Thèse en cours

Contacts entre les langues de l'Italie et des Balkans pendant l'antiquité: le cas du messapiens et des vestiges linguistiques de l'Illyricum

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Auteur / Autrice : Danilo Savic
Direction : Emmanuel DuprazAleksandar Loma
Type : Projet de thèse
Discipline(s) : Grammaire comparée
Date : Inscription en doctorat le 31/08/2019
Etablissement(s) : Université Paris sciences et lettres en cotutelle avec University of Belgrade
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de l'École pratique des hautes études
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Archéologie et philologie d'Orient et d'Occident (Paris ; 1998-....)
établissement opérateur d'inscription : École pratique des hautes études (Paris ; 1868-....)

Résumé

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Notre titre renvoie en fait à deux classements différents du matériel linguistique qui sera pris en compte : selon la position géographique (deux aires) et selon la famille de langues (trois groupes). En effet, les deux régions, l'Italie et les Balkans anciens, méritent d'être étudiées ensemble en raison de leur histoire commune : il y a eu des échanges culturels et linguistiques entre les trois rameaux indo-européens qu'elles présentent, à savoir l'italique, le celtique et le balkanique. Ces deux régions constituent en effet une aire linguistique remarquablement diverse. En Italie, les langues concernées par l'étude proposée sont les langues italiques (dont le membre le plus éminent est le latin), les langues celtiques (en Italie du nord, notamment le gaulois), et la langue messapienne parlée en Apulie, au sud extrême de l'Italie. Toutes ces langues sont documentées par des inscriptions sur pierre, métal ou céramique, de contenu très divers (administratif, religieux, magique) ; le latin a en plus une riche tradition littéraire. Le messapien est une langue isolée en Italie, possiblement apparentée aux langues balkaniques. Son statut obscur est dû à la lecture difficile et incertaine de ses monuments écrits. Pendant le siècle dernier, plusieurs chercheurs ont émis des hypothèses proposant le regroupement du messapien avec les langues balkaniques antiques, aussi bien qu'avec l'albanais, une langue indo-européenne vivante, mais apparemment isolée. Ce regroupement est peu certain, mais il n'est pas sans arguments. En plus d'être géographiquement proches, le messapien et l'albanais montrent une similarité lexicale limitée, mais surprenante. D'autre part, les Messapiens étaient probablement intégrés à l'espace culturel et politique du monde italique, et plus précisément romain. Ceci peut être illustré par l'origine messapienne d'Ennius, qui fut l'un des premiers grands écrivains romains (IIe siècle avant notre ère). Dans ce sens, le messapien est un lien précieux entre les langues de l'Italie et celles des Balkans. Par conséquent, la relation entre le messapien et l'albanais sera aussi à aborder dans notre travail, dans la mesure où leur vocabulaire commun éclaircit la classification du messapien. Notre travail devra cependant aborder aussi une autre question importante, celle des contacts entre italique et celtique en Italie, parce que cette question est cruciale pour l'étude des relations à plus grande échelle encore en direction des Balkans. Du côté balkanique, la situation est plus complexe. Contrairement à l'italique et au celtique, les langues des Balkans anciens (dites également « paléo-balkaniques ») ne constituent pas nécessairement une famille de langues unitaire. Une difficulté vient de la rareté des documents, car la situation linguistique dans cette région est attestée presque exclusivement par des sources littéraires ou épigraphiques grecques et latines qui accueillent des formes indigènes (toponymes, anthroponymes, théonymes, et aussi des emprunts lexicaux). Notre travail s'intéressera en priorité à un membre de cette aire linguistique : la langue dite illyrienne. Le terme « illyrien » est couramment appliqué à la langue indo-européenne (ou à l'ensemble de langues indo-européennes) parlée dans les Balkans de l'ouest, notamment dans l'Albanie, la Bosnie, la Croatie, le Monténégro, la Serbie et la Slovénie contemporaines. A la frontière occidentale de l'illyrien se trouve une langue italique, le vénète. Le territoire des tribus illyriennes a été envahi par les Celtes pendant le IIIe siècle avant notre ère. Par ailleurs, les noms des tribus, des villes, des divinités et des personnages illyriens trouvent souvent des parallèles possibles en vénète, d'une part, et d'autre part en messapien ou en albanais, comme nous l'avons indiqué ci-dessus. C'est à cause de ces circonstances que la langue illyrienne, bien qu'elle ne soit attestée que de manière indirecte, possède une grande portée scientifique non seulement pour le présent travail, mais aussi pour toute étude de l'histoire linguistique des Balkans anciens. Quant à la chronologie des langues traitées, on peut dire que notre étude couvrira grosso modo la période entre le VIe siècle avant notre ère (premiers documents italiques et celtiques) et le VIe siècle de notre ère (date probable de l'extinction de l'illyrien). En dehors du latin, les autres langues indo-européennes de l'Italie ancienne se sont probablement éteintes vers le début du Ier siècle de notre ère.