Thèse en cours

La Francophonie : une affaire de présidents. Etude de la Présidence de la République française sous la Ve République (1958-1995) face à l'instauration d'une Communauté francophone.

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Auteur / Autrice : Lou Bachelier-degras
Direction : Jean-Michel Eymeri-Douzans
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Sciences Politiques
Date : Inscription en doctorat le 01/10/2015
Etablissement(s) : Toulouse 1
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Droit et Science Politique (Toulouse)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : LaSSP - Laboratoire des Sciences Sociales du Politique

Résumé

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Depuis le XVIème siècle, la question de la langue est une question politique pour les autorités françaises car elle est la langue du pouvoir – elle l’incarne autant qu’elle le définit. Au cours des aventures coloniales françaises, cette langue a connu une expansion exceptionnelle, étant enseignée et diffusée au sein du second réseau colonial mondial. Depuis, Paris s’est doté d’un réseau culturel extérieur qui réalise les missions données par les gouvernements français : promouvoir la langue et la culture françaises dans le monde. Cependant, ces politiques publiques conduites par des gouvernements français afin d’accroître l’influence de la France hors de ses frontières, et d’administrer des territoires ultramarins, recoupent-elles les acceptions contenues dans le terme « francophonie » ? La francophonie dépasse la seule action française et nous pourrions dire que, s’il a existé une francophonie de fait avec la colonisation française, sa véritable naissance a débuté avec la lutte pour les indépendances des territoires colonisés, et principalement ceux d’Afrique. Elle est donc un objet d’étude assez récent. La Francophonie – la majuscule permettant de ne désigner que les institutions officielles – aurait connu une genèse tourmentée car la France n’aurait pas voulu d’elle initialement. L’histoire la plus répandue aujourd’hui n’en attribue l’existence qu’à d’anciens chefs de lutte pour l’indépendance : Bourguiba, Senghor, Diori, Sihanouk. En trente ans, la Francophonie s’est dotée d’institutions et d’opérateurs lui étant propres et est passée de 21 membres fondateurs en 1970 à 80 Etats selon différents statuts. Cette croissance impressionnante témoigne à la fois d’un dynamisme interne mais permet aussi d’imaginer son poids potentiel politique ou diplomatique. Qu’il s’agisse de son rôle actuel ou de ses origines, peut-on penser la Francophonie indépendamment de la France comme en effet miroir du Royaume-Uni avec le Commonwealth ? Poser la question ainsi, ramène nécessairement au temps où des rapports institutionnels entre anciennes colonies et ancienne métropole se sont définis. Nouvelles institutions, nouveaux rapports de coopération, nouveaux rapports de force… comment imaginer une succession d’institutions et le façonnement de nouvelles sans qu’il n’y ait eu à un moment donné conceptualisation depuis le cœur du pouvoir exécutif alors qu’il s’agit d’institutions d’essence régalienne ? Etudier la Francophonie en France, c’est étudier une série de paradoxes. Nous pourrions d’ailleurs dire qu’il s’agit d’étudier un impensé, tant le sujet semble peu évoqué par la science politique – du moins en France. Nous proposons d’ailleurs le terme de « francophonie française », qui semble paradoxal mais permet de mieux cerner notre objet de recherche puisque notre projet est de mettre à jour le dispositif institutionnel français en charge de la francophonie, et sa structuration, dans sa globalité et complexité. Ce pas de côté permet également de jeter un regard neuf sur une institution centrale de l’architecture politique française : la présidence de la République française sous la Cinquième République. Avec l’instauration d’une nouvelle constitution en 1958 une double modification touche notre sujet : le rôle primordial qu’occupe le président de la République dans la conduite de la politique étrangère du pays ; l’autre modification touche à la construction institutionnelle liant la métropole, en 1958, à ses territoires d’Outremer : la Communauté française – dont le président est de fait le président de la République française. Cette position duale du chef de l’Etat français a marqué et façonné le développement d’une coopération francophone, comme nos recherches s’évertuent à le démontrer. Ce travail ausculte donc une double mue : celle d’un nouvel acteur marginal devenant central au sein de jeux d’acteurs institutionnels – la présidence – et celle d’une communauté francophone se créant en même temps que s’asseyait le cœur de l’exécutif français. Notre travail entend nourrir la réflexion à la fois sur le pouvoir présidentiel français – par son positionnement unique sur les questions diplomatiques – et sur la politique étrangère de la France en contribuant à dépeindre le dispositif francophone français – nécessairement validé depuis l’Elysée – et sa cohérence, qui n’a pas encore fait l’objet d’une étude académique approfondie. D’ailleurs si la défense et la promotion de la langue et de la culture françaises sont des piliers de la diplomatie française durant le XXème siècle, nous ne considérons pas pour autant que cela constitue une politique publique francophone – entendue au sens multilatérale. Comprendre la structure et le fonctionnement du pouvoir exécutif français sur la question de la francophonie permettra de mieux le comprendre ainsi que, plus largement, l’action diplomatique de la France – principalement en Afrique –, et de pointer leurs contradictions, faiblesses – notamment face à une histoire coloniale toujours vivace – ainsi que leurs atouts dans le grand jeu mondial. Les francophonies sont objets d’études. La Francophonie institutionnelle a fait l’objet de travaux académiques, elle a été analysée sous différents prismes, approches géographiques et thématiques. La francophonie, d’un point de vue littéraire, sociologique, linguistique l’a été encore plus. Cependant il n’existe que peu de travaux, à notre connaissance, sur la manière dont la France a géré ces politiques publiques francophones. Evidemment, la question de la France au sein de la Francophonie est abordée dans de multiples articles et chapitres d’ouvrages. Mais ces contributions soulèvent plus de questions qu’elles n’apportent de réponses, tant la tonalité des propos est globalement pessimiste sur le rôle tenu par la France dans une communauté de destins francophones. Et quant à la présidence de la République, institution coutumière, et son rapport avec les institutions gouvernementales, le sujet reste assez peu étudié en Science politique au regard du pouvoir qu’occupe cette institution, et notamment sur sa part coloniale ou simplement sur la manière dont les questions internationales ont pu renforcer son pouvoir au fil des années. Notre travail tentera d’apporter des pistes de réponse à ces interrogations. Pour saisir tous les aspects de cet objet de recherche, ce travail entend faire le pari de la transdisciplinarité – tout en restant fermement ancré dans le champ de la science politique.