Thèse soutenue

Étude géoarchéologique du système d'irrigation de Sarazm (IVe-IIIe millénaires av. n. è) : de la gestion de l'eau à la fabrique du paysage fluvial de la moyenne vallée semi-aride et tectoniquement active du Zeravshan (Tadjikistan, Asie Centrale)

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Auteur / Autrice : Lucie Cez
Direction : Christophe PetitEric Fouache
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Archéologie
Date : Soutenance le 18/12/2024
Etablissement(s) : Paris 1
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Archéologie (Paris ; 1990-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : ArScAn. Archéologies et sciences de l'Antiquité (Nanterre ; 1999-....)
Jury : Président / Présidente : Henri-Paul Francfort
Examinateurs / Examinatrices : Christophe Petit, Eric Fouache, Bernard Delcaillau, Julia Wattez, Frédérique Brunet
Rapporteurs / Rapporteuses : Benjamin Mutin, Benoît Devillers

Résumé

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Cette recherche porte sur les anciennes structures hydrauliques de la microrégion de Sarazm dans la moyenne vallée du Zeravshan au Tadjikistan, des vestiges de canaux et un réseau de galeries drainantes (karez) creusés dans la plus haute terrasse de rive gauche sur laquelle l’établissement proto-urbain de Sarazm s’est développé au Chalcolithique et à l’âge du Bronze ancien, entre la seconde moitié du 4e et le milieu du 3e millénaire av. n. è. Afin de restituer les anciens systèmes d’irrigation dans leurs dimensions spatiales et techniques et les replacer dans l’histoire du paysage fluvial où ils ont fonctionné, l’approche géoarchéologique se fonde sur l’étude à toutes les échelles et la datation par luminescence (OSL) des héritages morphosédimentaires quaternaires du paysage fluvial (cône et terrasses alluviales) et irrigué (comblements de trois canaux et d’un karez). L’étude morphotectonique a permis de cartographier un dense réseau de failles extensives E/O à jeu subsident et de décrochements N/S à l’origine du compartimentage du relief en grabens dissymétriques. L’impact de l’activité néotectonique sur le réseau de drainage s’est manifesté par des paléoglissements gravitaires avec formation de barrages de débris sur le Zeravshan et des ajustements de la dynamique fluviale (défluviations, métamorphose, incision). Le modèle de formation des terrasses emboîtées de la microrégion de Sarazm met en évidence ce contrôle structural lié aux failles normales qui accommodent le soulèvement au sud, combiné aux processus d’aggradation/incision du lit fluvial sous l’influence des cycles glaciaires-interglaciaires au Pléistocène et d’une plus grande variabilité des conditions hydroclimatiques à partir de l’Holocène moyen. Sur la haute terrasse pléistocène, Sarazm s’est développé le long d’un paléotalweg collectant au sud l’eau des affluents du piémont (say) et au sud-est des diffluences du say Kamartash à la terminaison du cône alluvial qu’il a édifié au Pléistocène. Ce large vallon en eau a été aménagé pour les cultures agricoles sur les levées des paléochenaux aménagées en banquettes et facilité l’approvisionnement du site, ce dont témoigne un canal d’adduction qui en partait vers le nord à travers la zone habitée. La datation par OSL des structures hydrauliques a révélé l’existence d’un canal d’irrigation déjà fonctionnel à la fin du 4e millénaire, vers 3015 av. J-C., toujours en activité vers 2500 av. J.-C (canal 1). Alimenté par le Zeravshan, il permettait d’irriguer le rebord nord de la haute terrasse jusqu’à sa terminaison occidentale, son tablier colluvial ainsi que la terrasse post-optimum holocène en contrebas. Ce canal a également pu alimenter les secteurs nord de la zone habitée qu’il longeait. L’étude topographique, pédostratigraphique et micromorphologique de son remplissage révèle une gestion de l’eau maîtrisée qui s’exprime dans le dimensionnement et le profil de l’ouvrage, un contrôle des flux entrants et des pratiques outillées d’entretien et de réparation dans un contexte de perturbations sismiques récurrentes. Le creusement d’une galerie de type karez dans la terrasse pléistocène vers 2300 av. J.-C, ou antérieurement à cette date qui marque la fin de l’occupation de Sarazm, a pu répondre à une volonté de sécuriser la fourniture en eau au vu des contraintes à la dérivation des écoulements et la fréquence des secousses sismiques. Deux systèmes d’irrigation plus récents, l’un fonctionnel vers 500 av. J.-C, puis au 2e siècle apr. J.-C (canal 2) et un autre daté de la période islamique, entre le début du 11e et le 14e siècles (canal 3), indiquent que la haute terrasse a continué d’être mise en valeur par l’irrigation aux périodes historiques dans un contexte sismotectonique toujours actif.