Thèse soutenue

Conflits d'intérêts et rencontres des partenaires du mutualisme : le cas du mutualisme palmier nain / pollinisateur

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Auteur / Autrice : Mathilde Dufaÿ
Direction : Martine Hossaert-McKey
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Biologie des populations et écologie
Date : Soutenance en 2003
Etablissement(s) : École nationale supérieure agronomique (Montpellier ; 1960-2006)

Résumé

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Les mutualismes sont omniprésents dans la nature, mais les conflits d'intérêts qui opposent les partenaires peuvent rendre ces interactions instables. Certaines études théoriques issues de la théorie des jeux ont souligné l'importance du processus de la rencontre des partenaires pour la stabilité évolutive des mutualismes. Le but de cette étude était de comprendre, par une approche expérimentale, comment les conflits d'intérêts entre partenaires et l'émission des signaux facilitant leur rencontre à chaque génération agissent sur la stabilité des mutualismes à transmission horizontale. Nous avons étudié le mutualisme entre le palmier Chamaerops humilis et son pollinisateur spécifique Derelomus chamaeropsis, qui se reproduit dans les inflorescences de sa plante hôte. Dans ce mutualisme, les plantes femelles sont « tricheuses» ; elles détruisent les oeufs des pollinisateurs, induisant ainsi un phénomène de pollinisation par tromperie, très coûteux pour le pollinisateur, et qui constitue une source d'instabilité pour l'interaction. L'étude du mode d'attraction des pollinisateurs chez C. Humilis a révélé un système inconnu jusqu'alors chez les angiospermes ; les pollinisateurs sont attirés par des composés volatils émis par les feuilles, et non par les fleurs. Une première étude comparée suggère que ce mode d'attraction pourrait avoir évolué dans des conditions écologiques particulières chez quelques espèces de palmiers. Par ailleurs, le signal olfactif présente un dimorphisme sexuel sur la quantité de composés volatils. Ce dimorphisme conduit les pollinisateurs à rencontrer plus fréquemment le signal émis par les plantes mâles et à les visiter plus souvent. Toutefois, nous avons montré que la composition chimique du signal était extrêmement variable entre individus. Cette variabilité élude toute possibilité de différencier qualitativement les signaux mâles des signaux femelles et empêche l'évolution d'un comportement de choix actif chez le pollinisateur. Notre étude empirique va à l'encontre des prédictions théoriques et montre que l'incapacité d'un partenaire à « punir» les « tricheurs» peut paradoxalement stabiliser un mutualisme. Ceci s'explique en partie par le fait qu'une espèce mutualiste n'est pas forcément un ensemble homogène d'individus. Ici, les divergences d'intérêts entre plantes mâles et femelles non seulement caractérisent les conflits d'intérêts avec le troisième partenaire (le pollinisateur), mais déterminent également la dynamique évolutive de l'interaction.