Thèse soutenue

La tradition textuelle des Sentences dites de Phocylide

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Auteur / Autrice : Paola Carmela La Barbera
Direction : Didier MarcotteFilippomaria Pontani
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Études grecques
Date : Soutenance le 20/05/2024
Etablissement(s) : Sorbonne université en cotutelle avec Università Ca' Foscari Venezia (Venise, Italie)
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Mondes anciens et médiévaux (Paris ; 2000-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Orient et Méditerranée (Ivry-sur-Seine, Val de Marne ; 2006-....)
Jury : Président / Présidente : Brigitte Mondrain
Examinateurs / Examinatrices : Marwan Rashed, Francesca Maltomini
Rapporteurs / Rapporteuses : Brigitte Mondrain, Stefano Martinelli Tempesta

Mots clés

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Résumé

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Cette thèse propose une étude de la tradition des «Sentences», recueil de maximes en 230 hexamètres, probablement écrit au IIe s. et faussement attribué au poète archaïque Phocylide. Elle offre également une édition critique du texte à partir d'un nouvel examen de l'ensemble de ses phases textuelles, caractérisant l'histoire du document jusqu'au début du XVIe s. Le travail s'ouvre avec une enquête sur la confession de l'auteur, juive, chrétienne ou païenne, restée débattue jusqu'à présent. L'hypothèse retenue par l'essentiel de l'historiographie antérieure à la fin du XXe s., selon laquelle l'auteur serait un juif hellénisé, est d'abord remise en cause grâce à plusieurs études récentes démontrant l'existence de normes communes aux lettrés juifs et chrétiens. Elle est ensuite reconsidérée sur la base d'une reprise de la tradition manuscrite, dévoilant que certains vers comportant des allusions au christianisme, jusqu'ici considérés comme des interpolations tardives, sont en réalité authentiques. Ces différents éléments ne permettent plus d'exclure l'appartenance de l'auteur au christianisme. L'analyse de la circulation des Sentences est ensuite menée grâce à l'examen de sa tradition directe, qui révèle que le texte connaît une importante diffusion de la fin du XIIIe s. à l'époque humaniste. Cette démarche tient compte des témoins datant du Xe au début du XVIe s., dont elle fournit une description détaillée. Elle permet de déterminer que la tradition se divise en deux branches, MB et PLV, produites en Orient et dérivant d'un archétype. MB et PLV sont les seuls témoins à considérer pour l'établissement du texte, puisque les autres sont tous leurs descendants. Une contamination entre ces deux branches, probablement advenue au sein d'un milieu érudit de Byzance au XIIe siècle, donne également vie à une nouvelle recension du texte (ξ) de laquelle sont tirées la plupart des copies byzantines. Deux autres branches de la tradition peuvent enfin être identifiées : elles dépendent de PLV (α) comme de MB (β) et se sont réciproquement contaminées. Les versions textuelles de ξ, α et β atteignent l'Italie au XVe s., après la chute de Constantinople. En Occident, le poème circule alors dans tous les grands milieux humanistes, où son contenu moral est exploité pour enseigner le grec. Cet usage s'explique d'autant mieux que les Sentences avaient préalablement été diffusées dans le monde byzantin en compagnie de recueils grammaticaux ou épistolaires ainsi que de textes gnomiques, indiquant qu'elles étaient lues dans des contextes scolaires et rhétoriques. La version de l'editio princeps de 1495 fixe ensuite une vulgate, qui jouit alors d'une vive circulation en Italie, en France et en Allemagne, comme le montre le recensement des éditions imprimées antérieures à 1550. Contrairement à la tradition directe, l'enquête sur la tradition indirecte révèle en revanche une diffusion limitée du texte parmi les auteurs anciens et byzantins. Seules quelques sentences figurent ainsi dans un faible nombre d'œuvres grammaticales et rhétoriques, mais n'apparaissent presque jamais dans les gnomologia byzantins. L'hypothèse que l'Anthologie de Stobée soit le plus ancien témoin indirect est récusée, car l'analyse philologique montre que ses citations sont des rajouts récents venant des milieux crétois de Michel et Aristoboulos Apostolis (XVe s.). En revanche, la citation des Sentences dans le livre II des Oracles sibyllins, auparavant considérée comme une interpolation byzantine, s'avère authentique. Il est probable que le texte, assimilé à la tradition oraculaire, ait ainsi été écarté du canon des textes gnomiques et des Pères de l'Église. La notice de la Souda, qui définit Phocylide comme un plagiaire de la Sibylle, semble conforter cette supposition. La thèse se clôt enfin par l'édition du texte, muni d'un apparat critique tenant compte des témoins directs et indirects.