Le préjudice comme condition de recevabilité de l'action civile.
Auteur / Autrice : | Hugo Delhoume |
Direction : | Haritini Matsopoulou |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Sciences juridiques |
Date : | Inscription en doctorat le 02/11/2015 |
Etablissement(s) : | université Paris-Saclay |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Sciences de l'Homme et de la société (Sceaux, Hauts-de-Seine ; 2015-2020) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Institut Droit Ethique Patrimoine (http://www.idep.u-psud.fr/) |
établissement de préparation de la thèse : Université Paris-Sud (1970-2019) |
Mots clés
Mots clés libres
Résumé
Thèse : Le préjudice comme moyen de recevabilité de laction civile Rapport de projet de recherche sous la direction du Professeur Haritini MATSOPOULOU 1. Contexte : Larticle 2 alinéa 1 du Code de procédure pénale prévoit que « L'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ». Ces dispositions distinguent laction civile de laction publique, dont la finalité quant à elle poursuit la réparation dun trouble social et la sanction de la transgression de la loi. Cette répartition des actions permet aisément de distinguer deux parties poursuivant chacune, par le biais dune action en justice qui lui est propre, des objectifs nettement distincts, lun étant la réparation dun préjudice dintérêt public, lautre dintérêt privé. Ainsi, larticle 2 du Code de procédure pénale, exerce un filtre des prétentions susceptibles dêtre soulevées devant une juridiction répressive qui par principe sont soumises à une interprétation stricte. Définissant laction civile, Gérard CORNU visait « Laction ouverte à la victime dune infraction pénale, en réparation du dommage que celle-ci a causé (frais exposés dans le procès pénal, restitutions, dommages-intérêts), qui peut être exercée en même temps et devant les mêmes juges que laction publique, ou séparément devant les juridictions civiles » (Gérard CORNU : Vocabulaire Juridique, p.21 Edition PUF). Cette définition détermine sans ambiguïté, laction civile comme une action en réparation dun préjudice, comme une action en restitution soulignée dailleurs par loption offerte à la victime de porter ses prétentions directement devant le juge civile, devant lequel par application de larticle 1382 du Code civil, « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » Mais la particularité du système procédural français est bien la jonction possible de ces deux actions devant une même juridiction, faisant ainsi de laction civile « lobjet secondaire du procès pénal et, même mieux encore, la partie lésée par linfraction peut souvent mettre en mouvement laction publique en exerçant laction civile (article 1er alinéa 2 du Code de procédure pénale ». (Bernard BOULOC & Haritini MATSOPOULOU Droit pénal général et procédure pénale, collection intégral Concours, Editions SIREY, p.181). Cette particularité procédurale invitera constamment à définir le rôle, la place de la partie civile au sein dun système répressif dont larchitecture légale repose initialement sur un équilibre entre organe de poursuite et défense. Dune part et dun point de vu au demeurant purement technique - la participation de la partie civile au procès pénal lui offre de fait, la possibilité de participer, concomitamment avec le Ministère Public, à la démonstration de la caractérisation de linfraction, préalable indispensable à la reconnaissance dune responsabilité civile qui en découlerait. Mais bien plus, ce constat invitera à sinterroger sur la capacité de la partie civile à participer dès lors en amont à la manifestation de la vérité, domaine a priori exclusif de lorgane de poursuite étatique. Dautre part, cette problématique mettra en avant la notion de « victime » ouvrant un champ danalyse éminemment plus vaste et mouvant, visant à élargir ou à linverse restreindre la place occupée par la partie civile dans le processus pénal quil sagisse dune part, de sa recevabilité à ester en justice et dautre part, de sa capacité à participer à laction publique au-delà de sa finalité réparatrice privée et personnelle. En effet, ce mouvement consacrera la recevabilité devant le juge pénal dorganes poursuivant un intérêt général ou à tout le moins collectif posant la question de la recevabilité de « la défense dun intérêt altruiste » (L. BORE, Pour la recevabilité de laction associative fondée sur la défense dun intérêt altruiste, Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, oct.-déc. 1997, p.751). La consécration denvergure la plus récente est certainement la loi renforçant la protection de la présomption dinnocence et les droits des victimes du 15 juin 2000, qui renforcera la place de la partie civile à tous les stades de la procédure pénale. Lexemple le plus emblématique est certainement lessor des droits de la partie civile au stade de linstruction préparatoire, aux fins notamment de participer à la manifestation de la vérité et ainsi à la démonstration dun préjudice né de linfraction, le juge dinstruction pouvant doffice, sur réquisition du parquet ou à la demande de la partie civile, procéder conformément à la loi, à tout acte lui permettant dapprécier la nature et limportance des préjudices subis par la victime ou de recueillir des renseignements sur la personnalité de celle-ci » (article 81-1 du Code de procédure pénale). Moins connu mais pas moins significatif, lexemple de lapparition progressive de la partie civile au stade de lexécution des sentences pénales et même de laménagement des peines, domaines perçus comme le monopole de laction publique. A titre dillustration, le législateur a prévu à larticle 132-45 5e du Code pénal que la juridiction de jugement ou le juge de lapplication des peines pouvait soumettre spécialement lexécution dune peine de sursis mise à lépreuve à lobligation de réparer en tout ou partie, en fonction de ses facultés contributives, les dommages causés par linfraction, même en labsence de décision sur laction civile ». Ainsi et dès lors que laction publique a été conduite à son terme, la partie civile retrouve les attributs classiques du contentieux de la responsabilité civile pouvant même bénéficier, comme lexemple précédant lillustre, dun mécanisme de provision mis à la charge du condamné, avant toute décision définitive sur les intérêts civils. Enfin, depuis la loi n°2010-242 du 10 mars 2010, tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale, le Code de procédure pénale prévoit que « Préalablement à toute décision entraînant la cessation temporaire ou définitive de l'incarcération d'une personne condamnée à une peine privative de liberté avant la date d'échéance de cette peine, les juridictions de l'application des peines prennent en considération les intérêts de la victime ou de la partie civile au regard des conséquences pour celle-ci de cette décision. » (article 712-16-1 du CPP). Ce dernier exemple illustre lambivalence de la place de la partie civile au sein du processus pénal qui apparaît tout à la fois comme « une partie à un rapport dobligation unissant un créancier et un débiteur » (F. BELLIVIER & C. DUVERT, Les victimes : définition et enjeux, Archives de politique criminelle 2006, n°26, p.6, Edition Pedone), et désormais comme acteur à part entière du processus répressif capable dengager laction publique, de participer à ladministration de la preuve et même, dans une certaine mesure, dinfluer sur lexécution de la sentence pénale. 2. Problématique : Le choix de travailler sur la notion de préjudice comme moyen de recevabilité dune partie civile, a résulté initialement de lobservation des hypothèses dirrecevabilité pouvant être soulevées à lencontre dune constitution de partie civile. Plus précisément, cest la mise en uvre de la règle una via electa énoncé à larticle 5 du Code de procédure pénale, consacrant le principe de lirrévocabilité du choix de la partie civile dexercer son action prioritairement devant un Juge civil, qui a retenu notre attention. En effet, lénoncé de cette règle renvoi nettement à la définition originelle de la partie civile poursuivant seulement un objectif indemnitaire en réparation dun préjudice. Or, nous savons aujourdhui, que lessor de la victime a « emporté » la stricte notion de partie civile au point den faire un acteur à part entière, et non plus secondaire, de laction publique. Bien plus, nous savons aussi, que « lattachement à une cause », la poursuite dun intérêt collectif peut, sous certaines conditions, constituer un intérêt personnel. Dans ces conditions, il apparait que lassociation par larticle 2 du Code de procédure pénale, des notions de « souffrances endurées personnellement » et de « dommage causé directement par linfraction » portent nécessairement devant le Juge pénal des cas despèces susceptibles déprouver les critères de recevabilité dune constitution de partie civile tels quils ont été choisis par le législateur. Létude de la jurisprudence révèle en effet un contentieux nourri autour de la question de recevabilité du préjudice dune partie civile devant le juge pénal le conduisant à opérer un choix délicat entre « la conséquence directe de linfraction poursuivie ou le préjudice résultant de linfraction (J-F RENUCCI, note sous Ch. Crim 24 oct. 1996 (n°A 95-84.100 D) Présentation de comptes annuels inexacts, Rev. sc. crim, avr.-juin 1997, p.395). Il apparaît donc que la définition du préjudice en matière pénale ne saurait exclusivement résulter dun rapport de cause à effet. Ce rapport de lien causal analogue certes, mais pas identique à celui quon observe en Droit de la responsabilité civile. Ce constat invite à définir les contours actuels de la notion de « préjudice pénal » recevable devant une juridiction pénale. Ce travail sattachera à rechercher les critères dominants de la notion, tout en les replaçant dans le contexte vivant de lévolution du Droit pénal et de la Procédure pénale. 3. Principaux axes de recherches : Dans son ensemble, létude aura pour fil conducteur le rapprochement de la notion de préjudice recevable avec les principales catégories de valeurs protégées par le Code pénal à travers la répression des crimes et délits contre les personnes, des crimes et délits contre les biens, les crimes et délits contre la nation, lEtat et la paix publique. Létude se consacrera dans un premier temps à situer la notion de préjudice recevable dans son contexte historique puisque comme nous lavons constaté la notion de partie civile est sortie de son acception strictement civile pour faire [une] place à la notion de victime. A titre dillustration et sans que cela soit exhaustif à ce stade lintroduction en Droit pénal du crime contre lhumanité a conduit à la recherche dune définition de la valeur protégée par la répression de ce crime, valeur dont la portée juridique, sociale et historique a convaincu le Législateur den faire une valeur autonome de la répression des crimes et délits contre les personnes. Dans un second temps, létude poursuivra son exercice de rapprochement et de comparaison de la notion de préjudice avec les grandes catégories dinfractions. Nous chercherons notamment à déterminer si la notion varie ou au contraire sadapte en fonction que le juge est confronté soit, à une atteinte aux biens et nous pensons tout particulièrement au droit pénal des affaires soit, à une atteinte aux personnes. Enfin, une approche de Droit comparé à léchelle Européenne permettra de situer cette problématique dans le contexte de lévolution du Droit Européen.