Thèse soutenue

Naissance et postérité de formules-médailles

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Auteur / Autrice : Jean-François Riaux
Direction : Jean-Christophe Abramovici
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Littératures françaises
Date : Soutenance le 27/06/2024
Etablissement(s) : Sorbonne université
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Littératures françaises et comparée (Paris ; 1992-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre d'étude de la langue et des littératures françaises (1998-....)
Jury : Président / Présidente : Michel Delon
Rapporteurs / Rapporteuses : Isabelle Moulin, Anne Régent-Susini

Mots clés

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Résumé

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Tout emprunt d'une citation (par exemple : Ignoti nulla cupido ou « on ne désire pas ce qu'on ne connaît pas » - Ovide -) vers, extrait de la prose d'un auteur, sentence à caractère proverbial, etc., est d'abord révélateur d'une circulation au sein de toutes les médiations par lesquelles une société humaine se construit et qu'on nomme « culture ». Pour désigner tel vers d'un poète grec, latin ou proche de nous, tel fragment de prose antique, telle expression topique allant et venant selon une trajectoire nécessairement imprévisible, il paraît opportun de privilégier l'emploi du mot composé « formule-médaille », heureuse métaphore forgée par notre maître Jean Deprun (†) au sein de son séminaire de recherches à la Sorbonne dans les années 80, métaphore désignant une expression maniée et remaniée d'un siècle à l'autre. Dans cette étude, il s'agit donc de tenter d'épouser le trajet de quelques unes de ces formules « voyageuses ». Notre ambition sera, non pas de proposer un énième florilège de citations, mais d'en interroger quelques unes selon leur impact au sein des œuvres où elles sont réemployées, selon leur perméabilité à l'esprit du temps dont elles relèvent, selon les libres réflexions qu'elles peuvent entraîner. Cette ambition reste exigeante : l'histoire des idées permet de l'honorer. On souhaite ainsi dégager des « effets de sens » qui amplifient ou rompent la signification initiale d'une expression au gré d'une trajectoire aux rebonds et aux bifurcations multiples.À l'instar d'Arthur Oncken Lovejoy (1873-1962), auteur américain de l'ouvrage intitulé The great chain of being.The study of the history of an idea, on aurait pu user de l'expression « cellule idéelle » pour désigner toute citation « voyageuse » se logeant dans un texte tel un micro-organisme dans un vivant quelconque. En raison de la connotation trop biomorphique de cette terminologie, le mot composé « formule-médaille » nous a paru d'emblée préférable : il assure par l'effet d'une connexion verbale à portée métaphorique à la fois l'attribution d'une valeur propre à la formule étudiée (de même qu'une médaille a une valeur pour le numismate) et la représentation de sa destinée erratique (de même que toute médaille est généralement vouée à changer de mains). À quel schéma directeur obéir pour embrasser la destinée d'une formule-médaille ? Trois dimensions du temps sont prises en compte. On examine tout d'abord la formule dans son présent de référence, c'est-à-dire au moment de sa prime apparition ; il s'agit donc de la considérer dans l'œuvre où elle a pris place pour la première fois. Toutefois, ceci ne peut valoir pour toute formule retenue ; certaines expressions au caractère moral universel (comme « La Règle d'or ») ne peuvent être le fait d'un auteur clairement repérable. Lorsque l'objet d'étude est un vers ou un élément de prose d'un auteur identifié sans conteste, on s'attache à remonter aux sources qui ont pu inspirer l'auteur ; en d'autres termes, on passe du présent de référence au passé, en n'ignorant point que cette tâche est délicate et parfois peu fructueuse. Enfin, on s'attelle au futur en tentant de tracer ce qui sera le sillage de la formule qu'on examine, donc sa fortune ultérieure, laquelle ne laisse pas de surprendre, d'autant plus qu'elle s'enfle de diverses variantes, voire d'altérations qu'on n'a pas à négliger. En somme, tout citateur est en droit d'afficher sa liberté dans le réemploi qu'il propose : pour l'un, une même locution sera le slogan d'une rusticité innocente, pour l'autre, un mot d'ordre du libertinage. Il s'ensuit que ces formules-médailles, antiques ou plus récentes, sont, selon leur contexte idéologique, tout autant marques de ralliement à une cause que « pommes de discorde », ou encore, qu'elles sont comme des lignes de partage des eaux dans les territoires que la pensée détermine à tel ou tel moment de son histoire.