Les Frères musulmans chez les kurdes iraniens (1979-2020), Un essai de sociologie politique

par Mohsen Ebadi

Projet de thèse en Sociologie

Sous la direction de Stéphane Dudoignon.

Thèses en préparation à Paris, EHESS , dans le cadre de École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales depuis le 23-11-2015 .


  • Résumé

    L'objectif de cette thèse est d'étudier les causes sociologiques de l'émergence, ainsi que les évolutions discursives et organisationnelles des Frères musulmans chez les Kurdes d'Iran. Pour comprendre comment le discours des Frères musulmans est entré en Iran, il faut d'abord prêter attention à l'avènement des groupes frériste en Irak en général, et dans les régions kurdes de ce pays en particulier. Le Kurdistan irakien a contribué à l'émergence des Frères musulmans parmi les Kurdes iraniens de deux manières. D'abord par des Kurdes ira-niens qui, avant la révolution de 1979, se sont rendus au Kurdistan irakien pour étudier les sciences islamiques et s’y sont familiarisés avec ce discours. Ensuite, à travers ce groupe d'islamistes kurdes irakiens réfugiés en Iran pendant la guerre Iran-Irak de 1980-88. Une série de problèmes et de discrimination politiques, culturels et économiques a poussé les régions kurdes sunnites d'Iran, tout au long du XXe siècle, à se rebeller contre le gouver-nement central chaque fois que possible. Après sa création en 1945, le Parti démocratique du Kurdistan d'Iran (infra PDKI) resta de longues années le fer de lance de l'opposition kurde contre la monarchie Pahlavi. Pour nombre de Kurdes, croyants ou non, ce parti était le principal porte-parole de leurs revendications. Cependant, le virage à gauche du PDKI a amené ceux pour qui la religion occupait une partie importante de leur vie à s'en éloigner progressivement. Certains acteurs de premier plan de l'islamisme kurde étaient issus du PDKI. La marginalisation progressive du soufisme a permis aux islamistes de se présenter comme les représentants d'un discours alternatif dans le domaine religieux chez les Kurdes. Dans les premières années de leur activité, les Frères musulmans promurent un discours qui les distinguait clairement des autres partis et groupes kurdes. Au cours de cette période, leurs opinions sur le gouvernement, le rôle des femmes, la science et la civilisation occidentales, etc., furent fortement influencées par le discours des Frères musulmans arabes. Cependant, une série d'évolutions discursives et sociopolitiques, notamment après l'arrivée au pouvoir des Réformistes en Iran à la fin des années 1990, ont conduit à l'émergence d'une nouvelle génération, à l’origine de la révision de nombreuses positions des premiers intellectuels fréristes. Ainsi, deux factions islamistes et post-islamistes coexistent au sein de l’actuelle « Société pour l’appel et la réforme » (infra SAR), organisation frère-musulmane officielle-ment accréditée en 2002. La divergence de vues de ces deux groupes sur de nombreuses questions politiques et culturelles est à l'origine des tensions que connaît aujourd’hui cette organisation.

  • Titre traduit

    The Muslim Brotherhood among Iranian Kurds (1979-2020), an essay in political sociology


  • Résumé

    The objective of this thesis is to study the sociological causes of the emergence, as well as the discursive and organizational evolutions of the Muslim Brotherhood among the Kurds of Iran. To understand how the discourse of the Muslim Brotherhood entered Iran, we must first pay attention to the advent of muslim Brotherhood groups in Iraq in general, and in the Kurdish regions of this country in particular. Iraqi Kurdistan contributed to the emergence of the Muslim Brotherhood among Iranian Kurds in two ways. First by Iranian Kurds who, before the 1979 revolution, went to Iraqi Kurdistan to study Islamic sciences and became familiar with this discourse there. Then, through that group of Iraqi Kurdish Islamists who took refuge in Iran during the Iran-Iraq war of 1980-88. A series of political, cultural and economic problems and discriminations caused the Sunni Kurdish regions of Iran, throughout the 20th century, to rebel against the central govern-ment whenever possible. After its creation in 1945, the Democratic Party of Kurdistan of Iran (KDPI) remained for many years the spearhead of the Kurdish opposition against the Pahlavi monarchy. For many Kurds, believers or not, this party was the main spokesperson for their demands. However, the left turn of the KDPI caused those for whom religion occu-pied an important part of their lives to gradually move away from it. Some leading figures in Kurdish Islamism came from the KDPI. The gradual marginalization of Sufism has enabled Islamists to present themselves as repre-sentatives of an alternative discourse in the religious field among the Kurds. In the first years of their activity, the Muslim Brotherhood promoted a discourse that clearly distin-guished them from other Kurdish parties and groups. During this period, their views on gov-ernment, the role of women, Western science and civilization, etc., were heavily influenced by the discourse of the Arab Muslim Brotherhood. However, a series of discursive and socio-political developments, especially after the Reformists came to power in Iran at the end of the 1990s, led to the emergence of a new generation, at the origin of the revision of many positions of the first intellectuals of the Muslim Brotherhood. Thus, two Islamist and post-Islamist factions coexist within the current “Society for call and Reform”, a Muslim brother-hood organization officially accredited in 2002.The divergence of views of these two groups on many political and cultural issues is at the root of the tensions that this organization is experiencing today.