La construction de l'interdisciplinarité au sein de projet de recherche sur le changement climatique
Auteur / Autrice : | Maud Presse |
Direction : | Sylvie Catellin |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Sciences de l'information et de la communication |
Date : | Inscription en doctorat le 01/10/2014 |
Etablissement(s) : | université Paris-Saclay |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Sciences de l'Homme et de la société (Sceaux, Hauts-de-Seine ; 2015-2020) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Centre dHistoire Culturelle des Sociétés Contemporaines |
établissement de préparation de la thèse : Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines (1991-....) |
Mots clés
Résumé
De la confrontation dapproches monodisciplinaires à la libre circulation de la science créative : construction commune du savoir, décloisonnement de la recherche Linstitutionnalisation des disciplines au début du XIXe siècle avec la naissance des universités modernes a permis une organisation de la connaissance et une meilleure diffusion de celle-ci. Cette institutionnalisation comporte un « risque dhyperspécialisation du chercheur » (MORIN, 1994), risque qui conduit les disciplines à devenir de plus en plus hermétiques les unes vis-à-vis des autres. Ce phénomène sest accru au XXe siècle avec lémergence de nouvelles disciplines qui possèdent des modes dorganisation, des méthodes, des structures de pensée qui leur sont propres. Le savoir ainsi catalogué sest ankylosé, sa circulation au sein de différentes disciplines est devenue difficile voire impossible. Le remède à cet « effet pervers de la division du travail intellectuel » (Catellin et Loty, 2013) a pris les noms de pluri-, inter, transdisciplinarité. Les définitions de ces néologismes sont multiples et les contours de leurs définitions restent flous. Pour Gursdorf, linterdisciplinarité est « le besoin éprouvé dune compensation au morcellement inexorable de lhorizon du savoir » (1979), elle représente « lalliance entre les divers horizons de la connaissance », « le sens de lunité du savoir », elle requiert de « lenvergure mentale ». Morin envisage quant à lui linterdisciplinarité comme un état dalerte, une ouverture desprit qui permet les « ruptures de frontières disciplinaires ( ) [et la] circulation de concepts » (1994). Pour Piaget, il existe 3 niveaux dinterdisciplinarité : le multi-, linter- et le trans-disciplinaire où linterdisciplinaire est caractérisé par la « collaboration entre disciplines diverses ou entre les secteurs hétérogènes dune même science [qui] conduit à des interactions proprement dites, cest-à-dire à une certaine réciprocité dans les échanges, telle quil y ait au total enrichissement mutuel » (1972). Les trois niveaux établis par Piaget sont complétés par un quatrième issu de lassociation entre sérendipité et indisciplinarité (Catellin et Loty, 2013). Ces deux concepts permettent déclairer « le véritable fonctionnement » de « la dynamique de la recherche savante » (Catellin et Loty, 2013). Lindisciplinarité explicite « la conscience des effets sclérosants des disciplines. Elle ne part pas de la situation dun objet dans lespace des territoires disciplinaires, elle part de la personne qui élabore un questionnement, dans une discipline ou en dehors de toute discipline, et y répond selon les besoin de lenquête, avec ou sans le concours des disciplines ». (Catellin et loty, 2013). Par sérendipité, il faut entendre la ccapacité à « savoir prêter attention à un phénomène surprenant et imaginer une interprétation pertinente » (Catellin, 2013), il sagit dune « démarche denquête dont le cheminement même nest pas prédéfini, et peut conduire à un changement de paradigme ». Dans le cadre de cette thèse, nous nous intéresserons aux transferts de savoirs pérennes lors de la construction de linterdisciplinarité voire de lindisciplinatrité au travers dune recherche-action ayant pour terrain denquête un projet de recherche pluridisciplinaire comportant deux axes principaux : lun porte sur la construction de modèles climatiques novateurs et lautre sur létude des échanges entre disciplines. Ces deux aspects se nourrissant lun de lautre. Ainsi, ce projet nommé FATES (FAst climate changes, new Tools to understand and simulate the evolution of the Earth System) se propose de créer une modélisation du climat innovante, notamment du fait de la temporalité des phénomènes climatiques étudiés. En effet, la période concernée, la dernière déglaciation survenue il y a 10 000 ans, présente des changements brutaux dans la structure des courants marins et des vents avec de nombreuses conséquences régionales parmi lesquelles le développement des forêts européennes. Les données obtenues sur cette période permettront donc de répondre à certaines incertitudes inhérentes à lutilisation de modèles basés sur des changements lents alors que nous vivons des changements rapides, incertitudes qui alimentent la controverse comme en témoignent les nombreuses publications sur ce sujet. Ce premier pan du projet sera porté par des spécialistes du climat et des cycles de leau, des spécialistes de lenvironnement et du développement durable, des paléoclimatologues, des écophysiologistes. Il sera complété par lapport de sociologues des sciences, de spécialistes en sciences de linformation et de la communication et par des didacticiens qui faciliteront et étudieront les échanges entre disciplines et qui permettront également de construire une médiation scientifique adéquate (création dun livret pédagogique, mise en place dun site Internet à plusieurs niveaux de lecture, réalisation dun atlas géographique et organisation dun évènement culturel de type colloque) dont le but ultime est de remettre lhumain, le chercheur au cur de la science. Afin détudier la construction de linterdisciplinarité au sein des équipes de ce projet nous nous appuierons sur une recherche bibliographique idoine (favorisant les confrontations des publications de plusieurs domaines disciplinaires comme linformation-communication, lhistoire des sciences, la sociologie des sciences, la sémiologie ) mais également sur lélaboration et la mise en uvre doutils favorisant les échanges disciplinaires et la réflexion sur ceux-ci, tels que des ateliers spécifiques, des entretiens dexplicitation et des enquêtes. Ainsi, nous tenterons didentifier les transferts durables qui sopèrent dune science à lautre, à travers ce conducteur que représente le chercheur. Nous chercherons à analyser comment les chercheurs se comprennent : à laide de quels langages ? De quelles méthodes ? Autour de quels objets ? Nous étudierons les changements provoqués par léchange entre disciplines : Y a-t-il émancipation des disciplines ? Les interrelations entres plusieurs domaines de savoir conduisent-elles à étudier des objets inhabituels non étudiés auparavant ? Est-ce que les chercheurs sont amenés à porter leur regard ailleurs, autrement ? Quelles seront les modifications des systèmes de pensée, des méthodes et outils, du cheminement intellectuel voire du traitement de la problématique qui peuvent naître de ce transfert de connaissances ? Ces bouleversements de paradigmes provoqués par la transmission, la médiation des savoirs dune discipline à lautre favorisent-ils ou nuisent-ils à la pertinence scientifique de létude ? En somme, nous chercherons à comprendre les processus de construction du savoir commun, ses étapes éventuelles et les facteurs favorisant cette posture desprit multifocale du chercheur curieux et imaginatif par une approche novatrice combinant littérature académique et analyse de la mise en pratique.