Les « perdants magnifiques » de la réforme de l’action publique : Entre marché et administrations, la révolution permanente des répertoires d’évaluation des politiques en France (1990-2024)

The ''Magnificent Losers'' of public policy reform : Between market and administration, the permanent revolution of evaluation repertories in France (1990-2024)

• Auteur / Autrice : Paul Cotton
• Direction : Gilles Pollet
• Type : Thèse de doctorat
• Discipline(s) : Science politique
• Date : Soutenance le 07/01/2025
• Etablissement(s) : Lyon 2
• Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences sociales (Lyon ; 2007-....)
• Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Triangle. Action, Discours, Pensée politique et économique (Lyon ; 2005-....)
• Jury : Président / Présidente : Brigitte Gaïti
• Jury : Examinateurs / Examinatrices : Michael Zemmour, Christine Musselin
• Jury : Rapporteurs / Rapporteuses : Philippe Bezes, Vincent Spenlehauer

Mots clés

Mots clés contrôlés

Sociétés de conseil

Évaluation des politiques publiques

1990-2020

France

Administration publique -- Réforme

Mots clés libres

Evaluation

Administration

Cabinets conseils

Politiques publiques

Réforme administrative

Evaluation

Administration

Consulting firm

Public policies

Administrative reform

Résumé

Dans la continuité des travaux socio-historiques s'attachant à analyser les séquences réformatrices de l’État et ses conséquences sur l'action publique, cette thèse retrace les errements institutionnels de ce qui fût dans les années 1990 l'une des principales cartouches de la modernisation de l'action publique : l'évaluation des politiques publiques. Depuis sa tentative manquée d'institutionnalisation à la fin des années 1990, l'évaluation a poursuivi un développement plus discret, oscillant entre technologie pragmatique de gouvernement et expertise économique, soutenu par des acteurs encourageant son externalisation (universitaires, hackers, consultants).En reconstituant et comparant différentes séquences de développement de l’évaluation au niveau central et décentralisé depuis les années 1990, nous montrons que ce passage de la réforme au marché s'accompagne de la constitution de deux ''répertoires d'évaluation'' : le répertoire ''pluraliste-consultocrate'' et le répertoire ''scientiste-paragouvernemental''. A partir de la reconstitution des trajectoires des acteurs qui les constituent, nous soulignons comment ces répertoires se structurent et se diffusent au sein et en dehors de l'administration, contribuant à (re)activer des idéaux-types de rationalisation concurrents.Alors que les tenants de ces répertoires entendent renouer avec un rôle plus central dans la façon de penser l'action publique et cherchent à basculer du marché à la réforme, nous montrons que les évaluateurs restent au rang ''perdants magnifiques''. Loin de parvenir à ancrer l'évaluation comme un réflexe de l'administration, les évaluateurs transforment leurs pratiques pour composer avec un recours ponctuel à l'évaluation. Cette révolution permanente et sa cyclicité nous éclaire finalement sur le rôle de l'expertise dans l'action publique et l'érosion de la capacité de l'administration à la produire par elle-même sans dépendre de ''prestataires''.Ce travail repose sur une immersion de plus de trois années en tant que consultant évaluateur dans une PME du conseil, une série d'entretiens avec des évaluateurs et des agents de l'administration (N= 81), la consultation d’archives ministérielles couvrant la période 2000-2017 (direction générale de la modernisation de l'État, secrétariat général à la modernisation de l'action publique, secrétariat général du gouvernement, secrétariat d’État à la réforme de l’État et à la simplification, services de statistiques ministériels), et la constitution d'une base de données inédite des marchés publics en évaluation entre 2007 et 2023 (n=7438).

In line with socio-historical work that seeks to analyze the reforming sequences of the State and its consequences on public action, this thesis traces the institutional errors of what was in the 1990s one of the main cartridges of the modernization of public action: the evaluation of public policies. Since its failed attempt at institutionalization in the late 1990s, evaluation has pursued a more discreet development, oscillating between pragmatic government technology and economic expertise, supported by actors encouraging its outsourcing (academics, hackers, consultants). By reconstructing and comparing different sequences of development of evaluation at the central and decentralized levels since the 1990s, we show that this shift from reform to the market is accompanied by the creation of two ''evaluation repertoires'': the ''pluralist-consultocrat'' repertoire and the ''scientist-paragovernmental'' repertoire. From the reconstruction of the trajectories of the actors who constitute them, we highlight how these repertoires are structured and diffused within and outside the administration, contributing to (re)activating competing ideal types of rationalization.While the proponents of these repertoires intend to reconnect with a more central role in the way of thinking about public action and seek to switch from the market to reform, we show that evaluators remain in the rank of ''magnificent losers''. Far from managing to anchor evaluation as a reflex of the administration, evaluators transform their practices to deal with an occasional recourse to evaluation. This permanent revolution and its cyclicality finally enlighten us on the role of expertise in public action and the erosion of the capacity of the administration to produce it by itself without depending on ''service providers''.This work is based on an immersion of more than three years as an evaluator consultant in an SME in the consulting sector, a series of interviews with evaluators and administration agents (N= 81), the consultation of ministerial archives covering the period 2000-2017 (general directorate for the modernization of the State, general secretariat for the modernization of public action, general secretariat of the government, secretariat of State for State reform and simplification, ministerial statistics services), and the creation of a new database of public contracts under evaluation between 2007 and 2023 (n=7438).