Traduire, écrire, éditer : l'édition humaniste au XXe siècle (Einaudi et Actes Sud)
Auteur / Autrice : | Adeline Monagheddu |
Direction : | Françoise Graziani |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Langue et littérature françaises |
Date : | Soutenance le 16/06/2017 |
Etablissement(s) : | Corte |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Environnement et sociéte (Corte ; 2000-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Lieux, identités, espaces, activités (Corte, Haute-Corse) |
Jury : | Examinateurs / Examinatrices : Alexis Nuselovici, Antonio Saccone, Philippe Pesteil, Jean-Dominique Poli |
Rapporteurs / Rapporteuses : Alexis Nuselovici, Antonio Saccone |
Mots clés
Mots clés contrôlés
Résumé
La mondialisation a modifié le paysage éditorial moderne en démocratisant les savoirs par une large diffusion de textes traduits, dans toutes les langues et dans toutes les disciplines. Mais ce phénomène n’a fait que confirmer une tradition méditerranéenne qui remonte au moins à la Renaissance, car il faut rappeler que si nous pouvons lire encore aujourd’hui des textes anciens c’est grâce à l’oeuvre de quelques éditeurs qui ont fait de la transmission des savoirs une priorité.Au XXème siècle, certains éditeurs se réclament de cet héritage humaniste qui fonde les relations humaines sur la transmission des savoirs. L’édition devient ainsi un moyen de lier les hommes à travers le partage des « Humanités », ce qui implique donc que la traduction et la pluridisciplinarité soient au coeur des politiques éditoriales. C’est ce principe que défend l’éditeur italien Roberto Calasso, directeur de la maison d’édition Adelphi, dans une conférence à Moscou en 2000, « L’editoria come genere letterario », où il soutient non seulement que l’édition est un art et que la priorité d’un éditeur humaniste est la transmission des savoirs mais que la construction d’une collection doit articuler des oeuvres de disciplines et d’origines différentes qui, une fois mises ensemble, constituent un tout cohérent. Deux maisons d’éditions ont suivi ce modèle éditorial en se démarquant donc ainsi du paysage éditorial de leurs pays respectifs : Einaudi en Italie et Actes Sud en France.La maison d’édition Einaudi, fondée en 1933 à Turin, s’est développée grâce à l'action fédératrice de son fondateur Giulio Einaudi qui s'est entouré des intellectuels les plus marquants de leur temps, Leone Ginzburg, Cesare Pavese et Italo Calvino. La mission humaniste d’Einaudi a été marquée par la création en 1946 de la « Collana di studi religiosi, etnologici e psicologici », plus connue sous le nom de « Collana Viola », placée sous la direction de l’ethnologue Ernesto De Martino et du poète Cesare Pavese. Cette collection avait pour particularité d’articuler diverses sciences humaines qui commençaient seulement à se développer en Italie : l’ethnologie, l’histoire des religions, les études folkloriques et la psychanalyse. Mais la « Collana Viola » n’est qu’un exemple parmi les nombreuses collections et revues créées par Einaudi, qui répondent toutes à la même exigence d’éducation populaire.La maison d’édition Actes Sud a quant à elle été fondée en Arles en 1978 par Hubert Nyssen qui a construit la politique éditoriale de sa maison d’édition décentralisée et engagée dans la nouvelle Europe multiculturelle qui était en train de naître. Actes Sud a d’emblée provoqué la surprise dans le paysage éditorial français, tant par son rejet du centralisme parisien que par le choix de son fondateur d’ouvrir immédiatement son catalogue à la littérature mondiale. Rappelons qu’à l’époque, la littérature étrangère était encore peu représentée dans les catalogues des maisons d’édition françaises, qui contrairement aux éditeurs italiens et européens ne publiaient quasiment jamais de traductions en édition bilingue. Grâce à une double ‘‘décentralisation’’ (vers la Méditerranée et vers le monde) Nyssen a réussi à construire une maison d’édition indépendante qui a changé le paysage éditorial français à cause de sa vocation à élargir l’horizon culturel européen en plaçant la traduction au centre de la transmission littéraire.Le parcours comparé de ces deux maisons d’édition montre bien compte que le rôle de l’éditeur humaniste est toujours d’inscrire l'histoire du livre dans un héritage culturel encyclopédique et polyglotte, tout en considérant l'édition ‘‘comme un genre littéraire.’’