Thèse soutenue

Etude comparative du portrait en majesté du monarque en France et du portrait impérial en Chine du XVIIe au XVIIIe siècle

FR  |  
EN
Auteur / Autrice : Hsi-Yun Ho
Direction : Yolaine Escande
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Arts : histoire et théorie
Date : Soutenance le 10/12/2024
Etablissement(s) : Paris, EHESS
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales
Jury : Président / Présidente : Emmanuel Lincot
Examinateurs / Examinatrices : Emmanuel Lincot, Carole Talon-Hugon, Éric Lefebvre, Johanna Liu, Jean-Marie Schaeffer
Rapporteurs / Rapporteuses : Emmanuel Lincot, Carole Talon-Hugon

Résumé

FR  |  
EN

L’objectif de cette thèse est de conduire une étude comparative du portrait du monarque en France et du portrait de l’empereur en Chine aux XVIIe et XVIIIe siècle. Ma recherche vise à saisir comment et pourquoi le peintre élabore un tel portrait et figure la majesté dans une image, ou encore l’invisible dans le visible. Le peintre de la dynastie des Ming, Wang Fu (王紱1362-1416) a reconnu que « Peindre un portrait est difficile, peindre un portrait d’empereur est plus difficile ». En effet, peindre un portrait, ce n’est pas seulement rendre la ressemblance ni l’apparence. Il importe non seulement de restituer le statut social voire politique mais d’exprimer l’intériorité du modèle, de rendre vivante sa singularité. Mais peindre le portrait en majesté d’un souverain, c’est lui conférer toute sa puissance, faire rayonner sa gloire, apparaître l’étendue de son pouvoir et le figurer dans son autorité absolue. C’est pourquoi nous interrogeons le sens des emblèmes et insignes, des symboles qui lui sont réservés, et aussi les postures du corps, ainsi que le langage des couleurs, et les codes picturaux des deux cultures. Il nous faut convoquer pour ce faire des approches d’anthropologie culturelle, de sociologie, pour élaborer l’analyse de la dimension iconographique, ainsi qu’une analyse sémiologique. Quel est en effet le véritable sens de l’image du souverain en majesté, quand elle doit conjuguer la tradition, l’idéologie politique avec la structure de la représentation ? En un mot, comment un peintre peut-il représenter l’invisible dans le visible ?Notre recherche se confronte à deux questions essentielles. Comment précisément restituer le rayonnement de la gloire et la toute-puissance dans le portrait d’un souverain en majesté ? Et quelle en est la destination essentielle, s’il est répandu à l’infini pour le monarque occidental, et demeure invisible à ses sujets pour l’empereur ? Concernant la première question, il faut chercher à définir la notion de portrait, l’acte de portraire, de tracer des formes, des contours, jusqu’à modeler des reliefs par le jeu des contrastes clair-obscur, ombre-lumière, proche-lointain, par le recours à la perspective également. Nous développerons notamment des théories picturales distinctes d’une culture à l’autre, d’autant que, si le portrait est en usage depuis longtemps dans les deux cultures, il s’y est développé selon des objectifs et des rythmes bien distincts et prend un sens autre, selon le public auquel il est destiné. Ainsi, le portraitiste chinois cherche-t-il la « ressemblance spirituelle », et le souffle qui relie l’homme au cosmos, quand le portraitiste occidental cherche à rendre l’expression du sujet, et ce, selon des techniques picturales qui diffèrent largement d’une culture à l’autre. Concernant la seconde question, nous montrerons que les peintres créent le genre du portrait en majesté non seulement en choisissant soigneusement la pose et toute une gestuelle, qui traduit un langage du corps, mais aussi en y inscrivant marques et insignes d’une lignée dans la pérennité. Et ce, dans l’objectif d’attester à la fois de la légitimité et de la toute-puissance du souverain, en frappant les destinataires, en leur donnant à imaginer et à croire. Ainsi est assurée la « fabrique du roi », et sa souveraineté incontestée, ainsi est attestée auprès de tous, qui paradoxalement n’en sont pourtant pas les témoins visuels, la légitimité du Fils du ciel. Mais, ce faisant, l’image n’a-t-elle d’autre sens que d’entretenir l’illusion de la toute-puissance ? Et l’absence d’image de l’empereur qui se qualifie lui-même de zhen, l’invisible, et cultive aux yeux de ses sujets, son opacité, son impénétrabilité, nourrissant ainsi l’efficace de sa puissance, n’est-elle semblablement facteur d’illusion ?