Une perspective océanique du déséquilibre énergétique de la Terre au cours des soixante dernières années
Auteur / Autrice : | Audrey Minière |
Direction : | Karina Von Schuckmann, Jean-Baptiste Sallée |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Océan, Atmosphère, Climat |
Date : | Soutenance le 08/02/2024 |
Etablissement(s) : | Université de Toulouse (2023-....) |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Sciences de l’univers, de l’environnement et de l’espace (Toulouse) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Mercator Océan |
Jury : | Président / Présidente : Rosemary Anne Morrow |
Examinateurs / Examinatrices : Damien Desbruyères, Christophe Cassou | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Virginie Thierry, Sabrina Speich |
Résumé
L'océan se réchauffe aujourd'hui à un taux sans précédent depuis les années 1950. Au cours de la dernière décennie, le contenu de chaleur océanique a atteint, année après année, de nouveaux records annuels. Ce réchauffement océanique, généralisé de la surface aux abysses, est un des principaux symptômes du déséquilibre radiatif planétaire positif (EEI) d'origine anthropique et persistant au sommet de l'atmosphère. De ce fait, l'évolution du contenu de chaleur océanique (OHC), en nous renseignant sur la valeur et les changements de l'EEI, est un indicateur critique pour la surveillance du changement climatique en cours et à venir. Les avancées continues dans le système mondial d'observation du climat ont fourni des estimations améliorées et de nouvelles perspectives pour comprendre et évaluer les changements dans l'OHC et l'EEI à partir de mesures in situ et satellites, ce qui a donné lieu à un nombre important d'estimations de l'EEI dans la littérature ces dernières années. Au cours des deux dernières décennies, les observations satellites du flux radiatif net au sommet de l'atmosphère ont capturé une tendance à la hausse dans l'EEI, cohérente avec l'augmentation des taux de réchauffement in situ de l'océan, ce qui mène à penser que l'accumulation de chaleur dans le système Terre s'est accélérée depuis les vingt dernières années. Cependant, d'une étude à l'autre, des incohérences persistent encore entre les différentes estimations d'EEI à cause d'importantes divergences méthodologiques, qui brouillent notre compréhension de l'évolution de l'OHC et de l'EEI. À ce jour, il n'existe aucune recommandation cadrant les "bonnes pratiques" pour le calcul de cette variable pourtant essentielle à notre compréhension du changement climatique et à sa surveillance. Dans cette thèse, j'étudie les variations de l'EEI entre 1960 et 2020, par le biais d'une analyse approfondie des impacts du traitement des observations et des différentes méthodes d'estimation de l'EEI. Cette analyse détaillée et systématique a permis de réconcilier les incohérences observées dans les estimations d'EEI publiées. Elle a également débouché sur la première liste de recommandations pour l'évaluation de l'EEI. Ces travaux ont directement été mis à profit d'un large effort international qui s'est engagé ces dernières années pour évaluer et surveiller les changements de l'inventaire de chaleur de la Terre et auquel j'ai pris parti pendant ma thèse. Cette évaluation de l'inventaire de chaleur de la Terre se base sur l'estimation du contenu de chaleur océanique, et est complétée par une quantification de la chaleur stockée dans l'atmosphère, les continents et la cryosphère. En bénéficiant de cette version améliorée de l'inventaire de chaleur de la Terre, et en suivant les recommandations que j'ai établies pour l'estimation de l'EEI, il a été possible d'étendre l'analyse des changements de l'EEI et de son incertitude sur une période longue de soixante ans, et pour la première fois à partir d'observations in situ. Ces dernières ont révélé une accélération robuste de l'accumulation de la chaleur au cours des six dernières décennies à la fois dans l'océan à un taux de 0,15±0,03 (W/m2)/décennie, et dans les autres composantes du système Terre à un taux de 0,013±0,003 (W/m2)/décennie. Ce résultat inédit souligne en particulier l'importance cruciale de l'inventaire de chaleur de la Terre pour la surveillance à long terme de l'évolution future de l'EEI. Ma thèse contribue ainsi à mieux dépeindre le changement climatique en cours en fournissant une méthodologie et un cadre d'incertitudes rigoureux et novateur pour l'estimation de l'EEI. Elle procure notamment une cible observationnelle pour évaluer la robustesse des simulations climatiques globales et comprendre les processus en cours, et constitue une base solide pour la surveillance du changement climatique des années à venir.