Des expériences qu'on (ne) nomme (pas) : création, conventionnalisation et hypostase des néologismes anglais du féminisme contemporain
Auteur / Autrice : | Océane Foubert |
Direction : | Maarten Lemmens, Hans-Jörg Schmid |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Langues et littératures anglaises et anglo-saxonnes |
Date : | Soutenance le 03/09/2024 |
Etablissement(s) : | Université de Lille (2022-....) en cotutelle avec Ludwig-Maximilians Universität (Munich, Allemagne) |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Sciences de l'homme et de la société (Lille ; 2006-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Savoirs, textes, langage (Villeneuve d'Ascq, Nord) |
Jury : | Président / Présidente : Laure Lansari |
Examinateurs / Examinatrices : Anne Pauwels | |
Rapporteur / Rapporteuse : Laure Gardelle, Vincent Balnat |
Mots clés
Mots clés contrôlés
Résumé
Une des principales observations de la linguistique féministe depuis dans son émergence dans les années 1970 est la nature androcentrée de la langue. Afin de contrer ce biais masculin, des changements linguistiques ont été proposés parmi lesquels le langage inclusif, qui continue de susciter un intérêt considérable bien au-delà des sphères féministes et académiques. Toutefois, l'activisme linguistique féministe ne se limite pas à la création de formes plus inclusives. Les groupes de conscientisation ont été identifiés comme une forme majeure de l'activisme féministe des années 1970. Ces espaces ont permis aux femmes de se rendre compte que ce qu'elles pensaient être des expériences individuelles étaient en fait partagées. Ces expériences communes n'étaient pourtant pas nommées. Un exemple de ces expériences est le comportement inapproprié des hommes, en particulier au travail, comme des avances sexuelles. Pour pallier l'absence de noms, les femmes ont alors été encouragées à nommer ces expériences de leurs points de vue, par exemple en inventant le terme ''harcèlement sexuel''. Le fait de créer des néologismes pour nommer des expériences ne s'est pas arrêté après les années 1970 et le féminisme contemporain est aussi accompagné de tels néologismes. Parmi les néologismes anglais les plus récents, nous pouvons citer ''himpathy'', qui désigne la sympathie inappropriée dont bénéficient souvent les hommes puissants accusés de comportements misogynes. Comme pour les néologismes inventés autour des années 1970, peu d'attention a été accordée aux néologismes plus récents. La transformation d'une expérience innommée en une expérience nommée est au cœur de la présente thèse qui analyse 24 néologismes anglais apparus au cours du féminisme contemporain. Plus précisément, elle cherche à (i) observer quelles expériences sont nommées par ces néologismes, (ii) étudier dans quelle mesure ils sont utilisés et comment, et (iii) explorer leur effet sur la perception des concepts dénotés. Premièrement, nous constatons que ces néologismes redéfinissent l'activisme linguistique féministe des années 1970. Ils ne se contentent pas de nommer les expériences des femmes par rapport à celles des hommes, mais placent au centre les expériences des personnes minorisées ou marginalisées en raison de leur genre, de leur sexualité, ainsi que de leur race ou de leur religion. Deuxièmement, le degré de conventionnalisation de ces néologismes, c'est-à-dire dans quelle mesure et comment ils sont utilisés, est observé dans le corpus NOW (News on the Web). Cet aspect est particulièrement pertinent pour l'étude des néologismes féministes, puisque l'une des motivations derrière leur création est de rendre les expériences qu'ils dénotent plus visibles dans la société. Cependant, il a été démontré que la diffusion peut également conduire à la dépolitisation de leur signification. L'analyse de corpus montre que ces néologismes récents ne varient pas seulement dans leur degré de diffusion, mais aussi dans le processus de (dé)politisation qu'ils traversent par le biais de changements sémantiques et/ou de stratégies discursives. Troisièmement, en exploitant des résultats préliminaires de la littérature sur la néologie, la présente thèse étudie le pouvoir de la dénomination avancé dans la linguistique féministe lié à la notion d'hypostase. Sur la base d'un questionnaire, on constate que les participant·es qui connaissaient les néologismes avant le questionnaire perçoivent les concepts dénotés plus utiles, par exemple en termes de pertinence sociale. L'activisme linguistique féministe s'est surtout concentré sur le langage inclusif, au point de donner l'impression que l'activisme linguistique féministe se limite à ce dernier. La présente thèse contribue à la linguistique féministe en étudiant un aspect négligé de l'activisme linguistique féministe : les néologismes féministes.