La bactérie, le vaccin et l'empire : bactériologie et gestion des épidémies au Japon (1880-1930)

Bacteria, vaccin and empire : bacteriology and management of epidemics in Japan (1880-1930)

• Auteur / Autrice : Shiori Nosaka
• Direction : Jean-Paul Gaudillière, Bernard Thomann
• Type : Thèse de doctorat
• Discipline(s) : Histoire (option : Histoire des sciences)
• Date : Soutenance le 07/10/2024
• Etablissement(s) : Paris, EHESS
• Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales
• Jury : Président / Présidente : Anne Rasmussen
• Jury : Examinateurs / Examinatrices : Anne Rasmussen, Christian Bonah, Laurence Monnais, Ken Daimaru, Sophie Houdart
• Jury : Rapporteur / Rapporteuse : Christian Bonah, Laurence Monnais

Mots clés

Mots clés contrôlés

Japon -- 1868-....

Peste

Choléra

Japon

Gestion

Épidémies

Bactériologie médicale

Politique sanitaire

Mots clés libres

Bactériologie

Gestion des épidémies

Compétition scientifique

Empire

Japon

Health policies

Bacteriology

Management of epidemics

Scientific competition

Empire

Japan

Résumé

Cette thèse examine l’aménagement des politiques sanitaires contre les épidémies de choléra et de peste au Japon impérial entre 1880 et 1930, avec une attention particulière portée sur l’expertise bactériologique. À partir des années 1880, experts médicaux, acteurs de santé locaux et interlocuteurs internationaux commencent à problématiser les mesures d’hygiène publique mises en place par l’État japonais à la fin des années 1870. Les savants japonais cherchent ainsi des explications locales de la transmission du choléra et de la peste, oscillant entre le modèle d’importation des maladies et le modèle d’endémie continue. Dans le contexte de l’intensification de la compétition scientifique internationale et de l’expansion des empires coloniaux, ces tentatives conduisent à l’agencement de plusieurs types d’intervention sanitaire, faisant appel ou non aux savoirs et aux techniques des bactériologistes dans la métropole japonaise et à Taïwan, devenu alors une colonie japonaise (1895-1945). Les théories associant facteurs microbiens et environnementaux orientent fortement les projets d’investissements de l’État japonais vers l’installation d’infrastructures sanitaires en zones urbaines. Dans le même temps, les autorités renforcent les mesures d’isolement et le contrôle des frontières. Le moteur de ces dernières est, d’une part, le développement d’un réseau des laboratoires d’analyse bactériologique et, d’autre part, l’identification de certains ports asiatiques comme étant toujours sources d’épidémies. Les expérimentations de sérums et de vaccins, en métropole et à Taïwan, intéressent les bactériologistes autant sur la question de leur efficacité dans le cadre des campagnes sanitaires que sur leur nouveauté scientifique. Les bactériologistes tirent profit de l’expansion géographique des territoires de l’empire japonais pour collecter des données et ressources variées, ce qui leur permet de produire des savoirs plus compétitifs à l’échelle internationale. En définitive, l’expertise bactériologique multiple les registres d’interprétation des épidémies et d’action sanitaire. Cette thèse met en lumière les manières dont ceux-ci sont mis à l’épreuve et hiérarchisés dans les pratiques locales, par la compétition scientifique et à travers le contexte impérial.

This dissertation examines the organization of sanitary policies against cholera and plague epidemics in Imperial Japan between 1880 and 1930, with a specific focus on bacteriological expertise. From the 1880s onwards, medical scientists, local health actors and international interlocutors began to problematize the public hygiene measures introduced by the Japanese state in the late 1870s. Japanese scholars sought local explanations of cholera and plague transmission, oscillating between the disease importation model and the continuous endemic model. In the context of intensifying international scientific competition and the expansion of colonial empires, these attempts led to the organization of several types of sanitary intervention, with or without recourse to the knowledge and techniques of bacteriologists, in mainland Japan and in Taiwan, then a Japanese colony (1895-1945). Theories linking microbial and environmental factors prompted government investment in water and sanitation infrastructure in urban areas. At the same time, authorities reinforced isolation measures and border controls. The driving force behind the latter was the development of a network of bacteriological analysis laboratories and the identification of certain Asian ports as continuing sources of epidemics. Experimentation with serums and vaccines, both carried out in mainland Japan and Taiwan, interested bacteriologists as much with respect to their efficacy in health campaigns as with respect to their scientific novelty. Bacteriologists exploited the geographical expansion of the Japanese empire's territories to collect varied and comparable data and resources, enabling them to produce more competitive knowledge on an international scale. Ultimately, bacteriological expertise multiplied the registers of epidemic interpretation and sanitary action. This dissertation highlights the ways in which these are tested and hierarchized in local practices, by scientific competition and through the imperial context.