Faire République… ou l’outrancière consécration d’un régime d’incapacitation et de différenciation dans le discours national brésilien (1889-1934)

Making Republic... or the outrageous consecration of a regime of incapacitation and differentiation in the Brazilian national discourse (1889-1934)

• Auteur / Autrice : Danielle Bezerra de Morais
• Direction : Jérôme Ferrand, Maria das Graças de Souza
• Type : Thèse de doctorat
• Discipline(s) : Histoire du droit
• Date : Soutenance le 21/10/2022
• Etablissement(s) : Université Grenoble Alpes en cotutelle avec Universidade de São Paulo (Brésil)
• Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale sciences juridiques (Grenoble, Isère, France ; 2003-....)
• Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre d'études et de recherche sur la diplomatie, l'administration publique et le politique (Grenoble)
• Jury : Président / Présidente : Claire Courtecuisse
• Jury : Examinateurs / Examinatrices : Silvana De Souza Ramos
• Jury : Rapporteurs / Rapporteuses : Céline Pauthier, Ana Carolina Eiras Coelho Soares

Mots clés

Mots clés contrôlés

Brésil -- Proclamation de la République -- 1889

Droits des femmes

Révoltes -- Brésil

Égalité des sexes

Mots clés libres

Formation républicaine

Égalité de genre

Discours national

Citoyenneté

XIXe - XXe siècle

Republican construction

Gender equality

National Discourse

Citizenship

19th - 20th century

Résumé

Aucun régime de pouvoir n’a pu s’imposer durablement seulement par l’usage de la violence, sans que la production et l’actualisation d’une justification plus ou moins cohérente de sa légitimité et de l’autorité des acteurs qui l’imposent ne soient nécessaires. L’histoire politique montre également que tout discours de légitimation est confronté à des contestations. C’est pourquoi ce travail a été guidé par la question de savoir comment les rhétoriques politiques et, plus précisément, comment la rhétorique républicaine s’est instituée dans l’horizon politique brésilien comme étant le régime de pouvoir le plus égalitaire et inclusif malgré toutes ses contradictions.Pour répondre à cette question, l’analyse se concentre sur deux moments critiques de la rationalité républicaine au Brésil : celui de l’affirmation du républicanisme et de la constitutionnalisation de la République (1889-1891) et celui de la restauration et de la reconstitutionnalisation du régime, après le coup d’État civil-militaire qui met fin à la première République (1933-1934). Riches en discours de justification et de contestation, ces moments constituants fournissent des éléments de compréhension décisifs pour analyser la manière dont l’État républicain s’est servi d’un régime d’incapacitation et de différenciation pour justifier l’exclusion politique, économique et sociale de la majorité de la population brésilienne. Si la construction républicaine au Brésil s’est faite en excluant les femmes et d’autres catégories d’individus de la pleine citoyenneté, sa promesse d’une inclusion future de tous et de toutes à travers l’instruction ne résiste pas à l’épreuve d’un constat pour le moins déroutant : depuis 2014, les femmes sont majoritaires sur les bancs de l’école et des universités mais, malgré des études plus longues et de meilleurs résultats, elles demeurent encore minoritaires dans les espaces professionnels socialement valorisés et continuent de recevoir un traitement différencié dans les champs politique, économique et social.En même temps que l’avènement de la République est traditionnellement présenté comme un moment de rupture historique avec un passé d’oppressions et d’archaïsmes, du moins dans l’ordre des discours, ces moments critiques témoignent de la continuité des dynamiques d’exclusions fort peu démocratiques. Les discours officiels montrent en effet que les acteurs républicains ont défini qu’elles différences importaient ou non afin d’ériger des « échelles » et des « zones » distinctes de citoyenneté à l’intérieur même de « la chose de tous ». Lors de la définition républicaine du citoyen détenteur de droits, l’image de la femme – point focal de ce travail – témoigne de la manière dont les catégories discriminantes charrient une foule de représentations particulièrement significatives de la dynamique républicaine qui se déploie au Brésil à partir de la fin du XIXe siècle. L’analyse historique vise ainsi à comprendre les registres discursifs ayant permis aux fondateurs de la République de justifier la distribution asymétrique des droits et des ressources de l’État aux différentes catégories de citoyens, dans un régime pourtant défini comme égalitaire. Le cadre polémique dans lequel ce régime s’impose a suscité l’intérêt pour les discours contestataires. Il sera donc également question d’examiner dans quelle mesure ces représentations officielles alimentent les critiques produites par des acteurs et actrices des mouvements contestataires privilégiés par l’historiographie républicaine brésilienne.

No regime of power has been able to durably impose itself only by the use of violence, without the production and the actualization of a more or less coherent justification of its legitimacy and of the authority of the actors who impose it. Political history also shows that all legitimating discourse is confronted with contestations. That is why this work has been guided by the question of how political rhetorics and, more specifically, how the republican rhetoric has been instituted in the Brazilian political horizon as the most egalitarian and inclusive power regime despite all its contradictions. To answer this question, the analysis focuses on two critical moments of republican rationality in Brazil: the affirmation of republicanism and the constitutionalization of the Republic (1889-1891), and the restoration and reconstitutionalization of the regime after the civil-military coup d'état that ended the first Republic (1933-1934). Rich in discourses of justification and contestation, these constitutive moments provide decisive elements of understanding for analyzing how the republican state used a regime of incapacitation and differentiation to justify the political, economic and social exclusion of the majority of the Brazilian population.If the republican construction in Brazil was made by excluding women and other categories of individuals from full citizenship, its promise of future inclusion of all through education does not stand up to the test of an observation that is, to say the least, disconcerting: since 2014, women have been in the majority in schools and universities, but despite longer studies and better results, they are still in the minority in socially valued professional spaces and continue to receive differentiated treatment in the political, economic and social fields.At the same time as the advent of the Republic is traditionally presented as a moment of historical rupture with a past of oppression and archaism, at least in the order of discourse, these critical moments testify to the continuity of the dynamics of highly undemocratic exclusion. The official speeches show indeed that the republican actors have defined that they matter or not differences in order to erect distinct "scales" and "zones" of citizenship inside the very "thing of all". In the republican definition of the rights-bearing citizen, the image of the woman - the focal point of this work - testifies to the way in which discriminating categories carry a host of representations that are particularly significant of the republican dynamic that unfolds in Brazil from the end of the 19th century. The historical analysis thus aims to understand the discursive registers that allowed the founders of the Republic to justify the asymmetrical distribution of rights and resources of the state to different categories of citizens, in a regime that was nevertheless defined as egalitarian. The polemical framework in which this regime is imposed has generated interest in protest discourses. Therefore, it will also be examined to what extent these official representations feed the critiques produced by actors of the protest movements privileged by the Brazilian republican historiography.