Comment le sous-sol devient un dépôt - ignorance, dénomination et vide dans le cas de C4000 (Lacq-France)
Auteur / Autrice : | Julianna Colonna Valevski Cardial |
Direction : | Sébastien Chailleux, Alena Bleicher |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Sociologie |
Date : | Soutenance le 26/09/2024 |
Etablissement(s) : | Pau |
Ecole(s) doctorale(s) : | Sciences Sociales et Humanités |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : TRansitions Energétiques et Environnementales (Pau) |
Jury : | Président / Présidente : Xavier Arnauld de Sartre |
Examinateurs / Examinatrices : Sébastien Chailleux, Alena Bleicher, Xavier Arnauld de Sartre, Soraya Boudia, Matthias Gross | |
Rapporteur / Rapporteuse : Soraya Boudia, Matthias Gross |
Mots clés
Résumé
Cette thèse examine la trajectoire de Crétacé 4000 (C4000), un site d'injection souterraine situé à Lacq (64), dans les Pyrénées-Atlantiques, et explore comment le sous-sol est devenu un lieu de dépôt (disposal site). Depuis 1975 des ''choses'' provenant des industries sont injectées à environ 4 000 mètres sous terre dans un gisement de gaz épuisé. C'est l'injection de ces « choses » dans le sous-sol qui le caractérise comme un dépôt. Malgré son ancienneté, ce site reste peu étudié, notamment dans les sciences humaines et sociales. En analysant les processus qui ont permis à C4000 d'exister en tant que site de dépôt, cette recherche pose deux questions centrales : ''Comment C4000 en est-il venu à exister ?'', focalisée sur le cas d'étude et ''Comment le sous-sol en est-il venu à être un dépôt ?'' focalisée sur le sous-sol en général.À partir des cadres théoriques de la Science, Technologie et Société (STS) et du Nouveau Matérialisme, cette étude s'intéresse au devenir de C4000 et du sous-sol. J'utilise notamment le concept de ''pratiques de création de frontières'' (BMP - boundary-making practices) pour explorer comment la production de connaissances sur C4000, par le biais d'études, d'expertises, de communication et de surveillance, façonne et légitime son existence. Ces pratiques, en construisant certaines réalités, en excluent d'autres. Ensuite, en mobilisant la littérature sur les études de l'ignorance, j'ai démontré que la production de connaissances produisait aussi de l'ignorance et la rendaient en grande partie invisible. Ainsi, j'analyse comment différentes formes d'ignorance — la confidentialité, l'ignorance stratégique, la science non faite, la non-connaissance et l'ignorance institutionnalisée — ont contribué à la légitimation des injections dans C4000 et à exclure d'autres réalités. L'ignorance sur ce qui est injecté, les « choses », a aussi joué un rôle majeur dans cette légitimation. Cette ignorance est liée à la production de connaissances et également aux noms qui leur étaient donnés. Ainsi, j'ai développé une analyse des noms donnés à ces choses, des noms abandonnés, changés et jamais utilisés, et j'ai donc proposé le concept de dénomination (naming). La dénomination fait référence à la pratique d'utiliser un nom pour une certaine ''chose'' afin d'instaurer une certaine réalité, fonctionnant dans certains cas comme une BMP. Ainsi, le nom met en avant ou rend invisibles certaines caractéristiques matérielles. Dans une seconde analyse, je me suis concentrée sur la manière dont les caractéristiques matérielles du sous-sol sont mises en avant par les acteurs favorables à l'exploitation de C4000. Cette analyse a dévoilé le vide comme quelque chose d'exploitable. De ce fait, j'ai comparé le vide à une ressource, construite par des pratiques matérielles et immatérielles. En proposant une réflexion sur le vide comme ressource, j'offre un cadre analytique qui éclaire la construction et l'exploitation d'une ''nouvelle'' ressource qui a été négligée jusqu'à présent.