Le « frañol » des immigrés espagnols dans les départements de lHérault, du Gard et des Bouches-du-Rhône dans les années 1960 : analyse et perspectives
Auteur / Autrice : | Mathias Valiente |
Direction : | Carmen Alén Garabato, Juan Manuel Hernández campoy |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Sciences du langage |
Date : | Inscription en doctorat le Soutenance le 16/12/2022 |
Etablissement(s) : | Montpellier 3 en cotutelle avec Université de Murcie |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Langues, Littératures, Cultures, Civilisations (Montpellier ; 1991-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : DIPRALANG : Laboratoire de Sociolinguistique, d'Anthropologie des Pratiques Langagières et de Didactique des Langues-Cultures |
Jury : | Président / Présidente : David Britain |
Examinateurs / Examinatrices : Carmen Alen garabato, Christian Lagarde, Anne-Marie Chabrolle-cerretini, Juan Manuel Hernandez campoy, María Matesanz del barrio | |
Rapporteur / Rapporteuse : Christian Lagarde, Anne-Marie Chabrolle-cerretini |
Mots clés
Résumé
Lobjectif de cette recherche interdisciplinaire située à la croisée de lethnographie des migrations, de lanthropologie et, par le biais de lethnosociolinguistique, des sciences du langage est de dresser le portrait linguistique de centaines dhumains qui émigrèrent en masse dans les années 1960, quittant les « Pedanías Altas » de Lorca pour les départements français de lHérault, du Gard et des Bouches-du-Rhône. En sinstallant fréquemment dans des endroits reculés où un proche ou un ami se trouvait déjà, lessentiel des migrants de cette vague provenant de Lorca constitua des communautés espagnoles où la langue et la culture se voyaient transposées loin de leur environnement. Un contexte de ghettoïsation non seulement ethnique mais également linguistique souvent en domaines agricoles, à lextérieur des villages du Midi, ainsi que labsence de formation linguistique sont autant déléments qui expliquent que de nombreux Espagnols de ce groupe napprirent que peu ou pas du tout le français. Dautres contribuèrent à une « interlangue de migrants », le 'frañol' des Lorquinos, dont le caractère hybride arborait lidentité de cette communauté. Quand ils étaient trop jeunes pour travailler au moment de larrivée en France mais quils étaient en situation régulière, leurs enfants étaient généralement scolarisés en français à lécole ; école qui manquait totalement à lépoque de structures différenciées adaptées aux néo-arrivants. Ces jeunes fils de migrants parlaient français comme leurs camarades natifs et étaient, par conséquent, bilingues au sein de foyers où le français pénétrait peu ou pas. En ce qui concerne les adultes, cest-à-dire les travailleurs qui ne parlaient pas français ou qui maniaient leur interlangue, on peut questionner plusieurs approches de la recherche sur lacquisition de la L2 afin détablir un diagnostic de labsence dapprentissage de la langue du pays daccueil ou de sa fossilisation en phase dapprentissage. Ainsi, cette recherche sintéresse à quatre approches émanant du vaste domaine de lacquisition de la L2 : neurophysiologique, communicationnelle, ethnolinguistique et psycholinguistique. Selon lapproche choisie, le chercheur se penche sur des faits et des attitudes qui ont trait au groupe ou à lindividu. Au vu de la multiplicité des approches et donc des facteurs analysés ici, on se pose la question de lintervention dune seule composante ou plutôt de linfluence de divers facteurs agissant en concomitance sur labsence dapprentissage de la L2. Qui plus est, on sinterroge également sur luniformité dun diagnostic transposable à la totalité des individus qui étaient adultes à lépoque de la grande de migration de Lorca vers le Sud-Est de la France. Enfin, le travail de terrain ethnosociolinguistique et la réalisation de 14 entretiens auxquels 16 informateurs ont pris part, filmés aussi bien France quen Espagne, nous permettent, par le biais du récit de vie qui bascule progressivement vers la modalité semi-directive, dobtenir des informations de première main pour établir ces diagnostics. Lautre enjeu de ces entretiens filmés nest autre que la constitution dun corpus du 'frañol' dont loriginalité est le bilinguisme ainsi que la présence de formes hybrides propres de linterlangue. Les heures de matériel audio-vidéo recueillies nous offrent les témoignages dacteurs de la grande migration de Lorquinos en France dans les années 1960. En plus de matérialiser leur mémoire, le corpus renferme de précieuses données sociolinguistiques et linguistiques qui permettent daccéder aux représentations et aux comportements langagiers dun groupe qui passe inaperçu aujourdhui. En effet, tandis que la plupart des migrants de Lorca regagnèrent lEspagne durant les années 1970 et 1980, les fils et les petits-fils de ceux qui restèrent en France ont été pleinement assimilés et vivent entre lacculturation et la déculturation qui mènera lessentiel des plus jeunes à perdre tout lien avec lEspagne.