Sans guichet fixe : l'invention par la RATP d'une politique d'assistance auprès des indésirables du métro parisien
Auteur / Autrice : | Bérangère Rocalve |
Direction : | Patrick Bruneteaux |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Science politique |
Date : | Soutenance le 28/06/2024 |
Etablissement(s) : | Paris 1 |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale de science politique (Paris ; 1992-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Centre européen de sociologie et de science politique (Paris ; 2010-....) |
Jury : | Président / Présidente : Brigitte Gaïti |
Examinateurs / Examinatrices : Patrick Bruneteaux, Maud Simonet, Gwénaëlle Mainsant | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Vincent Dubois, Alexis Spire |
Mots clés
Mots clés contrôlés
Résumé
Cette thèse propose de questionner la manière dont des relations administratives prennent forme dans des institutions dont ni le cadre matériel, ni les fonctions premières, ne sont prévues pour qu’elles s’y déploient. Elle se fonde sur l’analyse du Recueil social, un service d’assistance aux sans-abris mis en place par la RATP, entreprise publique de transport en Île-de-France. Ce service s’inscrit dans une préoccupation sécuritaire de l’entreprise, confrontée à la présence d’usagers indésirables susceptibles de perturber la mise en flux des voyageurs dans le réseau souterrain de transports. Le Recueil social est composé d’agents qui sillonnent Paris à bord d’un bus et se rendent dans les stations de métro afin de convaincre les sans-abris qui s’y trouvent de quitter les lieux, en leur proposant de les accompagner dans des structures d’accueil ou d’hébergement d’urgence. Ces agents n’ont pas reçu de formation relative au travail social : ils sont des machinistes, des contrôleurs, des agents de station, et, pour la majorité d’entre eux, des agents de sécurité. Formellement défini comme un travail de transporteurs, le métier des agents du Recueil ne s’épuise pourtant pas dans cette description. En effet, en contact quotidien avec des usagers en difficulté, et avec tout un réseau de professionnels du social, ils sont menés à devenir des travailleurs sociaux improvisés. La thèse propose de considérer les rencontres entre agents et usagers comme des relations de guichet, bien qu’elles interviennent en dehors de tout cadre prévu pour accueillir des publics. Si ces rencontres s’apparentent malgré tout à des relations de guichet, c’est d’abord parce que les agents interviennent sur les quais de métro, en garants de la maîtrise du territoire. Leur intervention sur les quais est légitimée par leur mandat d’agents RATP qui s’affiche sur leur uniforme. Ils sont des agents de « première ligne », en contact direct avec les usagers mais ont la particularité d’œuvrer certes, dans un espace institutionnel marqué par son appartenance à l’entreprise, mais qui est aussi le territoire intime de ceux qui y résident plus ou moins longuement. De leur côté, les usagers des services du Recueil social peuvent s’apparenter à des « clients » volontaires, qui vont au-devant des agents comme s’ils se rendaient à un guichet pour solliciter un service. À l’inverse, ils peuvent aussi fuir le service proposé, en refusant d’être étiquetés comme des usagers potentiels et en cela, comme des indésirables dans le métro. En articulant la sociologie du travail et des professions et la sociologie de l’action publique, ce travail montre comment cette configuration spatiale spécifique de « guichet à ciel ouvert » occasionne alors des reconfigurations professionnelles qui contribuent à dessiner le métier des agents comme un travail social-sécuritaire. La thèse combine un travail sur archives, par entretiens, des observation participantes qui ont été menées auprès des agents, et des observations auprès des usagers dans les stations, lorsque ces derniers anticipent le passage du Recueil social. Cette ethnographie a permis de montrer comment les investissements mutuels des agents et des usagers peuvent contribuer à formaliser une relation de guichet. La thèse permettra d’ouvrir une réflexion nouvelle sur l’action publique et notamment de l’administration sécuritaire des politiques sociales. Plus spécifiquement, elle ouvrira une piste de réflexion sur l’action publique en pointillés de « la main gauche » de l’État.