Thèse soutenue

Adaptation des champignons phytopathogènes à des peuplements hôtes génétiquement hétérogènes – cas du pathosystème blé dur – Zymoseptoria tritici

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Auteur / Autrice : Safa Ben Krima
Direction : Thierry C. Marcel
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences agronomiques
Date : Soutenance le 15/12/2020
Etablissement(s) : université Paris-Saclay
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences du végétal : du gène à l'écosystème (Orsay, Essonne ; 2015-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Biologie Gestion des Risques en agriculture (Palaiseau ; 2007-....) - Banque nationale de gènes (Tunis)
référent : Faculté des sciences d'Orsay
Jury : Président / Présidente : Tatiana Giraud
Examinateurs / Examinatrices : Jean Carlier, Daniel Croll, Elsa Ballini, Marie Dufresne
Rapporteurs / Rapporteuses : Jean Carlier, Daniel Croll

Résumé

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Les variétés traditionnelles sont génétiquement hétérogènes et constituent une source de diversité contribuant à la productivité et à la stabilité des agroécosystèmes. En effet, la diversité végétale fournit des services écosystémiques, dont la réduction globale des pressions parasitaires. Pour une meilleure gestion des maladies, la compréhension des mécanismes d’interaction plante-pathogène est primordiale. Dans cette optique, j’ai étudié l’adaptation entre variétés traditionnelles tunisiennes de blé dur et populations fongiques de Zymoseptoria tritici responsable de la septoriose. Dans un premier temps, le génotypage de 14 variétés traditionnelles dites «populations», à l'aide de 9 microsatellites, a montré que la diversité génétique était aussi importante au sein des populations (45%) qu'entre les populations (54%). Cette diversité est structurée en sept groupes génétiques qui s'expliquent en partie par la combinaison « nom de variété » x « localité ». La caractérisation de 15 traits phénotypiques, dont la résistance à la septoriose, a révélé que ces populations étaient également diversifiées phénotypiquement. La résistance à la septoriose est de nature qualitative (résistance majeure) dans deux populations mais plus généralement de nature quantitative dans les autres populations. Une comparaison Pst-Fst a démontré une adaptation locale des variétés traditionnelles, soulignant des trajectoires de sélection intimement liées au territoire et pratiques des agriculteurs les cultivant. Parallèlement, un génotypage SNP à haute densité (puce TaBW35K) d’un panel de 127 individus provenant de quatre populations portant le même nom de variété ‘Mahmoudi’ a mis en évidence deux groupes génétiques partagés par les quatre populations. Ce panel d’individus a été phénotypé au champ et en conditions contrôlées pour sa résistance à une souche tunisienne de Z. tritici, ce qui a permis de conduire une analyse GWAS. Cette analyse a mis en évidence 6 loci associés à la résistance contre la septoriose sur les chromosomes 1B, 4A, 5B et 7A, dont un locus sur le chromosome 1B associé à une résistance majeure de type qualitative. La fréquence des allèles favorables à la résistance oscille entre 6 et 46% dans le panel et est variable d’une population à une autre. Côté agent pathogène, quatre populations de Z. tritici collectées sur le cultivar moderne majoritaire en Tunisie ‘Karim’ et une population collectée sur une des variétés traditionnelles ‘Mahmoudi’ ont été génotypées à l'aide de 12 microsatellites. La faible différenciation génétique entre ces populations fongiques suggère l’existence de flux de gènes importants entre localités. La population collectée sur ‘Mahmoudi’ est apparue comme étant moins diversifiée et ayant une fraction clonale plus importante que les populations collectées sur ‘Karim’, suggérant un effet significatif de l’hôte sur la diversité de Z. tritici. Des tests d'inoculations croisées ont révélé une agressivité supérieure des isolats collectés sur ‘Mahmoudi’ sur les lignées de la variété ‘Mahmoudi’ que des isolats collectés sur le cultivar ‘Karim’, interprétée comme une adaptation locale des populations pathogènes à leur hôte sympatrique. Cette adaptation a été particulièrement marquée par la période de latence des isolats, soulignant à nouveau l’importance de la résistance quantitative dans les processus adaptatifs mis en évidence. Les variétés traditionnelles tunisiennes de blé dur sont des cas concrets de populations hôtes hétérogènes limitant efficacement les épidémies de l’agent pathogène responsable de la septoriose. Les résultats obtenus suggèrent que la combinaison de gènes de résistance, principalement à effet quantitatif et occasionnellement à effet majeur, à des fréquences variables d’une variété à une autre, est la clé de la robustesse sanitaire de ces variétés. Les enseignements acquis au cours de cette étude pourront être mobilisés pour améliorer la gestion de la diversité cultivée dans d’autres environnements.