Retour vers le passé : adaptation rapide du système de reproduction chez les plantes à fleurs
Auteur / Autrice : | Samson Acoca |
Direction : | Pierre-Olivier Cheptou |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | EERGP-Biologie et Ecologie Evolutives |
Date : | Soutenance le 04/10/2024 |
Etablissement(s) : | Université de Montpellier (2022-....) |
Ecole(s) doctorale(s) : | Biodiversité, Agriculture, Alimentation, Environnement, Terre, Eau |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Centre d'écologie fonctionnelle et évolutive (Montpellier) |
Jury : | Examinateurs / Examinatrices : Ophélie Ronce, Mathieu Lihoreau, Isabelle De Cauwer |
Rapporteur / Rapporteuse : Emmanuelle Porcher, John K. Kelly |
Résumé
À la faveur d'une promenade printanière au cœur de la nature, il n'est pas rare de profiter du spectacle qu'offre la floraison. Les formes et les couleurs des fleurs viennent capturer le regard. Ces apparats jouent un rôle fondamental dans la reproduction. La fleur est le siège de la reproduction sexuée pour les plantes à fleurs. Elle porte à la fois des pièces florales fertiles, généralement mâles et femelles, mais également des pièces florales stériles comme les pétales. Le rôle de ces pièces florales stériles est d'aider à la rencontre des gamètes, la pollinisation. La large majorité des plantes à fleurs sont pollinisées par des insectes, aussi, au spectacle des formes et des couleurs se superpose un ballet papillonnant, et bourdonnant. Or, ces pollinisateurs sont actuellement menacés par les activités humaines. Cette thèse s'appuie sur l'hypothèse que, en plus de rendre nos printemps silencieux, le déclin actuel des pollinisateurs impacte le système de reproduction des plantes à fleurs. En l'absence de pollinisateurs, la reproduction avec soi-même, l'autofécondation, est une solution pour maintenir une descendance. Cette thèse rend compte de l'évolution récente du système de reproduction d'une plante à fleurs, la pensée des champs (Viola arvensis), et notamment de ses traits floraux, pour ensuite comprendre si le déclin des pollinisateurs peut en être à l'origine.Pour mesurer l'évolution d'une population, il est nécessaire d'avoir au moins deux points de comparaison espacés dans le temps. L'écologie de la résurrection permet d'accéder aux traits de populations passées sans nécessiter qu'ils aient été eux-mêmes mesurés dans le passé. En effet, cette méthode se sert de la dormance pour comparer des individus issus de populations ancestrales, conservés sous forme dormante, à des individus actuels descendants de cette population ancestrale. La structure génétique et les traits des populations ancestrales sont capturés et conservés par les individus en dormance et peuvent aisément être révélés en levant cette dormance. Il est alors possible de faire pousser côte-à-côte, dans le même environnement, ancêtres et descendants, ce qui permet de caractériser l'évolution entre les deux. Cette méthode a été utilisée sur quatre populations de pensée des champs échantillonnées dans le Bassin parisien, une première fois dans les années 1990-2000 et conservées par des conservatoires botaniques nationaux, puis une seconde fois en 2021.En alliant mesures de la structure génétique des populations, mesures phénotypiques et expériences de choix par des pollinisateurs, cette thèse montre que les quatre populations actuelles de pensée des champs se reproduisent avec des taux d'autofécondation plus élevés, produisent des fleurs aux pétales plus petits, produisent moins de nectar, et sont finalement moins attractives que leurs ancêtres. Le fait que ces changements ne soient pas juste liés à l'augmentation de l'autofécondation et de la dépression de consanguinité associée est confirmé par des mesures de dépression de consanguinité très faibles. L'ensemble des traits ayant évolué forment ce qui est appelé un syndrome d'autofécondation. L'importance de ces traits dans la réalisation de l'autofécondation a été quantifiée pour les voies mâle et femelle. Les traits modulant l'autofécondation via l'interaction avec les pollinisateurs sont ceux qui ont évolué. Enfin, l'absence d'évolution des traits étant indépendant des pollinisateurs malgré leur héritabilité élevée, comme la longueur du sépale, renforce l'hypothèse que le déclin des pollinisateurs est à l'origine de l'évolution observée.En plus de le rendre silencieux, le déclin des pollinisateurs menacerait donc aussi les formes et les couleurs de nos printemps avec le développement du syndrome d'autofécondation. Ce syndrome tend à rompre les interactions avec les pollinisateurs et pourrait avoir un effet d'emballement sur leur déclin. Cette évolution menacerait donc l'ensemble de la chaine trophique.