Thèse soutenue

La modulation neuropeptidergique d'un circuit sensorimoteur en fonction de l'état alimentaire biaise les décisions non liées à l'alimentation chez la larve de Drosophile

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Auteur / Autrice : Dylan Manceau
Direction : Tihana Jovanic
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences de la vie et de la santé
Date : Soutenance le 05/06/2024
Etablissement(s) : université Paris-Saclay
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Signalisations et réseaux intégratifs en biologie
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Institut des neurosciences Paris-Saclay (Gif-sur-Yvette, Essonne ; 2015-....) - Institut des neurosciences Paris-Saclay (Gif-sur-Yvette, Essonne ; 2015-....)
référent : Faculté de médecine
graduate school : Université Paris-Saclay. Graduate School Life Sciences and Health (2020-....)
Jury : Président / Présidente : Mohammed Taouis
Examinateurs / Examinatrices : Yaël Grosjean, Dennis Pauls, Jimena Berni
Rapporteurs / Rapporteuses : Yaël Grosjean, Dennis Pauls

Résumé

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La flexibilité comportementale, soit l'adaptation du comportement aux changements de l'environnement ou de l'état interne, est essentielle pour la survie et la reproduction des animaux. L'état alimentaire, en particulier, exerce une forte influence sur le comportement, même en dehors des décisions liées à la nourriture. Cependant, la manière dont l'information sur l'état alimentaire affecte les circuits de décision non directement liés à l'alimentation reste un sujet de recherche en neurosciences. Notre projet vise à éclairer ces relations entre états physiologiques, circuits neuronaux et comportement, cruciales pour comprendre le fonctionnement cérébral en santé et en maladie. Nous étudions les mécanismes de modulation des circuits neuronaux dépendant de l'état alimentaire chez les larves de Drosophile. Nous utilisons les outils génétiques de ce modèle et son système nerveux simple pour examiner un circuit impliqué dans leur prise de décision sensorimotrice. Ce circuit orchestre le choix entre deux actions mutuellement exclusives (la rétraction de la tête, ou "hunch", une réponse de sursaut et le balancement de la tête, ou "head-cast", une réponse d'évitement actif) en réponse à une stimulation mécanique. Des interneurones inhibiteurs réciproquement connectés engagés dans plusieurs sous-motifs pilotent l'état de sortie de ce circuit, avec une inhibition réciproque de l'inhibition mettant en œuvre le choix comportemental et une désinhibition rétroactive consolidant le "head-cast". Une telle architecture de circuit permet une sélection flexible du comportement de sortie, qui est probabiliste à la fois entre et au sein des individus. Les larves affamées ou nourries uniquement de sucrose orientent leurs décisions vers plus de "head-cast" au détriment du "hunch" en modulant l'activité de deux interneurones inhibiteurs interconnectés. Pour étudier ce mécanisme, nous combinons des techniques telles que la manipulation de neuropeptides dans des cellules individuelles, l'imagerie calcique, l'analyse comportementale et la connectomique. Nous avons ciblé les neuropeptides NPF et sNPF, liés au NPY mammifère et connus comme régulateurs des comportements alimentaires. Alors que les récepteurs des deux neuropeptides sont exprimés dans les neurones mécanosensoriels, nos résultats montrent que leur modulation n'est pas essentielle pour orienter les décisions de la larve. Au contraire, sNPF et NPF modulent différemment les interneurones inhibiteurs interconnectés de manière dépendante de l'état alimentaire, influençant les calculs du circuit. Nous montrons que les neurones de projection du circuit n'expriment pas de récepteurs pour sNPF ou NPF, tandis que les interneurones inhibiteurs expriment différentes combinaisons de récepteurs. Cela suggère que les interneurones sont des cibles de modulation tandis que les neurones de projection transmettent la décision au côté moteur. En effet, la réduction de la signalisation sNPF sur ces interneurones oriente le choix des larves vers moins de "hunch" et plus de "head-cast" en régulant leur activité de manière opposée, reproduisant partiellement un phénotype "sucore-like" ou "starvation-like". D'autre part, l'activité des neurones NPF est augmentée lors de l’ingestion de sucrose et la mise à jeun, et le NPF lui-même est nécessaire pour la modulation dépendante de l'état alimentaire de la locomotion de base des larves. De plus, le NPF est responsable d'une augmentation de l'activité spécifiquement de l'un des interneurones, qui inhibe le "hunch" et favorise le "head-cast". En conclusion, nos données suggèrent que ces interneurones inhibiteurs servent d'intégrateurs de l'information sur l'état physiologique, orientant ainsi le comportement en fonction de l'état alimentaire. Ces résultats posent les bases pour comprendre les mécanismes de neuromodulation dans des cerveaux complexes, avec des implications potentielles pour le traitement des troubles neuropsychiatriques, dont les troubles alimentaires.