Economie animale et gestion des troupeaux dans les Pyrénées méditerranéennes durant l’âge du Bronze (2300-700 av. J.-C.) : approche archéozoologique et contribution des analyses isotopiques de l’émail dentaire (δ18O et δ13C)
Auteur / Autrice : | Juliette Knockaert |
Direction : | Jean-Denis Vigne, Marie Balasse |
Type : | Projet de thèse |
Discipline(s) : | Archéologie |
Date : | Inscription en doctorat le 24/09/2013 Soutenance le 12/12/2017 |
Etablissement(s) : | Paris, Muséum national d'histoire naturelle |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Sciences de la nature et de l'Homme - Évolution et écologie (Paris ; 1995-....) |
Mots clés
Résumé
Du littoral méditerranéen aux étages alpins, les Pyrénées méditerranéennes présentent une grande diversité de reliefs et d’environnements. L’objectif de ce travail était de contribuer à la compréhension des systèmes techniques des sociétés présentes dans cette aire contrastée, durant l’âge du Bronze, par la caractérisation de l’économie animale et des stratégies pastorales. Les systèmes techniques ont été abordés à travers l’analyse ostéoarchéologique et isotopique des vestiges de faune provenant de deux sites : le Portal-Vielh, situé sur le littoral languedocien et Llo, site cerdan, localisé dans l’étage montagnard pyrénéen. Cette approche a été complétée d’une recension des données archéozoologiques disponibles dans l’aire d’étude, sur le versant nord et le versant sud des Pyrénées orientales. A travers le prisme des sites que nous avons pu rassembler, nous avons mis en évidence que l’économie animale se caractérisait par une diversité des modes d’approvisionnement carné à l’échelle macro-régionale et que certaines affinités se dessinaient de part et d’autre des Pyrénées, comme des traits culturels. Concernant l’élevage des caprinés, qui dominent le spectre de faune régional, une certaine continuité de l’orientation de l’élevage apparaît entre le Néolithique final du Sud de la France et l’âge du Bronze des Pyrénées méditerranéennes : les profils de mortalité indiquent une production spécialisée de lait, en grotte, tandis qu’en plein air, l’élevage des caprinés repose principalement sur une exploitation de la viande. A Llo, l’exploitation des ressources fournies par les animaux domestiques semble optimale (viande, lait et éventuellement de la laine). En outre, le profil de mortalité des caprinés de Llo nous a permis de proposer l’hypothèse que d’autres ressources « du vivant » étaient exploitées, telles que la production de fumier ou la capacité de maintien d’une certaine pression pastorale sur le territoire, souvent écartées des modèles actuels d’interprétation des profils de mortalité. L’analyse isotopique menée sur quatre caprinés du Portal-Vielh indique qu’ils n’ont pas fréquenté les étages d’altitude, suggérant une présence annuelle sur le site, bien que nous ne puissions totalement exclure l’hypothèse que les bêtes se soient déplacées dans l’arrière-pays. A Llo, une importante variabilité interindividuelle apparaît dans la co-variation des profils isotopiques du carbone (δ13C) et de l’oxygène (δ18O) reflétant une grande plasticité des pratiques d’élevage à l’échelle interannuelle. Cette plasticité des pratiques, parmi lesquelles peuvent figurer la mobilité altitudinale et l’affouragement, a pu constituer une stratégie clé d’adaptation de l’élevage face aux aléas climatiques dans ce contexte montagnard. L’analyse séquentielle intra-dentaire de la composition isotopique de l’oxygène (δ18O) de l’émail des caprinés archéologiques, nous a permis de mettre en évidence que les mises bas étaient regroupées entre le milieu de l’hiver et le début du printemps sur le site de Llo. Néanmoins, la naissance tardive d’un individu et la naissance hors-saison d’un autre, montrent une aptitude au désaisonnement, renforçant l’idée selon laquelle le processus de domestication, par sélection aurait mené à une extension de la période d’agnelage. Ces résultats indiquent, en outre, que les éleveurs disposaient d’un système d’élevage suffisamment performant pour assurer la survie d’un nouveau-né durant l’hiver et qu’ils ont su tirer profit d’une mise bas automnale. Peut-on y voir les premiers indices, dans cette zone de montagne, d’une modification du calendrier pastoral, menant à des mises bas automnales, marqueur actuel d’une réelle spécialisation de l’élevage dans le massif pyrénéen ? Enfin l’analyse croisée des données archéozoologiques et isotopiques suggère que le site de Llo était occupé durant l’hiver et l’automne. En revanche, les naissances des caprinés à la fin de l’hiver et au début du printemps pourraient avoir eu lieu ailleurs.