Terre de Feu : Interactions entre tectonique et climat à la terminaison sud de l’Amérique
Auteur / Autrice : | Sandrine Roy |
Direction : | Joseph Martinod, Riccardo Vassallo |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Sciences de la Terre, de l'Univers et de l'Environnement |
Date : | Soutenance le 18/12/2020 |
Etablissement(s) : | Chambéry |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Sciences de la terre, de l’environnement et des planètes (Grenoble, Isère, France ; 1992-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Institut des sciences de la Terre (Grenoble, Isère, France ; 2011-....) |
Jury : | Président / Présidente : Jean-Louis Mugnier |
Examinateurs / Examinatrices : Magali Rizza, Sébastien Castelltort, Daniel Melnick | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Stéphane Mazzotti, Edwin Nissen |
Mots clés
Résumé
Cette thèse est dédiée à l’étude de la faille active décrochante Magellan-Fagnano (MFF), accommodant le déplacement relatif des plaques Sud-Américaine et Scotia. L’extrême sud du continent américain a été sculpté par les activités conjointes du décrochement sénestre et des grandes glaciations patagoniennes, incisant de proéminents escarpements de faille et façonnant d’immenses détroits et fjords, lesquelles sont étroitement entrecroisés. Dans ces travaux, nous appuyons sur la configuration exceptionnelle de la Terre de Feu, pour étudier l’interaction entre tectonique et climat, ainsi que pour quantifier le comportement de la faille MFF sur plusieurs échelles de temps : sur la période historique d’une part (au cours des deux derniers siècles), et depuis la fin de la dernière glaciation d’autre part (depuis 20 000 ans). Au Chili et en Argentine, l’étude de tranchées paléosismologiques, la cartographie des escarpements, et l’analyse dendroseismologique ont permis pour la première fois de cartographier les surfaces de rupture des séismes de 1879 et 1949 et de mesurer les déplacements cosismique associés. Nos données suggèrent des longueurs de rupture minimales ≥ 200 km et une magnitude en 1879 de Mw ≥ 7.5 pour chacun de séismes. Les déformations postglaciaires (rides allongées, dépressions fermées, pop‐ups, structures en fleur, failles en échelon) témoignent d’une activité Quaternaire particulièrement localisée sur le segment principal du système de failles. L’interprétation paléosismologique de tranchée réalisée dans le secteur argentin permet, en particulier grâce à la datation 14C de niveaux stratigraphiques, d’établir un premier catalogue de séismes majeurs anciens, incluant un minimum de sept événements survenus au cours de l’Holocène. En outre, la datation par cosmonucleïde 10Be d’un marqueur postglaciaire fossile décalé par la faille et sa retrodéformation, indiquent un taux de glissement moyen en Argentine à 6.4 ± 0.9 mm/a depuis 18 ± 2 ka BP. Ces vitesses correspondent aux vitesses actuelles déduites des mesures GPS, et indiquent un comportement stable du secteur argentin depuis les derniers vingt-mille ans. Par ailleurs, les écarts temporels variables entre les séismes majeurs depuis l’Holocène, révèlent deux périodes de récurrences moyennes de 1000 et 70 ans, montrant ainsi que la faille de Magellan-Fagnano a un comportement irrégulier dans le temps. Au Chili, sur le versant nord de la Cordillère Darwin, nous mesurons le décalage horizontal cumulé d’un réseau hydrographique dont la mise en place date de la dernière déglaciation. Ce décalage met en évidence un taux de glissement exceptionnellement rapide de 19.5 ± 3.6 mm/a. Ces résultats indiquent une forte différence de vitesse entre le secteur Ouest de la Terre de Feu, autrefois recouvert par une calotte glaciaire épaisse, et le secteur oriental où la couverture glaciaire a été limitée, voire absente. C’est pourquoi nous explorons comment ces variations de chargement glaciaire interfèrent avec les contraintes tectoniques régionales et peuvent affecter le glissement sur la faille. Nous adoptons une première approche analytique simplifiée, puis une modélisation 3D par éléments finis, afin d’étudier comment la rhéologie de la lithosphère, l’évolution de la charge glaciaire, et son orientation par rapport à celle de la faille, influencent l’activité de la faille. Dans la configuration de la faille de Magellan-Fagnano, les deux approches montrent un ralentissement de l’activité de la faille lors d’une glaciation, suivie d’une augmentation lors de la déglaciation. Néanmoins l’augmentation du taux de glissement lors du déchargement glaciaire reste faible, et ne peux expliquer seulement 4 à 15% du gradient de vitesse observé. Cela souligne notamment l’importance de mieux contraindre la contribution relative de l’ajustement glaciaire isostatique de celle d’un processus néotectonique de soulèvement le long de la Cordillère des Andes Fuégiennes.