Phénoménologie de l'interpassivité : le nous originaire dans les écrits tardifs de Husserl

Phenomenology of interpassivity: the primal we in Husserl's late work

• Auteur / Autrice : Dominic Morin
• Direction : Dominique Pradelle
• Type : Projet de thèse
• Discipline(s) : Philosophie
• Date : Inscription en doctorat le ; Soutenance le 10/12/2022
• Etablissement(s) : Université Paris sciences et lettres
• Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Lettres, Arts, Sciences humaines et sociales (Paris ; 2010-....)
• Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Pays germaniques, transferts culturels (Paris)
• Partenaire(s) de recherche : établissement opérateur d'inscription : École normale supérieure (Paris ; 1985-....)
• Jury : Président / Présidente : Laurent Perreau
• Jury : Examinateurs / Examinatrices : Dominique Pradelle, Julien Farges, Élise Marrou
• Jury : Rapporteurs / Rapporteuses : Inga Rõmer

Mots clés

Mots clés libres

Phénoménologie

Edmund Husserl

Intersubjectivité

Interpassivité

Passivité

Monde de la vie

Phenomenology

Edmund Husserl

Intersubjectity

Interpassivity

Passivity

Life-world

Résumé

Cette thèse doctorale porte spécifiquement sur les écrits tardifs de Edmund Husserl — ses manuscrits des années trente — afin d’y saisir un nouveau sens de l’intersubjectivité transcendantale qui y émerge dans le cadre du tournant génétique de la phénoménologie. À l’aune de cette évolution que connaît son projet philosophique, Husserl mobilise une compréhension passive de l’intersubjectivité transcendantale, une co-intrication (Ineinander) inscrite à même la primordialité de l’ego. Notre recherche vise donc à faire saillir thématiquement ce sens qui ne demeure qu’opératoire dans la Nachlass de Husserl. Pour ce faire, nous soulignerons de prime abord les particularités des manuscrits des années trente en tant que lieu privilégié d’une importante évolution de la pensée Husserlienne. C’est à la rencontre entre cette compréhension « tardive » de l’intersubjectivité et l’investigation de la phénoménologie génétique s’intéressant aux questions de genèse que naît le concept directeur de notre recherche : l’interpassivité. Penser l’intersubjectivité comme interpassivité ne dépend alors plus d’une fondation préalable par intropathie (Einfühlung), mais plutôt s’y dévoile une relation communautaire passive de co-fonctionnement préalable à toute expérience thématique d’autrui. De part et d’autre, l’interpassivité se comprend alors à la fois — au niveau originaire anté-thématique — comme l’ensemble des entremêlements passifs qui relient les ego entre eux ; à la fois — subséquemment à l’intropathie — comme les habitus sociaux du monde de la vie, constitués au sein du monde humain et historique. Ce concept nous permet ainsi d’identifier, de nommer et de révéler la grande importance de l’entrecoupement entre passivité et intersubjectivité dans la phénoménologie tardive de Husserl. Si cette philosophie tardive a déjà été largement étudiée à son niveau thématique supérieur dans les différentes formes de la générativité historique (la culture, l’héritage, la tradition, etc.), il n’y a pas eu à ce jour de phénoménologie transcendantale de l’interpassivité comme fondement originaire de toute expérience. Se dévoile alors le plein sens de notre titre : une phénoménologie de l’interpassivité cherchant à éclaircir le sens d’un nous originaire dans les manuscrits tardifs de Husserl. Nous verrons les différentes façons par lesquelles une telle phénoménologie peut être mobilisée : en un premier temps de manière à dégager justement ce premier nous originaire par le biais de l’horizon sensible de la pluralité intersubjective et de la pulsionnalité sociale et générative ; puis en un second temps comment la vie de ce nous se constitue un monde — c’est-à-dire est une vie de monde (Lebenswelt). Ultimement, notre recherche culminera dans notre traduction du texte n° 15 du tome XXIX des Husserliana où nous aborderons comment la vie de conscience de monde (Weltbewußtseinslebens) est toujours déjà une interpassivité transcendantale. Dès lors, et ce sera là notre conclusion, l’ego de l’épochè ne doit plus être pensé comme une unique subjectivité individuelle, mais comme la fluence unitaire de la pluralité des monades dans l’expérience universelle de l’universum des ego.

This doctoral research focuses on Edmund Husserl’s late writings—his manuscripts from the 1930s—in order to grasp a new sense of transcendental intersubjectivity that emerges in the context of the genetic turn of phenomenology. In the light of this evolution of his philosophical project, Husserl mobilizes an understanding of a passive transcendental intersubjectivity, a co-imbrication (Ineinander) inscribed in the primordiality of the ego. Our research therefore aims at thematically highlighting this meaning that remains only operative in Husserl’s Nachlass. In order to do so, we will first underline the particularities of the manuscripts of the thirties as an important setting of evolution of the Husserlian philosophy. As early as the late twenties, Husserlian phenomenology begins to consider an increased role for intersubjectivity and for the social and historical grounding of the ego. Towards the middle of the thirties, the transcendental intersubjectivity becomes indistinguishable from the ego, which with it forms an “inseparable pair of ideas” (Hua XV, p. 76). Within the experience of the world, the ego and its co-livings are then understood as participants in the same interweaving of meanings that determines both the individuation of the monad or of the person and the meaningfulness of the social world. At the meeting point between this “late” understanding of intersubjectivity and the genetic phenomenology’s inquiry into questions of genesis, the guiding concept of our research is emerging: interpassivity. Considering intersubjectivity as interpassivity then no longer depends on a prior foundation by intropathy (Einfühlung), but rather unveils a passive communal relation of co-functioning prior to any thematic experience of others. Interpassivity is then understood at the same time as the set of passive interrelationships that link egos to each other, at the level of ante-thematic originality, and as the social habitus of the life-world, constituted within the human and historical world, subsequently to intropathy. This concept thus allows us to identify, name and reveal the great importance of the intersection between passivity and intersubjectivity in Husserl’s late phenomenology. If this late philosophy has already been widely studied at its higher thematic level in the different forms of historical generativity (culture, inheritance, tradition, etc.), there has not been to date a transcendental phenomenology of interpassivity as the original foundation of all experience. This brings us to the full meaning of our title: a phenomenology of interpassivity seeking to clarify the meaning of an original we in Husserl’s late manuscripts. We will see the different ways in which such a phenomenology can be mobilized: first, so as to bring to light precisely this first original we through the perceptual horizon of intersubjective plurality and through social and generative pulsivity; then, in a second part, how the life of this we constitutes itself a world—that is, is a world-life (“Lebenswelt”). Ultimately, our research will culminate in our translation of the text nr 15 of the volume XXIX of the Husserliana where we will approach how the life of world consciousness (Weltbewußtseinslebens) is always already a transcendental interpassivity. From then on, and this will be our conclusion, the ego of the épochè must not be thought anymore as a unique individual subjectivity, but as the unitary flow of the plurality of monads in the universal experience of the universum of egos.