Écrire une Vie de saint entre le IVe et le VIe siècle : étude de la formation d'un genre littéraire dans l'Antiquité tardive latine
Auteur / Autrice : | Florence Bret |
Direction : | Bruno Bureau |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Lettres mention Langues, littératures et cultures antiques |
Date : | Inscription en doctorat le 01/09/2016 Soutenance le 04/12/2023 |
Etablissement(s) : | Lyon 3 |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Lettres, langues, linguistique, arts (Lyon ; 2007-....) |
Mots clés
Résumé
Le genre de la Vie de saint naît au IVe siècle et fleurit dans le monde latin grâce à un concours complexe de circonstances : le succès du genre littéraire individuel de la Vita sous l’Empire, la fin des persécutions et, donc, du temps des martyrs, le développement du mouvement monastique et l’institutionnalisation progressive de l’Église dans un monde où le christianisme est religion d’État. L’objectif de ce travail est d’étudier comment la Vita sancti s’établit comme un genre littéraire à part entière au cours des deux premiers siècles et demi de son existence en nous appuyant sur un corpus très large, donc représentatif. Cette étude procède en trois temps. Il s’agit tout d’abord d’appréhender le processus d’autodéfinition du genre à travers l’examen du discours métalittéraire des textes. Cela nous permet de voir, à travers les emprunts assumés et les distances revendiquées, se dessiner un canon littéraire de la Vie de saint qui, à partir du VIe siècle, est suffisamment installé pour que s’esquissent des variantes au modèle formé, allant de la Vie-épopée longue et versifiée à la quasi-notice hagiographique à vocation pastorale. Cette fixation du genre nous permet, dans un second temps, d’aborder la structure interne de ces Vies d’un point de vue transversal, en décomposant la structure en topoi ou briques littéraires qu’elles suivent, héritage de l’éloge classique. En évaluant le degré de refus, de reprise, de déplacement et de transformation des motifs antérieurs, ainsi qu’en détaillant le processus de stylisation selon différents modèles (grand homme, héros, philosophe, prophète, apôtre, Christ), nous pouvons dégager quelle est la topique propre du genre, ainsi que la vision de la sainteté qui en ressort, fondée sur un apparent paradoxe : le saint est un être exceptionnel, mais sa vie doit pouvoir être imitée. Cette tension constitutive du genre et sa visée exemplaire issue de la biographie classique nous conduit, dans un dernier temps, à nous arrêter sur le discours de transformation du monde que tiennent ces textes qui, par leur dimension orale, peuvent être reçus même par ceux qui ne lisent pas. De fait, à travers le saint souvent hors du commun, les Vies véhiculent des normes morales et théologiques à destination des moines, des rois, des fidèles en général. Elles incitent, à partir du milieu du Ve siècle, avant tout au culte des saints, pratique spirituelle à dimension physique, grâce à la proximité du tombeau et des reliques. En rappelant le pouvoir d’intercesseur et de protecteur du saint patron pour sa cité ou son monastère, elles appellent au pèlerinage, unissent les fidèles autour d’une forme de héros fondateur et œuvrent au rayonnement géo-ecclésiologique de la communauté qui est à l’origine de leur écriture, dessinant, à travers l’espace régional, des réseaux de sainteté qui transcendent la limite de la mort. La fin du texte est, en général, le moment de basculement, celui du récit à la prière. La principale innovation du texte est, finalement, de ne pas être la narration des hauts faits d’un mort, mais le rappel régulier, véritable actualisation, de ceux d’un homme vivant pour toujours au ciel, but que le lecteur, s’il se place dans les pas du saint, doit atteindre lui aussi.