La cueillette des génépis : approche systémique d'une pratique de haute-montagne
Auteur / Autrice : | Ninon Fontaine |
Direction : | John Thompson |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | EFSA-Environnement, Territoires et Sociétés |
Date : | Soutenance le 13/09/2024 |
Etablissement(s) : | Université de Montpellier (2022-....) |
Ecole(s) doctorale(s) : | Biodiversité, Agriculture, Alimentation, Environnement, Terre, Eau |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Centre d'écologie fonctionnelle et évolutive (Montpellier) |
Jury : | Président / Présidente : Fabien Anthelme |
Examinateurs / Examinatrices : Irène Teixidor-Toneu, Samuel Pironon | |
Rapporteur / Rapporteuse : Anne-Caroline Prévot-Julliard, Sandra Lavorel |
Mots clés
Résumé
En haute montagne, la durabilité des pratiques de cueillette et la sensibilité de la flore face aux changements globaux en cours représentent un double enjeu pour le 21ème siècle. Dans cette thèse, nous évaluons l’efficacité de réglementations définies en réponse à ce double enjeu, en se basant sur le cas de la cueillette des génépis dans les Alpes du Sud, principalement dans le Parc national du Mercantour (PnM). Le nom ‘génépi’ regroupe quatre espèces d’armoises d’altitude, dont les brins sont cueillis pour aromatiser différentes boissons. Cette cueillette fait intervenir des ressources (les génépis) et des usagers (les cueilleur·ses amateur), dont l’interaction est modulée par des réglementations.Le concept de socio-écosystème (SES) offre un cadre théorique intéressant pour évaluer l’efficacité des réglementations de cueillette, en intégrant les éléments biophysiques, anthropiques, et leurs interdépendances. Une approche interdisciplinaire permet de croiser les regards sur un tel système intégré, enrichissant sa compréhension. Ici, une approche croisant écologie et géographie a été utilisée pour étudier un SES de haute montagne, le SES « cueillette des génépis ». Quatre objectifs ont été identifiés : (1) caractériser les exigences écologiques des quatre espèces de génépi, pour estimer leur rareté et leur vulnérabilité ; (2) évaluer la distribution spatiale de la cueillette et ses effets sur les génépis ; (3) décrire les pratiques des cueilleur·ses et comprendre leurs motivations ; (4) comprendre les rapports à la réglementation des cueilleur·ses et des agents du PnM qui l’appliquent sur le terrain.Les données topo climatiques à 25 m de résolution dans les Alpes françaises et les conditions écologiques mesurées sur le terrain à 1 m de résolution sur des sites de présence des génépis, montrent que les niches écologiques de ces espèces proches diffèrent ou se recouvrent partiellement en fonction de l’échelle spatiale (chap. 1). Des facteurs liés à la température et aux communautés végétales distinguent les niches des quatre génépis, ce qui peut impliquer différentes sensibilités aux changements globaux.En comptant les brins produits par les plants de génépi dont ceux cueillis, l’intensité de cueillette a été évaluée sur 39 sites, et reliée aux conditions socio-écologiques locales et à la dynamique annuelle de production de brins sur trois ans (chap. 2). Il a ainsi été montré que la cueillette a un effet positif sur cette production à l’échelle de la plante et à court terme, mais que cet effet dépend du niveau de végétalisation du site. L’intensité de cueillette étant variable entre sites, selon la disponibilité de la ressource et l’attractivité des randonnées associées, les effets d’une cueillette répétée à l’échelle des populations et sur le long terme restent à étudier.Enfin, des entretiens semi directifs avec des cueilleur·ses, conduits principalement dans le PnM, révèlent la diversité de leurs motivations et pratiques (chap. 3). Ils et elles mettent en avant des ‘bonnes pratiques’, ne correspondant pas nécessairement à la réglementation en place qui n’est pas toujours acceptée. Cela souligne également différents points de vue sur le rôle du PnM, qui se retrouvent du côté des agents appliquant la réglementation. Ces agents pointent également des dysfonctionnements de la réglementation de la cueillette des génépis, en lien avec des changements institutionnels et socio-environnementaux.Les diagnostics écologiques et socio-écologiques réalisés dans les chapitres 1 et 2, ainsi que les éléments issus des entretiens détaillés dans le chapitre 3, offrent des pistes de réflexion pour améliorer l’efficacité de la réglementation, par exemple une meilleure prise en compte des savoirs des acteur·rices du SES. Ces propositions sont pensées afin de garantir la durabilité de la cueillette des génépis, et ainsi le maintien des patrimoines naturel et culturel qui y sont associés.