Thèse de doctorat en Archéologie, Ethnologie, Préhistoire
Sous la direction de Philippe Béarez et de Eduardo Góes Neves.
Thèses en préparation à Paris, Muséum national d'histoire naturelle en cotutelle avec MAE Brésil , dans le cadre de École doctorale Sciences de la nature et de l'Homme - Évolution et écologie (Paris) depuis le 05-01-2015 .
Les zones interfluviales amazoniennes ont été souvent vues comme des territoires sans eau. Cependant, un grand nombre de recherches archéologiques se développent actuellement dans l’interfluve entre le Rio Mamoré et le Rio Guaporé et contribuent à changer cette image. Bien qu’aujourd’hui assez désertée, la région a été intensément occupée au cours des derniers 8000 ans. Ces nombreuses populations ont transformé des zones inondées en paysages modelés grâce à la construction d’amas coquillers, chaussées, canaux et plateformes monumentales (lomas). De nombreux aménagements hydrauliques sont associés à ces monticules (des canaux connectaient ces plateformes à un réseau d’étangs artificiels) faisant émerger l’hypothèse que ces systèmes pourraient être liés à une activité piscicole. A partir de l’étude de l’ichtyofaune des sites de Loma Salvatierra (occupé entre 400 et 1400 après J.-C.) et de Monte Castelo (occupé entre 7300 avant J.-C. et 1250 après J.-C) cette thèse s’attache à étudier : 1) l’exploitation des ressources aquatiques en lien avec la fonctionnalité de ces aménagements, 2) la diversité ichtyofaunique et son évolution au cours de l’Holocène. A Loma Salvatierra, la prédominance de poissons de petite taille typiques des eaux stagnantes (Hoplosternum sp., Hoplias sp., Loricariidae) suggère que les dépressions d’origines naturelles et les structures aménagées (canaux, étangs, réservoirs) auraient été exploitées comme de potentiels lieux de pêche. Sur ce site, nous avons pu constater une pêche sélective orientée sur un groupe de poissons peu connus de la pêche commerciale : les anguilles de marais (Synbranchus spp.). Une étude sur les saisons de capture menée sur les vertèbres de Synbranchus marmoratus a aussi permis de montrer que la pêche était pratiquée sur l’ensemble de l’année. Ces résultats remettent en question l’idée de la pêche en tant qu'activité exclusivement saisonnière. A Monte Castelo, sur une séquence d’occupation de 8000 ans, on observe une constance de poissons typiques des milieux d’eaux peu profondes et stagnantes, adaptés à survivre en saison sèche. Cette tendance évolue dans les couches datées de 4000 ans où une augmentation progressive des taxons de petite taille pourrait indiquer l´expansion des aires de forêts inondées. Les poissons identifiés sur ces sites archéologiques sont majoritairement de petite taille et typiques des milieux marécageux, une image qui s’oppose à celle des pêches commerciales actuelles en Amazonie. Cette étude des systèmes de pêche précolombiens du sud-ouest amazonien révèle que l’Homme n’a pas seulement modifié le paysage terrestre mais aussi les milieux aquatiques. Ces systèmes démontrent la diversité des modes d'appropriation de ces savanes, des stratégies de pêche adoptées, mais aussi le façonnage des milieux pour la pêche, exprimant, de ce fait, la pluralité des savoir-faire de la gestion de ces paysages amazoniens.
Fishing in the Southwest Amazon throughout the Holocene : the Loma Salvatierra (Bolivia) and Monte Castelo (Brazil) site reports
Interfluvial zones have for some time been considered to be devoid of water bodies. However an increasing number of archaeological projects undertaken in the Mamoré - Guaporé interfluvial zone have contributed to altering this image. Despite the area being only sparsely populated today, the region has been occupied by many different groups over the last 8,000 years. These groups transformed flooded territories into managed landscapes by constructing shell-mounds, causeways, canals and monumental mounds (lomas). A large number of hydraulic earthworks are related to these mounds (e.g. canals connecting the lomas through a network of artificial ponds) suggesting that these structures could be related to fishing. Based on the ichtyofaunal analysis from two archaeological sites, Loma Salvatierra (400 and 1400 AD) and Monte Castelo (7,300 BC – 1250 AD) this thesis aims to study 1) the use of aquatic resources in relation to the function of these structures and 2) the ichthyofaunal diversity and its evolution throughout the Holocene. In Loma Salvatierra, the dominance of small sized fish typical of stagnant waters (Hoplosternum sp., Hoplias sp., Loricariidae) suggests that both natural and artificial depressions in the landscape (canals, ponds, reservoirs) might have been used for fishing. At this site, we have also observed selective fishing of a non-commercial group of fish, the South American marbled swamp-eel (Synbranchus spp.). Based on a modern reference collection, we developed a model to estimate the seasonality of fishing for this species. The analysis of vertebral margins in the archaeological material demonstrated that the fishing of swamp eels may have occurred year-round. This contrasts with the general assumption that fishing is exclusively a dry season activity. Monte Castelo provides a 7,000-year history of fishing where we observe a notable regularity in the occurrence of drought resistant taxa typical of shallow and standing waters. This pattern starts changing around 4,000 BP with the progressive emergence of small sized fish communities that may be related to the expansion of fishing in flooded forests areas. The general traits of the archaeological fish communities, composed of small fish typical of swampy areas, contrasts with modern Amazonian commercial fishing of large fish species. The study of southwestern Amazonian pre-Columbian fishing practices reinforces how humans have managed aquatic environments as well as terrestrial landscapes. These ancient systems demonstrate the plurality of expertise and the diversity of hydraulic management involved in the appropriation of the Amazonian savanna.