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L'obligation implicite

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AttentionLa soutenance a eu lieu le 11/01/2024. Le document qui a justifié du diplôme est en cours de traitement par l'établissement de soutenance.
Auteur / Autrice : Annabelle Grosjean
Direction : Matthieu Poumarède
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Droit
Date : Inscription en doctorat le 01/10/2015
Soutenance le 11/01/2024
Etablissement(s) : Toulouse 1
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Droit et Science Politique (Toulouse)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : IEJUC - Institut des Etudes Juridiques de l'Urbanisme, de la Construction et de l'Environnement

Résumé

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Traditionnellement, la volonté est la source de toute obligation contractuelle. La rencontre de deux volontés de s'engager forme le contrat, les parties sont libres d'en déterminer le contenu. Le paradoxisme de la place de la volonté au sein du contrat fût atteint à la fin du XIXe s et début du XXe s par l'émergence de la théorie de l'autonomie de la volonté. Bien que vivement critiquée par la doctrine (à l'image de : GOUNOT (E.), Le principe de l'autonomie de la volonté en droit privé : étude critique de l'individualisme juridique, Th. Dijon, Rousseau, 1912), en raison de sa vive opposition à toute restriction apportée à la liberté des parties par la loi (BEUDANT (C.), Le droit individuel et l'Etat : introduction à l'étude du droit, A Rousseau, 1891), la volonté reste le ferme fondement de toute opération contractuelle. L'obligation implicite s'insère pourtant dans le contrat en dehors de toute volonté expresse des parties. Elle se distingue alors des obligations dites expresses, et doit trouver sa source dans d'autres normes juridiques. Comment alors justifier l'intégration d'obligations dans le contrat en dehors de toute volonté expresse des parties ? Quelle est la source de l'obligation implicite ? Comment en déterminer son contenu ? Le terme d'obligation implicite est issu des projets d'harmonisation des droits internes : les principes d'Unidroit, ou encore les principes du droit européen des contrats de la commission Lando. Il est la jonction de la notion d'obligation, reconnue par les droits romano-germaniques, et la notion d' « implied term », utilisée par les droits anglo-saxons. L'expression a donc vocation à être internationalisée. Le droit français qui n'emploie que rarement la notion d'obligation implicite recouvre sa fonction à travers de l'article 1194 du Code civil (anciennement art. 1135 ; JACQUES (Ph.), Regards sur l'article 1135 du Code civil, préf. F. Chabas, Dalloz, coll. Nouvelle Bibliothèque de Thèses, 2005 ; MOULY-GUILLEMAUD (C.), Retour sur l'article 1135 du c. civ, une nouvelle source du contenu contractuel, LGDJ, Bibliothèque du droit privé, t.460, 2009), qui prévoit que « les contrats obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l'équité, l'usage ou la loi ». La doctrine rattache majoritairement cet article au mécanisme d'interprétation du contrat (V. notamment : Gauguier (J.), De l'interprétation des actes juridiques, Rousseau, 1898 ; Drapier (S.), Les contrats imparfaits, PUAM, 2001 ; Gelot (B.), Finalités et méthodes objectives d'interprétation des actes juridiques : aspects théorique et pratique, LGDJ, bdp 403, 2003 ; Pimont (S.), L'économie du contrat, PUAM, 2004). L'obligation implicite serait issue de la volonté présumée des parties, de leur volonté « implicite ». Les parties auraient voulu non seulement les obligations qu'elles ont expressément prévues dans le contrat, mais également toutes les obligations implicites qui découleraient de la loi, des usages ou de l'équité. Toutefois, tout rattachement à la volonté reste fictif, puisque les parties ne sont pas exprimées sur l'obligation implicite (DEREUX (G.), De l'interprétation des actes juridiques privés, Rousseau 1905 ; GOUNOT (E.), Le principe de l'autonomie de la volonté en droit privé : étude critique de l'individualisme juridique, Th. Dijon, Rousseau, 1912 ; ROUHETTE (G.), Contribution à l'étude critique de la notion de contrat, Th. Paris, 1965). De plus, il arrive que certaines obligations soient imposées par la loi ou le juge alors même que les parties ont exprimé la volonté de ne pas y être soumises La réforme sur le droit des obligations consacre implicitement la distinction avec l'interprétation du contrat, puisque l'article 1194 se situe au sein du chapitre sur les effets du contrat, et non parmi les dispositions du chapitre sur l'interprétation du contrat. Cependant, elle ne répond pas aux diverses controverses qui sont liées aux obligations implicites. En effet, au sein d'une conception volontariste du contrat, toute immixtion des instituions dans la détermination du contenu contractuel a conduit à de nombreuses critiques doctrinales. Louis Josserand avait amorcé la critique en nommant cette immixtion par l'expression de « forçage du contrat », visant tant le législateur que le juge (JOSSERAND (L.), « Le contrat dirigé », DH 1933, 2, p.89 ; id., « Aperçu général des tendances actuelles de la théorie des contrats », RTD civ., 1937, p.1 ; id., « La publicisation du contrat », in Recueil d'études en l'honneur d'E. Lambert, LGDJ 1938, t.3, p.143). Cependant au fil des années, l'expression n'a visé que l'immersion du juge dans la sphère contractuelle lorsqu'il impose des obligations aux parties, à l'image de l'obligation d'information ou de l'obligation de sécurité (LEVENEUR (L.), « Le forçage du contrat », Droit et patrimoine, Mars 1998, n°58, p.69 ; GUIDERDONI (B.), Le forçage du contrat par le juge, Th. Caen, 2000). L'avènement de l'obligation de sécurité au cours du XXe siècle a accentué l'ensemble des critiques doctrinales sur l'obligation implicite. Non seulement il est reproché au juge d'intervenir sous couvert de la notion d'équité de manière aléatoire, créant une insécurité juridique, mais il lui est, également, reproché de créer une confusion entre les domaines de la responsabilité contractuelle et de la responsabilité délictuelle en créant l'obligation de sécurité (JOURDAIN (P.), « Le fondement de l'obligation de sécurité », Gaz. Pal. 1997, 2, p.1196 ; MAZEAUD (D.), « Le régime de l'obligation de sécurité », Gaz. Pal. 1997, 2, p.1201 ; LAMBERT-FAIVRE (Y.), « Fondement et régime de l'obligation de sécurité », D. 1994, p.81). Le droit anglais se différencie du droit français en ce qu'il distingue les termes exprès d'un contrat des termes implicites. Au sein de cette catégorie, il y a des termes implicites selon les faits et des termes implicites selon le droit. Tandis que les premiers sont issus de la volonté présumée des parties, les seconds sont issus des « statutes », la loi, de la coutume, ou déterminés par la Cour (MCMEEL (G.), The construction of contracts : interpretation, implication, and rectification, Oxford University Press, 2nd éd, 2011 ; AUSTEN-BAKER (R.), Implied Terms in English contract Law, Edward Elgar, 2011 ; PEDEN (E.), A rationalisation of implied terms in Contract law, Univeristy of Cambridge, 1998). Les « implied terms in fact » en raison de leur lien étroit avec la volonté des parties amènent les auteurs anglais à s'interroger sur les liens qu'ils tissent avec le mécanisme d'interprétation du contrat. Toutefois ils sont dominés par un ensemble de critères liés à leur détermination. En effet, afin qu'un « implied term in fact » soit reconnu par les juges au sein d'un contrat, il faut qu'il soit nécessaire pour rendre efficace l'affaire, ou encore qu'il soit évident que les parties auraient entendu l'intégrer dans ce contrat. Alors que la catégorie des « implied terms in fact » ne tend à reconnaître une obligation implicite qu'au sein d'un contrat unique et spécifique, les « implied terms in law » sont des obligations implicites qui vont être généralisées au sein d'une catégorie de contrat. Ils répondent alors davantage à des objectifs d'ordre public. Au sein de cette catégorie, le droit anglais a ainsi déterminé un certain nombre d'obligations au sein du contrat de travail, du contrat de vente, du contrat de location, ou encore des contrats entre consommateurs et professionnels Ainsi l'observation de l'obligation implicite au sein de systèmes juridiques distincts, bien que comparables sur de nombreux points, amène à constater la fonction indispensable qu'elle remplie en droit des contrats. Elle nécessiterait alors une théorisation d'ensemble, dépassant le droit français et les autres droits internes. Elle aurait notamment comme objectif une meilleure prévisibilité et sécurité au sein des contrats internationaux. Les projets d'harmonisation ont tenté d'apporter une définition de la notion d'obligation implicite, qui se propose comme un compromis entre les spécificités des différents droits. Toutefois elle présente le défaut d'englober également leurs controverses sans y répondre. En effet l'obligation implicite découlerait tant de la nature et du but du contrat, des pratiques établies et des usages, que la bonne foi ou ce qui est raisonnable (art.5.1.2 des Principes Unidroit), voire de l'intention des parties (art.6 :102 des PEDC) ou des circonstances dans lesquelles le contrat a été conclu (art.II-9 :101 du DCFR). Au préalable, afin de pouvoir concevoir une théorie de l'obligation implicite, il est nécessaire de contextualiser la notion d'obligation, et de renouveler la conception du contrat. L'une comme l'autre, en raison des liens très étroits qu'elles tissent avec la volonté s'opposent à toute théorisation. L'obligation est un lien de droit entre deux personnes. Les obligations se distinguent selon leur source : contrat, quasi-contrat, délit, quasi-délit, ou encore actes juridiques et faits juridiques. La volonté est l'élément déterminant l'ensemble de ces catégories. Pour cette raison, il est parfois préférer une distinction plus restrictive (LAROMBIERE (L.), Théorie et pratiques des obligations, T. VIII, 1889 ; GRANDMOULIN (J.), Nature délictuelle de la responsabilité pour violation des obligations contractuelles, dans l'ancien droit romain, A. Le Roy, 1892 ; PLANIOL (M.), « Classification des sources des obligations », Revue critique de législation et de jurisprudence, 1904, p.225) : les obligations nées de la volonté, et celles imposées par loi (dans cette seconde branche, seraient regroupés les quasi-contrats, délits, quasi-délits, et les obligations légales, à l'image de l'obligation d'aliment). En ce sens alors que l'obligation implicite, dans son principe, ne trouve pas son origine dans la volonté des parties, quelle place aurait-elle au sein de la classification des sources des obligations ? Serait-elle quasi-contractuelle, délictuelle, ou simplement légale ? Il faut alors revenir à la définition même de l'obligation pour comprendre le rapprochement de l'ensemble de ces catégories. L'obligation est composée d'un débiteur et d'un créancier. Le débiteur est tenu d'une prestation évaluable en argent, s'il ne l'exécute pas, il pourra être astreint à son exécution soit en nature, soit par équivalent. Ainsi l'obligation doit être entre personnes déterminées, et d'un contenu déterminé. Elle se distingue de la dette et de la créance, qui sont l'expression de l'obligation au sein du patrimoine, respectivement, du débiteur et du créancier (pour une approche renouveler des notions de dette et de créance au sein de l'obligation : FOREST (G.), Essai sur la notion d'obligation en droit privé, 2012). Au delà de sa source, l'obligation est donc caractérisée par son contenu déterminable patrimonialement entre deux personnes. Elle doit ainsi être différenciée du devoir. Le devoir de loyauté ou encore le devoir de na pas porter préjudice à autrui, par la généralité de leur contenu ou l'indétermination des parties doivent donc être exclus du domaine de l'obligation implicite. Une personne devra respecter un impératif envers l'ensemble d'autres personnes, se rapprochant ainsi aux exigences imposées par la morale. Par ailleurs la conception volontariste du contrat empêche la reconnaissance de toute obligation implicite dont la source ne serait pas issue de la volonté des parties. A défaut de devoir créer des rattachements fictifs à la volonté, il faut renouveler la conception du contrat. En réalité dans un délit, comme dans un contrat, la loi intervient face à une situation juridique pour créer des obligations. Le contrat n'est reconnu juridiquement que lorsqu'il répond aux conditions posées par la loi. Elle est la source du contrat, mais elle laisse une place à la volonté, en ce qu'elle détermine le champ d'application dans lequel elle peut intervenir. La volonté permet de déterminer l'opération juridique voulue par les parties, cependant elle ne doit pas être contraire à l'ordre public, la volonté doit intervenir de manière libre et éclairée. Ainsi, certaines obligations seront déterminées par les parties, d'autres en revanche seront imposées en raison de l'opération juridique projetée. Cette conception renouvelée du contrat se rapproche alors de la sociologie de Durkheim (DURKHEIM (E.), De la division du travail social, PUF, 2013, p.191) pour qui le contrat se définit par deux conditions nécessaires le libre consentement des volontés contractantes et la réglementation sociale du contrat, le non contractuel étant alors « la norme fondamentale » du proprement contractuel. L'obligation implicite s'insère dans le « non-contractuel », il s'agit d'une obligation contractuelle non-contractée, issue de la norme sociale. Il y a trois sources de l'obligation implicite : la loi, les usages et la jurisprudence. Dans un premier temps, les parties projettent une opération juridique, elles peuvent ainsi déterminer des obligations, en revanche si elles sont contraires à la loi elles pourront être retirées. Dans un deuxième temps, selon l'opération juridique projetée, la loi ajoute au contrat un certain nombre d'obligations de manière impérative ou supplétive de la volonté. Dans un troisième temps, si la loi n'a pas organisé le contrat voulu, elle devient lacunaire, le juge peut ainsi intervenir en estimant qu'une obligation doit exister entre les deux parties contractantes. Enfin, les usages déterminent certaines obligations en raison du domaine et des circonstances dans lesquelles le contrat est conclu. Les sources de l'obligation implicite amènent ainsi à s'interroger sur l'intervention de la loi au sein du contrat pour assurer l'efficacité et la sécurité d'une opération juridique, sur l'intervention du juge sous couvert de la notion d' « équité », souvent décrier en droit français et sur la place des usages, et leur reconnaissance en droit des contrats. Plus généralement il faut rechercher les motifs qui poussent les sources de droit à intégrer une obligation implicite au sein d'un contrat alors que les parties n'ont pas émis cette volonté. L'équité est-elle un motif suffisamment précis pour assurer la sécurité juridique du mécanisme de l'obligation implicite ? Faut-il rechercher de nouveaux critères, à l'image de la sécurité d'une opération contractuelle ou la protection d'un des cocontractants ? Le projet de cette thèse est de théoriser l'obligation implicite en expliquant ses rapports avec la volonté, avec le mécanisme d'interprétation du contrat, et avec les autres notions du droit des obligations, et d'apporter la proposition d'une nouvelle conception de la notion, en déterminant tant les sources de l'obligation implicite que les motifs poussant à l'insertion de cette obligation au sein du contrat.