Design d'interactions, interactions avec le design : vers une instrumentalité et une matérialité dans l'infographie procédurale et au delà
Auteur / Autrice : | Martin Tricaud |
Direction : | Michel Beaudouin-Lafon |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Informatique |
Date : | Soutenance le 23/10/2024 |
Etablissement(s) : | université Paris-Saclay |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Sciences et technologies de l'information et de la communication |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Laboratoire Interdisciplinaire des Sciences du Numérique |
Référent : Faculté des sciences d'Orsay | |
graduate school : Université Paris-Saclay. Graduate School Informatique et sciences du numérique (2020-....) | |
Jury : | Président / Présidente : Michèle Gouiffès |
Examinateurs / Examinatrices : Morten Fjeld, Catherine Letondal, Nuno Correia | |
Rapporteur / Rapporteuse : Morten Fjeld, Catherine Letondal |
Résumé
Le terme d'infographie procédurale ou Procedural Computer Graphics (PCG) recouvre un ensemble de technique de création visuelle basées sur la construction et le paramétrage de procédures algorithmiques. Celles-ci réifient la chaine des opérations conduisant à un design final en un objet interactif. En opérant donc à un plus haut niveau d'abstraction, la création procédurale ouvre en principe des possibilités inaccessibles à l'action humaine séquentielle, mais l'expressivité des techniques de PCG reste contrainte par la façon dont les modèles procéduraux sont encodés, et par les interactions qu'admettent ces représentations. Les frustrations de l'exploration d'espaces de paramètre par sliders en sont un exemple connu. Ce problème fait écho à une question centrale en Interaction Humain-Machine: Quels artefacts logiciels sont le plus adaptés pour médiatiser nos actions sur des substrats d'information? Les interfaces en manipulation directe - jadis réputées plus ergonomiques sur le plan cognitif - semblent reculer au profit des interactions conversationnelles: Les modèles d'IA générative promettent un accès facile à des résultats sophistiqués par commande verbale ou textuelle. Mais la métaphore de l'interface comme ''monde'' plutôt que comme interlocuteur n'est pas obsolète: Certaines choses seront toujours plus faciles à faire qu'à dire. La recherche récente en sciences cognitives sur l'action outillée et le raisonnement technique a apporté de nombreuses preuves que ces facultés sont distinctes du raisonnement symbolique, et les précèdent dans l'évolution humaine. Cette faculté de raisonnement technique tacite, fondamentale dans les pratiques artistiques, peut-elle s'accommoder d'environnements qui ne sont pas régit par des règles analogues à celles du monde physique, et si oui comment? Y répondre implique de redéfinir la matérialité comme qualité non pas de l'environnement mais de la relation d'un agent à celui-ci. Mais les redéfinitions proposées par la recherche en design peinent souvent à en tirer des principes de conception d'interfaces actionnables. Trois questions émergent de ce constat: 1. Si la matérialité est une relation d'un agent à son environnement, comment se développe-t-elle entre les utilisateurs et leur environnement logiciel? 2. Quels obstacles entravent ce processus, et quels artefacts logiciels spécifiques le facilitent? 3. Comment repenser l'architecture de l'interaction en général pour garantir qu'une telle relation de matérialité puisse émerger dans n'importe quel environnement logiciel? En m'appuyant sur étude auprès de 12 artistes et designers, je propose de voir la matérialité comme émergent d'un processus épistémique: Les artistes et les designers réalisent des actions épistémiques pour produire de la connaissance sur le medium, et de façon symétrique, ils externalisent leurs savoirs dans des artefacts épistémiques - lesquels apportent de nouvelles affordances à l'environnement, et admettent donc de nouvelles actions épistémiques. J'aborde la deuxième question via une preuve de concept logicielle qui combine plusieurs techniques d'interaction innovantes afin de faciliter la navigation exploratoire dans les espaces de paramètres des modèles procéduraux. La réflexion sur le processus de design et les premiers feedbacks récoltés m'amènent à me distancer des méthodes psychométriques d'évaluation, pour envisager des approches basées sur la théorie de l'information, tout en notant que la difficulté de l'IHM à diffuser les techniques d'interaction bénéfiques réside ailleurs que dans leur évaluation: S'approprier un medium implique d'y introduire de nouvelles affordances en combinant librement les représentations interactives qui le composent ce qui est par nature difficilement contrôlable. En revanche, la composabilité des représentations interactives peut être spécifiée de façon formelle et générique, sous réserve que les langages soient dotés d'une sémantique adéquate qui pour l'instant leur fait défaut.