Conservation évocentrée de la biodiversité : contexte, métriques, implémentation
Auteur / Autrice : | Thibault Génissel |
Direction : | François Sarrazin, Jane Lecomte |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Sciences de la conservation |
Date : | Soutenance le 26/09/2024 |
Etablissement(s) : | Sorbonne université |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Sciences de la nature et de l'Homme - Évolution et écologie (Paris ; 1995-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Centre des sciences de la conservation (Paris ; 2003-....) |
Jury : | Président / Présidente : Nicolas Loeuille |
Examinateurs / Examinatrices : Vincent Devictor, Céline Teplitsky | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Emmanuel Milot, Nina-Coralie Hautekeete |
Résumé
Les humains sont devenus par l'intensité de leurs activités le premier facteur d'évolution biologique du vivant. La recherche scientifique a mis en évidence les changements évolutifs rapides des populations sauvages en réponse aux changements globaux, ainsi que leurs impacts avérés et à venir sur la biodiversité héritée de l'histoire évolutive. Michael E. Soulé, un des fondateurs de la biologie de la conservation proposait en 1980 de mettre au premier plan des enjeux de protection de la nature les dynamiques évolutives des espèces. Depuis, les appels à porter davantage d'intérêt à ces questions ne cesse de se renouveler. Il est donc crucial de porter aujourd'hui l'évolution au premier plan de la conservation de la biodiversité. Partant de la proposition d'une approche évocentrée de la conservation, c'est à dire centrée sur l'évolution, la thèse développe les conditions scientifiques d'application de ses principes. La première partie présente la proposition éthique évocentrée ainsi que le contexte scientifique dans lequel elle s'inscrit. Notamment de la place de l'évolution dans la littérature scientifique de la conservation de ses origines à aujourd'hui, dans les rapports d'organisations non-gouvernementales comme l'IPBES ou dans les politiques nationales, à travers une analyse quantitative d'occurrences de mots-clés et une analyse qualitative des textes. Nous faisions l'hypothèse d'une faible place de l'évolution dans la conservation, particulièrement depuis les deux dernières décennies, en rupture avec la place centrale donnée à l'évolution par les fondateurs de la biologie de la conservation. Il se trouve en effet que le niveau de prise en compte des questions évolutives n'atteint pas celui observé dans la littérature généraliste équivalente. Les finalités concernant l'évolution et les valeurs sous-jacentes à la préservation des processus et des patrons de l'évolution ne sont pas suffisamment explicitées. Cependant, une large partie des actions et des recommandations en conservation nous apparaît compatible avec les principes évocentrés. Afin d'accompagner et d'orienter cette nécessaire intégration de l'évolution dans la conservation, qui est nécessaire mais contrainte par de nombreux obstacles, nous définissons et développons dans une deuxième partie le concept d'empreinte évolutive. L'empreinte évolutive est un ensemble de métriques et d'indicateurs visant à rendre compte de l'impact d'un agent, quel qu'il soit, sur les trajectoires évolutives d'une entité biologique, aux échelles microévolutive et macroévolutive. Ce cadre conceptuel vise à dépasser les empreintes écologique et biodiversité, tout en intégrant leurs dimensions respectives, afin d'offrir une approche systémique plus proche de la réalité des impacts humains sur le vivant. L'empreinte évolutive est un outil au service des acteurs de la conservation et la réduction de l'empreinte évolutive des humains est un principe conducteur de l'approche évocentrée. Dans une troisième partie, nous investiguons les conditions d'implémentation de ce principe dans les actions de conservation dite espèce-centrées. En prenant le cas des translocations de conservation, nous discutons de l'intégration d'une perspective évocentrée dans la mise en place des objectifs et des suivis de ces actions, afin de rétablir les processus évolutifs impactés par des activités humaines. Nous nous intéressons ensuite aux approches de conservation espaces-centrées à travers le cas pionnier du Parc National du Port Cros. Le comité scientifique de ce parc national a en effet pris l'initiative de fonder sa stratégie scientifique sur l'approche évocentrée, ce qui nous permet de discuter de l'implémentation de l'évocentrisme à l'échelle des territoires. Nous apportons enfin une discussion générale sur les limites rencontrées et les voies de développement pour l'approche évocentrée ainsi qu'une réflexion sur les enjeux contemporains et les moyens à notre disposition pour y faire face.