Roger Wybot (1912-1997) : genèse d’un contre-espionnage français modernisé
Auteur / Autrice : | Olivier Brun |
Direction : | Olivier Forcade |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Histoire contemporaine |
Date : | Soutenance le 22/05/2024 |
Etablissement(s) : | Sorbonne université |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Histoire moderne et contemporaine (Paris ; 1994-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Sorbonne-Identités, relations internationales et civilisations de l'Europe (Aubervilliers, Seine-Saint-Denis ; 2002-....) |
Jury : | Président / Présidente : Sébastien-Yves Laurent |
Examinateurs / Examinatrices : Olivier Dard, Jean-François Gayraud | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Noëlline Castagnez, Bertrand Warusfel |
Mots clés
Résumé
Roger Wybot, bien que relativement oublié aujourd'hui, fut au XXe siècle l'un des hommes les plus puissants et les plus singuliers de France. Ce n'est pas rien que d'avoir contribué, à vingt-huit ans, à la mise en place puis à la direction à Londres du contre-espionnage de la France libre, avant de créer après-guerre à Paris la redoutable et redoutée Direction de la surveillance du territoire (DST), dont il fut le directeur pendant quinze ans. Roger Wybot a longtemps suscité la crainte. À l'Assemblée nationale son nom était prononcé à voix basse. Le journal L'Aurore rapporte même qu'un avocat célèbre, un ministre, dirent de lui en leur temps « c'est le diable ». De caractère fort, difficilement influençable, cet intuitif sut avec persévérance modeler la DST selon ses vues, bouleversant des méthodes anciennes pour inscrire le service de contre-espionnage dans son temps. Incontestablement, il est le père du contre-espionnage français moderne. Une première partie montrera un Roger Wybot en mouvement, transporté par les événements qui se succèdent : né Warin, jeune officier sous contrat, il se retrouve embarqué par le tragique du conflit mondial dans une aventure exceptionnelle qui, déjà, lui donne les clés d'une carrière. Car avec la guerre, singulièrement par son expérience au BCRA, l'avenir de celui qui s'est mué en Wybot est en marche. Alors même que le poste de directeur du contre-espionnage ne lui était pas dû au sortir du conflit, il sait s'imposer et utiliser son savoir-faire pour transformer cette machine administrative et la placer au cœur de la IVe République. La seconde partie analysera en quoi toute la méthodologie mis en place en quelques semaines à la Libération s'est montrée adaptée aux événements, d'abord dans la chasse aux anciens nazis et collaborateurs puis très rapidement du fait de l'entrée dans la guerre froide dans la lutte contre l'ennemi communiste. Cet appareil d'État a aussi été construit dans un objectif de protection du secret de défense, dont la compromission allait provoquer deux scandales retentissants. Parallèlement pointait le mouvement de décolonisation qui réorientait son action, d'abord timidement avant d'absorber une large part de ses ressources avec la guerre d'Algérie. Mais ce travail ne saurait suffire. Son dessein est aussi de se demander, par-delà les événements qu'il a traversés, qui était réellement Roger Wybot par une approche croisée. L'individu ne se laisse pas facilement cerner. Ou plutôt, il a tant fait de son vivant pour construire son image que le risque est fort de se laisser porter par un portrait flatteur, sans chercher les zones d'ombre. Avec un tel spécialiste du contre-espionnage, la force et l'ampleur des manipulations ont été considérables. C'est vrai pour les affaires traitées, et on en comprend bien la nécessité, c'est aussi vrai pour sa propre représentation. Une troisième partie visera donc à reconstituer un portrait de l'homme, plus fidèle à la réalité, tout aussi étayé que le déroulé chronologique, mais interrogeant le pourquoi de cette relative mystification. L'objectif est bien d'atteindre Roger Wybot en historien. Quelle était donc sa personnalité si singulière ? S'est-il retrouvé dans ses convictions, ses réseaux et ses traditions, s'est-il enfermé dans un rôle, ou au contraire son chemin a-t-il constitué une démarche pour s'en affranchir ? En quoi son parcours a-t-il influencé, positivement ou négativement, sa manière de travailler et surtout de façonner le contre-espionnage, cette mission de service public si particulière ? Et finalement, que reste-t-il aujourd'hui de Roger Wybot ?