Thèse soutenue

La T(t)erre pour la conduite d’un design éthique

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Auteur / Autrice : Julien Descherre
Direction : Marc CréponOlivier Peyricot
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Design
Date : Soutenance le 09/12/2019
Etablissement(s) : Paris Sciences et Lettres (ComUE)
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Lettres, Arts, Sciences humaines et sociales (Paris ; 2010-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Équipe d'accueil SACRe - Sciences, arts, création, recherche (Paris)
Établissement de préparation de la thèse : École normale supérieure (Paris ; 1985-....)
Jury : Président / Présidente : Nadeije Laneyrie-Dagen
Examinateurs / Examinatrices : Marc Crépon, Olivier Peyricot, Nadeije Laneyrie-Dagen, Pierre-Damien Huyghe, Patrick Vauday, Adeline Rispal
Rapporteurs / Rapporteuses : Pierre-Damien Huyghe, Patrick Vauday

Mots clés

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Mots clés contrôlés

Résumé

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Ce travail interroge d’une façon inédite le rapport du design à la T(t)erre, entendue en tant que domaine de la phusis (la nature chez les Grecs) et plus spécifiquement en tant que lieu d’habitation et sol nourricier du vivant ou encore matériau de construction pour le monde. Cette association, pensée autour de l’Anthropocène, ouvre des perspectives riches et inattendues dans la mesure où elle permet une relecture de l’histoire du design industriel ainsi qu’une repensée de sa pratique, dans une perspective éthique. La première scansion procède ainsi à une analyse de ce qu’est la T(t)erre. D’une part sont exposées ses significations, notamment comme support du monde, mais aussi, à travers le complexe argilo-humique présent dans le sol, comme source de vie. D’autre part sont analysées les réductions auxquelles la T(t)erre est assujettie, notamment sa mise au ban ontologique, réductions qui sont plus généralement celle de la phusis et de la vie. Il est en effet montré notamment à la suite d'Heidegger et de Severino, que le produire de la technique moderne – dont le devenir est métaphysique – auquel le design industriel est branché depuis ses origines, est un détruire, phénomène par essence nihiliste, touchant l’étant dans sa totalité. Forte de ce premier acquis, la deuxième scansion interroge l’histoire du design industriel, qui loin d’échapper à ce devenir, semble au contraire l’avoir majoritairement suivi – en ce sens le design industriel est un « serviteur » pour reprendre le mot d’Olivier Peyricot –, malgré des résistances comme celles de Morris ou encore Sottsass. Il est ainsi montré comment le design industriel de ses origines à aujourd’hui, s’est majoritairement inscrit dans un phénomène de rationalisation décuplé par les deux Guerres mondiales, événements qui ont ainsi joué un rôle majeur dans la constitution du design industriel, dans la mesure où ce dernier naît officiellement avant la Grande Guerre et s’épanouit véritablement après la seconde, aux Etats-Unis notamment. À la suite d’Ernst Jünger et son concept de « mobilisation totale » et de Beatriz Colomina notamment, il est donc montré que la cadence violente et brutale imposée par la Grande Guerre, loin de disparaître avec elle, s’installe au contraire dans les mentalités à partir du début des années 1920, l’exemple des futuristes ou de Le Corbusier étant en ce sens paradigmatique. La standardisation et la taylorisation, c’est-à-dire les « nouvelles méthodes d’organisation » selon Jünger, correspondent ainsi au nouvel esprit du temps, si cher aux architectes, designers et artistes. Se pose ainsi dans la dernière scansion la nécessité de penser les conditions d’un design fondamental, car éthique dans ses productions et ceci pour trois raisons au moins. Premièrement du fait de « l’événement Anthropocène » tel qu’analysé par Christophe Bonneuil et Jean-Baptiste Fressoz, concept qui caractérise les conséquences de l’agir humain aux temps de la grande industrie – dont l’apparition coïncide avec celle du design – et notamment la réduction de la terre, étant comme le précise Severino dans son ouvrage La loi et le Hasard, le « domaine de ce qui peut être produit et détruit. » Deuxièmement à cause de l’histoire même du design industriel montrant que ce dernier s’est régulièrement réclamé d’une morale particulière, étant inscrite dans le mouvement progressiste tel que pensé et accompli par l’Occident. Troisièmement enfin, dans la mesure où d’une part le design industriel participe à l’ordinaire de l’expérience de la vie en concevant toutes sortes d’objets, ayant ainsi la capacité de coller à la vie pour reprendre en le déplaçant quelque peu le mot d’Heidegger et d’autre part en acceptant à la suite de Marc Crépon de considérer la vulnérabilité de la vie comme « donnée structurelle de l’existence ». En résulte donc, notamment avec les expérimentations en terre crue réalisées dans le cadre de cette thèse, la proposition d’un design éthique, car fondamental dans sa constitution.