Entre texte et image, entre écriture et oralité : les lettres enluminées dans les manuscrits des XVI discours de saint Grégoire de Nazianze (XIe et XIIe siècles).
Auteur / Autrice : | Maria Chronopoulou |
Direction : | Ioanna Rapti |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Histoire de l'art |
Date : | Soutenance le 14/12/2024 |
Etablissement(s) : | Université Paris sciences et lettres |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale de l'École pratique des hautes études |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Orient et Méditerranée (Ivry-sur-Seine, Val de Marne ; 2006-....) |
Établissement de préparation de la thèse : École pratique des hautes études (Paris ; 1868-....) | |
Jury : | Président / Présidente : Anne-Orange Poilpré |
Examinateurs / Examinatrices : Ioanna Rapti, Anne-Orange Poilpré, Brigitte Pitarakis, Leslie Brubaker, Christian Förstel, Jannic Durand | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Brigitte Pitarakis, Leslie Brubaker |
Mots clés
Mots clés contrôlés
Mots clés libres
Résumé
Cette thèse se concentre sur l'étude des lettres enluminées dans les manuscrits byzantins des XVI discours de saint Grégoire de Nazianze, datés des XIe et XIIe siècles. Les homélies liturgiques étaient destinées à la lecture lors des offices, notamment monastiques. Les manuscrits sont richement illustrés de miniatures, d'images en pleine page et d'ornements marginaux, mais les lettres enluminées occupent une place centrale dans leur ornementation, servant de réceptacles privilégiés pour l'iconographie. L'étude porte sur dix-huit manuscrits grecs incluant 608 lettres enluminées. Ces lettres intègrent une iconographie riche et variée, comprenant des images directement liées au texte, telles que des représentations correspondantes aux thèmes des discours ou des portraits de l'auteur. En outre, elles incluent des scènes de la vie quotidienne, des spectacles, des travaux agricoles ou des représentations animales, qui, bien que parfois éloignées du contenu strictement théologique des homélies, apportent des nuances symboliques ou allusives. L'analyse de la fonction des lettres enluminées dans ces manuscrits liturgiques, et de leur interaction avec le texte des homélies, révèle comment ces lettres-images deviennent des véhicules de symbolisme, de métaphores visuelles, d'exégèses, ainsi que de messages théologiques et spirituels complexes. Elles transcendent leur apparence décorative pour influencer la lecture et l'usage du texte. Loin d'être de simples illustrations, ces lettres sont des éléments intrinsèques du livre, enrichissant et approfondissant le propos théologique de Grégoire et renforçant la solennité de ses paroles. La pratique d'ornementation des lettres dans ces manuscrits reflète l'admiration profonde des Byzantins pour les écrits de Grégoire de Nazianze, où les lettres enluminées reviennent à une sublimation visuelle du texte. La mise en image de la parole est une forme de vénération, soulignant l'importance théologique accordée à ces discours. Par ailleurs, la dimension liturgique et oratoire des homélies confère aux lettres enluminées un rôle central dans le déroulement de la lecture, s'intégrant de manière immédiate dans le texte et contribuant activement à sa proclamation orale. L'étude des lettres enluminées dans les XVI discours éclaire non seulement leur rôle spécifique dans les manuscrits byzantins, mais aussi leur capacité à transformer le texte en une expérience à la fois sensorielle et spirituelle. La lettre devient un médium hybride destiné à être vu, lu, contemplé, médité, tout en pouvant susciter l'émerveillement ou divertir. La lettre-image, qui atteint son apogée aux XIe et XIIe siècles, est un phénomène caractéristique de l'époque comnène. La lettre se présente comme un espace liminal et ambigu, accueillant des scènes abrégées, des micro-icônes ou des images-amulettes, reflétant les débats théologiques et la spiritualité de l'empire des Comnènes. Elle devient ainsi non seulement un repère pour la lecture, mais aussi un lieu d'animation, où une autre forme d'écriture — celle de l'image — prend vie. En parallèle, ce riche répertoire iconographique, incluant des images « profanes » telles que des spectacles et loisirs aristocratiques, des représentations d'animaux exotiques ou encore des images satiriques d'animaux moqueurs dans les lettres des homélies liturgiques, témoigne d'une société en pleine transformation. Ces représentations expriment la culture aristocratique sur ses deux terrains privilégiés, l'oikos et le monastère, projetant leur imaginaire et leur goût au sein de l'art du livre sacré et de l'espace monastique.