de la sécurité européenne Dans la perspective de construction d’une nouvelle politique extérieure européenne en matière de migration, terrorisme et développement, la politique franco-allemande démontre la capacité de créer un nouveau terrain d’entente. Depuis la crise financière en 2008, le déséquilibre de la relation est devenu un fait tacite ; l’amitié entre les deux pays n’a jamais été évidente. A. Les relations franco-allemandes depuis 1990 „ M & M “ – le couple Macron et Merkel représente un espoir pour l’entente européenne. Certes, la coopération a été nettement améliorée ces dernières années. Pourtant les cultures militaires sont restées nettement contradictoires. Le 15 mai et 23 juin 2017 se sont rencontrés à Bruxelles la chancelière et le nouveau président Macron, ainsi que le 13 juillet à l’Elysée juste après le conseil des ministres franco-allemands. Depuis 1990, les relations franco-allemandes ont été marqués par un certain rapprochement : La période sous Nicolas Sarkozy et François Hollande débouche pourtant sur une asymétrie grandissante. Seul le domaine de la politique sécuritaire semble-t-il reste l’exception : L’Allemagne soutient notamment la mission des Nations Unies en Afrique Minusma et apporte un soulagement consistant à la France. Les deux pays soutiennent activement la coopération européenne en matière civile et militaire. La réaction subite de Peter Altmaier (CDU) après l’élection présidentielle démontre que c’est une question de volonté française de redémarrer le moteur franco-allemand. Cette partie du travail de recherche consiste à analyser les ambitions franco-allemandes réelles dans le domaine de la politique sécuritaire. Quelle perspective pour ce partenariat sans alternatives ? B. La nécessité d’une nouvelle politique européenne Il s’agit apparemment d’une évidence que l’approche politique franco-allemande sera pour l’Union Européenne fondamentale et même vitale. Les attentes sont différentes des deux côtés du Rhin. Non seulement à cause de sa position politique et économique, mais justement à cause du long chemin d’un renoncement à la souveraineté on exige une position de leadership de la part de l’Allemagne. Dans la perspective de renforcement de la politique européenne de sécurité et de défense, les deux pays vont suivre les mêmes obligations politiques. « Pas trop d’Amérique, mais pas assez d’Europe ! », ainsi décrit le chancelier Schröder le processus d’émancipation de l’Union Européenne. L’intérêt réside surtout dans un premier temps de revoir les caractéristiques des changements de souverainetés des deux pays. Etant donnée qu’une institutionnalisation plus importante aura lieu au sein de l’UE, la perte de souveraineté sera la conséquence logique du développement récent de la communauté. La France a certainement l’avantage qu’elle dispose d’une longue histoire au sein des Nations Unies. Surtout l’armement nucléaire et les intérêts ancrés dans la tradition nationale ont été pendant longtemps considérés comme indicateur diplomatique. A l’occasion du 19ème conseil des ministres, les deux pays présentent une feuille de route pour réformer l’Europe et l’Eurozone. Tandis que le Président français soutient la rédaction de nouveaux traités, l’Allemagne poursuivra plutôt une politique de retenue. L’affaiblissement de l’Union Européenne emmènera rapidement un nouveau dynamisme franco-allemand, surtout dans les domaines de politique sécuritaire, de défense et l’OTAN. Face aux changements importants au sein de l’Union Européenne, notamment le Brexit, et aux Etats-Unis, la sécurité européenne et les relations transatlantiques figurent l’enjeu politique numéro un. C. Les enjeux de la coopération franco-allemande De toute manière il sera très difficile aujourd’hui de trouver un équilibre au sein de la coopération franco-allemande. Un nouvel élan au rapprochement des perspectives sécuritaires est fondamental : Ces dernières années, plusieurs facteurs politiques avaient conduit à la fragmentation de la relation, comme le rejet français du référendum de l’UE en 2005, le retour au moment nationaliste dans les deux pays, les multiples divergences politiques, diplomatiques et économiques. Ce chapitre sera donc l’occasion d’examiner les problématiques centrales au 21ème siècle : La gestion de la crise migratoire et la restructuration des systèmes sécuritaires européens et nationaux au temps des guerres hybrides. Il est évident que le terrorisme et les menaces liés aux guerres hybrides auront une influence directe sur le quotidien des Européens (Peter Neumann); la politique préventive aura un rôle fondamental au niveau de la restructuration internationale de la sécurité. La surcharge du système sécuritaire allemand depuis la crise migratoire en Europe démontre la difficulté de reformer les structures institutionnelles. Ainsi va le paradoxe du sujet sécuritaire lorsqu’on aborde la transformation structurelle du concept et le pouvoir du discours sécuritaire.